Les idées préconçues et les stéréotypes concernant les personnes âgées sont malheureusement trop courants dans nos milieux de travail. Les travailleurs âgés sont souvent injustement perçus comme étant moins productifs, moins dévoués à leur travail, peu dynamiques ou innovateurs, peu réceptifs au changement, incapables d’être formés ou très dispendieux pour l’employeur en raison de leur état de santé ou de leurs salaires élevés. Ces notions concernant les travailleurs âgés ne sont rien d’autres que des idées fausses qui ne sont pas fondées sur des faits. En réalité, les faits prouvent abondamment que les travailleurs âgés :
Le vieillissement est une expérience individuelle et il est impossible de généraliser au sujet des aptitudes et des compétences d’une personne en tenant compte uniquement de son âge chronologique, pas plus qu’il n’est possible de le faire en se fondant uniquement sur le fait qu’une personne appartient à l’un des groupes visés par les motifs de discrimination énumérés dans le Code.
Comme principe général, les travailleurs âgés doivent être traités en tant qu’individus, évalués selon leurs propres mérites et non selon des présomptions fondées sur des généralisations, et on doit leur offrir des chances égales en matière d’embauche, de formation et de promotion. Ils doivent être assujettis aux mêmes pratiques d’évaluation du rendement que tous les autres travailleurs. Les décisions concernant les mises à pied ou les congédiements ne doivent pas tenir compte du facteur de l’âge, ce qui comprend les présomptions fondées sur les stéréotypes concernant les personnes âgées.
En réalité, le fait de sous-estimer les capacités des travailleurs âgés et, par conséquent, de les traiter différemment peut les empêcher de maintenir leur productivité et leur rendement. En revanche, le fait de traiter les travailleurs âgés de manière égale permet aux employeurs d’utiliser une ressource humaine de grande valeur, surtout si l’on tient compte des pénuries actuelles et projetées de main-d’œuvre.
Exemple : Un employeur suppose qu’une travailleuse âgée aurait trop de difficulté à suivre une formation et que, de toute façon, elle n’est plus là que pour attendre la retraite. Il décide donc de ne pas lui offrir la formation et il évalue son rendement sans prendre la peine de bien définir ses points forts et les domaines dans lesquels elle devrait s’améliorer. Par conséquent, elle ne peut mettre à jour ses compétences, elle ne peut s’efforcer d’améliorer son rendement dans les domaines qui sont plus faibles, et elle est moins motivée au travail parce qu’elle sent que son travail n’est pas apprécié, qu’on ne s’attend pas à ce qu’elle donne un bon rendement et que sa contribution ne sera jamais reconnue.
Les travailleurs âgés font face à des obstacles importants lorsqu’ils cherchent du travail. Ces obstacles peuvent être des formes de discrimination ouverte, comme le fait de ne pas embaucher quelqu’un uniquement en raison de son âge, ou d’une discrimination plus subtile, ou systémique, comme le fait d’éliminer quelqu’un parce qu’on estime qu’il n’a pas de « potentiel professionnel ». De tels obstacles peuvent être plus graves pour les personnes appartenant à des groupes qui font face à d’autres obstacles sur le marché de l’emploi, comme les personnes racialisées, les nouveaux venus au Canada et les personnes handicapées.
Qu’il s’agisse de discrimination ouverte ou systémique, le Code protège les personnes contre la discrimination fondée sur l’âge dans le processus d’embauche. Le Code interdit les annonces d’offre d’emploi qui, directement ou indirectement, établissent des catégories ou indiquent des qualités requises fondées sur l’âge (paragraphe 23 (1)). De la même façon, les formules de demande d’emploi et les questions posées en entrevue ne doivent pas, directement ou indirectement, établir des catégories ou indiquer des qualités requises fondées sur l’âge (paragraphes 23 (2)). Cependant, durant une entrevue privée relative à un emploi, il n’est pas interdit de poser des questions concernant l’âge lorsqu'une discrimination fondée sur l’âge est permise aux termes du Code.
Cela signifie que :
Lorsque l’âge ou la date de naissance sont des données pertinentes pour les régimes de retraite et d’avantages sociaux de la compagnie, l’employeur doit recueillir ces renseignements après avoir offert le poste et il doit en assurer la confidentialité.
Il peut être difficile de démontrer que l’âge a été un facteur direct ou indirect de la décision d’embaucher ou de ne pas embaucher une personne. Il est plutôt rare que des employeurs disent qu’ils ont décidé de ne pas embaucher une personne en raison de son âge. Cependant, les considérations suivantes peuvent suggérer que l’âge a été un facteur de la décision de ne pas embaucher une candidate ou un candidat :
Certaines des raisons qui peuvent être données pour ne pas choisir une candidate ou un candidat âgé semblent neutres à première vue, pourtant elles peuvent avoir des conséquences disproportionnées pour les personnes âgées. Voici quelques exemples :
Un employeur peut toujours démontrer une raison non discriminatoire de ne pas embaucher une candidate/un candidat ou de lui préférer une autre personne. Il est donc de bonne politique, tant du point de vue des ressources humaines que du point de vue des droits de la personne, d’élaborer des critères de sélection prédéterminés, objectifs et étroitement liés au poste pour tous les concours, de noter tous les candidats à la lumière de ces critères et de conserver les dossiers portant sur le concours pour une période d’au moins un an après la clôture du concours.[23] En outre, comme nous l’avons déjà mentionné dans la présente politique, un employeur peut refuser quelqu’un en raison de son âge, soit directement soit au moyen d’une règle neutre ayant des effets préjudiciables, s’il peut justifier l’exigence comme étant raisonnable et de bonne foi en utilisant le critère en trois étapes mentionné précédemment. Il faut garder à l’esprit, cependant, que si l’on examine les décisions prises jusqu’à présent par les tribunaux lorsque des employeurs ont tenté de justifier le refus de candidats en raison de leur âge seulement, on constate qu’il peut être très difficile de le faire, surtout si les préoccupations relatives à la capacité des employés ont davantage à voir avec des questions de coûts que des questions de santé et de sécurité.[24]
En raison des pénuries de main-d’œuvre actuelles et prévues, de nombreux employeurs, économistes et spécialistes du marché du travail commencent à souligner l’importance de favoriser le maintien en poste des travailleurs âgés. Bien sûr, garantir l’égalité des chances et un milieu de travail sans discrimination est l’un des meilleurs moyens de s’assurer que les travailleurs âgés resteront dans la population active plus longtemps.
Sous réserve des exigences établies de bonne foi, le fait de refuser ou de restreindre des chances en matière d’emploi ou de traiter des travailleurs différemment en raison de leur âge constitue une infraction au Code. Le traitement inégal en raison de l’âge peut prendre diverses formes, dont voici quelques exemples :
Les preuves statistiques portant sur des problèmes systémiques en milieu de travail peuvent constituer une preuve circonstancielle permettant de déduire qu’il y a eu probablement discrimination dans un cas individuel.[28]
Exemple : Une organisation s’inquiétait du vieillissement de sa main-d’œuvre et du fait que de nombreux chefs de service prendraient leur retraite au cours des 15 prochaines années. Par conséquent, les pratiques de recrutement ont été modifiées « pour répondre à long terme au besoin du bureau en matière de spécialistes ». La preuve statistique portant sur la répartition des employés selon l’âge montrait qu’un nombre disproportionné d’employés avaient moins de 40 ans et que la vaste majorité des nouveaux employés avaient moins de 30 ans. Le tribunal a conclu que l’organisation avait pris des mesures pour recruter une main-d’œuvre plus jeune et que le requérant, qui était âgé de 43 ans et qui travaillait pour cette organisation depuis 7 ans, n’avait pas obtenu une promotion à une poste particulier parce que, entre autres raisons, il ne correspondait pas au profil des candidats que l’organisation entendait recruter pour ce poste. « La preuve statistique produite par l’intimé lui-même offrait une preuve circonstancielle éclatante d’une prédisposition organisationnelle contre la promotion de candidats internes plus âgés à des postes du groupe ES. »[29]
Les travailleurs âgés sont plus susceptibles de subir de manière disproportionnée des déplacements ou des désavantages dans le cadre de la réorganisation des milieux de travail ou de la réduction des effectifs. Cela peut être attribué à plusieurs raisons, comme la présomption qu’en raison de leur âge, ou du fait qu’ils exécutent leur travail d’une certaine façon depuis longtemps, ils auront plus de difficulté à apprendre à utiliser les nouvelles technologies ou à adopter de nouvelles procédures, ou la perception qu’ils seront peu disposés à accepter des modifications dans leurs conditions de travail, comme la réduction de leur salaire ou des changements d’horaire, ou la conviction qu’il est plus équitable de les déplacer, eux plutôt que d’autres travailleurs, puisqu’ils peuvent bénéficier d’une retraite anticipée. De plus, la réorganisation et la réduction des effectifs peuvent simplement servir à « rajeunir » la main d’œuvre.
Exemple : En raison du ralentissement économique, une compagnie était obligée de mettre à pied des membres de son personnel. Le requérant, un contremaître, travaillait depuis plus de 32 ans pour la compagnie et avait 57 ans au moment où on a décidé de mettre fin à son emploi, ainsi qu’à celui d’un autre contremaître âgé de 56 ans. L’employeur leur a offert à tous deux de généreuses indemnités de départ et modalités de retraite. Le vice-président avait préparé une note indiquant que les deux travailleurs âgés ainsi mis à pied avaient été informés de la nécessité de réduire les effectifs et que la compagnie « espérait garder des membres du personnel ayant un potentiel professionnel » (traduction). Le tribunal a conclu qu’il y avait eu discrimination fondée sur l’âge en raison des bons antécédents professionnels du requérant, de l’âge des personnes mises à pied comparativement à celles qui sont restées et la formulation de la note qui a été interprétée comme « un euphémisme faisant référence à l’âge ». (traduction)[30]
Exemple : Une entreprise qui offre des services au public a décidé d’ouvrir un plus gros établissement pour accommoder un volume de clients plus important et a instauré un nouveau système informatique. Deux employées dans la cinquantaine ont été rétrogradées à des postes de niveau inférieur. Des travailleurs plus jeunes ont occupé leurs postes antérieurs. En concluant qu’il y avait eu discrimination fondée sur l’âge, le tribunal a souligné que l’employeur n’avait pas donné aux plaignantes une chance raisonnable de démontrer qu’elles étaient capables de s’acquitter des nouvelles tâches, qu’il avait négligé de leur offrir une formation, même la plus minimale, et il n’avait pas avisé les requérantes des craintes alléguées concernant leur rendement qu’il entendait présenter comme défense pour justifier sa décision. Le tribunal a fait remarquer que les opinions de l’employeur au sujet de la capacité des travailleurs âgés d’apprendre et de s’adapter aux changements technologiques étaient fondées sur des impressions superficielles et ne constituaient pas une raison valable de changer les fonctions des requérantes.[31]
Les facteurs suivants pourront servir de guide pour déterminer s’il y a eu discrimination fondée sur l’âge en milieu de travail à l’occasion d’une réorganisation du milieu de travail ou d’une réduction des effectifs :
D’autre part, il existe des façons pour les employeurs de s’assurer que les décisions qu’ils prennent au moment d’une réorganisation sont justes et non discriminatoires. Les critères devraient être objectifs et non pas fondés sur des impressions subjectives au sujet de l’enthousiasme, de la souplesse ou de la capacité de s’adapter d’un membre du personnel particulier. Les critères doivent être manifestement liés aux buts de la réorganisation ou aux besoins définis par la compagnie. Idéalement, ce sont les postes que l’on doit évaluer et éliminer, et non les membres du personnel, et ces postes ne doivent pas être comblés par la suite.[35]
Exemple : Une compagnie décide qu’en raison d’une baisse de ses profits et de la nécessité d’accroître sa compétitivité sur le marché, elle implantera un nouveau système de production plus automatisé. Elle établit le nombre de postes qu’il faudra combler et les fonctions de chacun des postes. Elle établit également les postes actuels qui ne seront plus nécessaires et en explique les raisons. Elle informe toutes les personnes qui occupent un poste jugé superflu et indique comment elle est parvenue à cette décision. Elle invite alors ces personnes à se présenter au concours pour les nouveaux postes. Elle procède au concours en utilisant des critères objectifs qui ne tiennent aucunement compte de l’âge et un système de notation qui mesure chaque candidate et candidat à la lumière des critères prédéterminés. Elle tient également compte des évaluations antérieures du rendement des candidats. Les candidats obtenant les meilleures notes sont retenus et on leur donne la formation nécessaire.
Avant le 12 décembre 2006, le Code n’interdisait pas la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi contre les personnes de 65 ans et plus. En conséquence, les politiques exigeant la retraite obligatoire à l’âge de 65 ans ne pouvaient pas être contestées en vertu du Code. Ce n’est plus le cas. Les personnes âgées de 65 ans et plus qui estiment qu’elles ont été victimes de discrimination en raison de leur âge, y compris en application de politiques de retraite obligatoire, peuvent déposer une requête en matière de discrimination fondée sur l’âge.
Cela ne signifie pas que les employeurs ne peuvent avoir de programmes de retraite fondés sur un certain âge. Cela signifie plutôt que ces programmes ne peuvent pas être obligatoires excepté pour les juges, les protonotaires et les juges de paix en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires qui font l’objet d’une exemption précise dans le Code.
Pour certaines fonctions, les employeurs peuvent souhaiter imposer la retraite obligatoire aux travailleurs qui atteignent un certain âge en invoquant le fait qu'avoir moins de cet âge constitue une exigence de bonne foi[36]. Par exemple, les politiques obligeant les policiers et les pompiers à prendre leur retraite à 60 ans sont souvent appliquées. Auparavant, avant l’instauration du critère en trois étapes, de telles politiques étaient considérées comme justifiables, car on admettait la preuve voulant qu’il existe une corrélation entre l’âge et l’affaiblissement physique, ce qui pouvait avoir une incidence sur l’aptitude d’exécuter les fonctions essentielles de manière sûre, en combinaison avec la preuve voulant que l’évaluation individuelle ne soit pas une mesure pratique. Il faut cependant souligner que, à la lumière du nouveau critère en trois étapes formulé par la Cour suprême du Canada, il n’est plus acceptable de se fier à des caractéristiques généralisées présumées relatives au vieillissement. Un employeur qui veut justifier la retraite obligatoire à un âge inférieur à 65 ans doit montrer que l’évaluation individuelle, en tant que forme d’adaptation, est impossible, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune méthode pour procéder à une telle évaluation ou qu’elle entraîne un préjudice injustifié. Qui plus est, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a récemment confirmé que les politiques de retraite obligatoire devraient être évaluées au cas par cas, l’employeur ayant la responsabilité de démontrer que sa politique est justifiable dans le contexte de son milieu de travail.
Sauf dans les cas où il peut être démontré que la retraite obligatoire est une exigence professionnelle de bonne foi, les négociations collectives qui contiennent ce type de clause ne feront pas foi.
Les programmes de retraite anticipée sont souvent offerts pour inciter les travailleurs à quitter leur emploi volontairement. Une telle mesure peut présenter de nombreux avantages pour tous les travailleurs : les travailleurs âgés peuvent recevoir des indemnités lucratives qui leur permettent de poursuivre d’autres intérêts et ambitions, ce qui fait que moins de travailleurs perdent leur emploi involontairement. Lorsqu’ils sont bien conçus, les régimes de retraite anticipée sont appropriés et ne portent pas atteinte aux droits de la personne. De plus, si un employeur a une raison non discriminatoire de mettre fin à l’emploi d’une travailleuse/d’un travailleur âgé et souhaite lui offrir la possibilité de prendre une retraite anticipée, rien ne l’empêche de le faire. Cependant, les régimes de retraite anticipée, par définition, visent les travailleurs âgés, et il faut agir avec circonspection lorsqu’on les utilise comme moyen de réduire les effectifs.
Dans certaines situations, le recours à un régime de retraite anticipée pour encourager les travailleurs âgés à quitter leur emploi peut soulever des problèmes du point de vue des droits de la personne. C’est le cas si l’employeur exerce des pressions ouvertes ou implicites pour pousser les travailleurs à accepter la retraite anticipée. De plus, lorsque les travailleurs âgés qui n’acceptent pas de prendre leur retraite sont ensuite visés par des mises à pied, et que l’employeur fonde sa décision sur des facteurs liés à l’âge, l’organisation pourrait faire l’objet de requêtes en matière de violation des droits de la personne.
Exemple : Une compagnie décide de réduire ses effectifs de 10 %. Le service des ressources humaines examine les dossiers de tous les travailleurs et identifie tous les travailleurs de plus de 60 ans. Ces derniers sont tous convoqués à une réunion avec la direction et on leur dit qu’ils sont près de l’âge de la retraite et qu’ils devraient accepter une offre de retraite anticipée afin que les travailleurs plus jeunes ne perdent pas leur emploi. On les avertit que s’ils ne le font pas, il pourrait arriver que leur poste soit éliminé, auquel cas ils ne recevraient que l’indemnité de départ et perdraient la chance de se prévaloir de la retraite anticipée. Dans ces circonstances, certains travailleurs âgés se sentent obligés d’accepter l’offre même s’ils avaient pourtant l’intention de travailler plus longtemps.
Le fait qu’un employeur offre un programme généreux de retraite anticipée ne nie pas le bien-fondé d’une plainte de discrimination fondée sur l’âge si l’option de retraite anticipée n’était pas véritablement volontaire.[37]
Les employeurs peuvent prendre des mesures pour s’assurer qu’une offre de retraite anticipée n’est pas coercitive :
En revanche, une employée/un employé ne peut pas alléguer qu’il y a discrimination fondée sur l’âge si l’employeur ne lui offre pas accès au programme de départ volontaire parce qu’il a encore besoin de ses services.[38]
Les protections du Code s’étendent aux régimes de retraite et de prestations. D’autres motifs de discrimination, comme un handicap et l’état matrimonial sont souvent pertinents lorsque l’on examine les régimes de retraite.
En vertu du paragraphe 25 (2) du Code, les régimes de retraite et de prestations qui sont conformes à la Loi de 2000 sur les normes d’emploi n’enfreignent pas le droit à un traitement égal en matière d’emploi. Le Règlement de l’Ontario 286/01 pris en application de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi régit les régimes d’assurance-invalidité, les régimes d’assurance de soins médicaux et dentaires, de médicaments et de retraite des employeurs. Ce règlement énonce que l’« âge » s’entend de 18 ans ou plus et de moins de 65 ans. Cela signifie que les régimes de retraite et de prestations qui établissent une différence fondée sur l’âge de 65 ans ne peuvent être contestés en vertu du Code. La CODP a publiquement exprimé ses préoccupations concernant ces dispositions et a recommandé des modifications législatives.[39] Elle encourage néanmoins les employeurs et les syndicats à élaborer et à maintenir des politiques et des programmes de retraite et de prestations qui sont conformes à l’esprit du Code, n’utilisent pas de critères relatifs à l’âge et sont fondés sur des exigences établies de bonne foi.
Le Règlement autorise d’autres distinctions fondées sur l’âge dans la prestation des régimes de retraite et de prestations, par exemple lorsque les distinctions liées à l’âge dans les taux de cotisation se fondent sur une base actuarielle.
Les régimes de congé de maladie qui prévoient des prestations disponibles en fonction de l’âge ont été jugés discriminatoires.[40] Les prestations de retraite réduites pour les personnes prenant leur retraite avant l’âge prévu ont été jugées non discriminatoires, lorsque la valeur actuarielle actuelle des prestations réduites est au moins égale à la valeur actuelle des prestations différées de celles qui attendent l’âge de l’admissibilité à la pleine pension.[41] De la même façon, le fait d’établir un âge d’admissibilité aux prestations de retraite ne sera vraisemblablement pas jugé discriminatoire.[42]
Il n’est pas permis d’utiliser l’âge pour déterminer l’ordre d’ancienneté lorsque plusieurs personnes sont embauchées le même jour.[43]
Les travailleurs âgés peuvent avoir besoin de mesures adaptées pour des raisons comme un handicap ou la nécessité de s’occuper d’une conjointe/un conjoint qui est malade. La CODP a publié le document Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement dans lequel sont énoncés les droits et responsabilités portant sur les mesures d’adaptation à prendre pour répondre aux besoins des personnes handicapées. De plus, la publication de la CODP intitulée Les droits de la personne au travail explique que l’obligation pour les employeurs de prendre des mesures d’adaptation en raison de l’état familial ou matrimonial s’étend aux employés qui doivent s’absenter de leur travail en raison de responsabilités familiales et encourage la souplesse dans les modalités d’emploi pour aider les employés à harmoniser leur vie personnelle et leur vie professionnelle.[44] Ces obligations existent sans égard à l’âge des employés. Cependant à cause du rapport qui existe entre l’âge et les handicaps, ces besoins peuvent être plus apparents à mesure que les travailleurs, et les membres de leur famille, prennent de l’âge.
Des modalités d’emploi plus souples bénéficient également aux travailleurs âgés dont la capacité s’affaiblit et elles peuvent leur assurer une transition plus facile vers la retraite. Par le passé, la participation au monde du travail suivait le principe du « tout ou rien», c’est-à-dire le travail à temps plein ou la retraite. Cependant, lorsque tout au long de sa vie active on a travaillé à temps plein, le fait de passer du jour au lendemain à une interruption absolue du travail constitue un changement majeur, qui a des conséquences sociales, psychologiques et financières.[45]
Pour faciliter le passage de l’emploi à la retraite et pour encourager les travailleurs âgés à rester plus longtemps au sein de la population active, on constate un mouvement favorisant une plus grande souplesse et des mesures de transition progressive vers la retraite. Les employeurs pourraient donc envisager des mesures comme celles qui suivent :
Comme nous l’avons déjà vu, l’obligation d’adaptation exige l’aménagement d’un milieu de travail qui tient compte des besoins des travailleurs âgés. Elle exige également une évaluation et des adaptations individualisées répondant aux capacités et aux besoins changeants des travailleurs âgés. Par exemple, si une travailleuse ou un travailleur âgé éprouve de la difficulté, sur le plan physique, à accomplir une tâche particulière, l’employeur devrait assigner cette tâche à un autre membre du personnel s’il ne s’agit pas des fonctions essentielles du poste, ou trouver d’autres mesures d’adaptation pour tenir compte de ce problème.
[17] TD Economics, Canada’s Talent Deficit (6 septembre 2001), en ligne : page d’accueil Groupe financier Banque TD : <http://www.td.com/economics/index.html >.
[18] N.C. Agarwal, La retraite obligatoire et la Loi canadienne sur les droits de la personne (préparé pour le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne, octobre 1999), tel que cité dans Il est temps d’agir, supra, note 7, p. 42.
[19] Ibid. Voir également S. Imel, Older Workers: Myths and Realities (Eric Clearinghouse on Adult, Career and Vocational Education, 1999), en ligne : Eric Clearinghouse on Adult, Career and Vocational Education, page d’accueil de Ohio State University : <http://ericacve.org>.
[20] Older Workers: Myths and Realities, ibid.
[21] Voir O’Brien c. Ontario Hydro (1981), 2 C.H.R.R. D/504 (Ont. Bd. Inq.), une affaire dans laquelle un homme de 40 ans s’est vu refuser un programme d’apprentissage; la commission d’enquête a conclu que les stéréotypes relatifs à l’âge étaient la cause immédiate du refus et qu’il y avait donc eu discrimination. Même si l’employeur embauchait des personnes âgées de 40 à 65 ans, il ne les engageait pas pour le programme d’apprentissage. L’employeur considérait que l’âge était un facteur pertinent pour déterminer si une personne pourrait s’adapter à certaines conditions de travail, comme les tâches fastidieuses, les responsabilités minimes, un salaire peu élevé et le travail par quart.
[22] Le fait d’exiger une expérience acquise au Canada a été jugé discriminatoire à l’endroit des personnes nouvellement arrivées au Canada; voir les documents de la Commission ontarienne des droits de la personne, Vous embauchez? Pensez aux droits de la personne et Les droits de la personne au travail 3e éd. (Toronto : Carswell, 2008), aussi disponible en ligne à http://www.ohrc.on.ca.
[23] Les personnes qui souhaitent déposer une requête au Tribunal doivent généralement le faire dans l'année suivant le dernier incident allégué de discrimination, à moins que le retard se soit produit de bonne foi et ne cause pas de préjudice important aux personnes touchées (paragraphe 34 (2)).
[24] Dans Canada (Commission des droits de la personne) c. Greyhound Bus Lines of Canada Ltd. (1984), 6 C.H.R.R. D/2512 (Can. Trib.), confirmé 7 C.H.R.R. D/3250 (Can. Rev. Trib.), confirmé 8 C.H.R.R. D/4184 (F.C.A.), l’employeur a été incapable d’établir que sa politique consistant à n’embaucher que de nouveaux conducteurs d’autobus de moins de 34 ans constituait une exigence établie de bonne foi. La preuve portant sur la relation entre l’âge et l’aptitude à faire face au stress a été rejetée. Air Canada n’a pas réussi à justifier une exigence semblable en invoquant le fait que les candidats au poste de pilotes âgés de plus de 27 ans avaient de meilleures qualifications que les candidats plus jeunes. Air Canada a tenté d’invoquer des considérations touchant la sécurité publique et des facteurs économiques; Air Canada c. Carson (1985), 6 C.H.R.R. D/2848 (Fed. C.A.).
[25] Voir Andronik c. Guildford Golf and Country Ltd. (1993), 21 C.H.R.R. D/400 (B.C.C.H.R.) [ci-après Andronik].
[26] Dans Silzer c. Chaparral Industries (86) Inc. (1993), 20 C.H.R.R. D/155 (B.C.C.H.R.), le tribunal a conclu que requérant, âgé de 64 ans, avait subi une discrimination fondée sur l’âge et une déficience physique ou mentale perçue lorsqu’il n’a pas été rappelé au travail après avoir été mis à pied. Le tribunal a constaté que les antécédents du requérant en matière de troubles de santé avaient été un facteur de la décision de ne pas le rappeler au travail et l’employeur a suggéré la retraite comme solution possible aux troubles de santé perçus du requérant. Cette possibilité se présentant en raison de l’âge du requérant, par conséquent l’âge, en conjonction avec le handicap perçu, a été un facteur dans le défaut de rappeler le plaignant au travail.
[27] Dans Kearns c. Dickson Trucking Ltd. (1988), 10 C.H.R.R. D/5700 (Can. Trib.), un vendeur de 69 ans a été congédié en raison de son âge malgré un excellent rendement professionnel. La première fois que la raison alléguée pour mettre fin à son emploi a été soulevée était dans la lettre de congédiement. La raison donnée indiquait que ce poste ne serait plus nécessaire, cependant le poste n’a pas été déclaré excédentaire et il a par la suite été comblé par une personne plus jeune. Le plaignant a pu établir qu’il y a avait eu discrimination fondée sur l’âge.
[28] Chopra c. Ministère de la Santé nationale et du Bien-être social (1998), 32 C.H.R.R. D/168 (F.C.J.).
[29] Singh c. Canada (Statistique Canada) (1998), 34 C.H.R.R. D/203, para. 226 (Can. Trib.) [ci-après Singh c. Statistique Canada].
[30] McKee c. Hayes-Dana Inc. (1992), 17 C.H.R.R. D/79 (Ont. Bd. Inq.) [ci-après McKee].
[31] Andronik, supra, note 25.
[32] Voir Salter, infra, note 34, et McKee, supra, note 30.
[33] Singh c. Statistique Canada, supra, note 29, para. 245.
[34] Dans Salter c. Terre-Neuve (2001), 41 C.H.R.R. D/68 (Nfld. Bd. Inq.) [ci-après Salter], le tribunal a conclu que l’admissibilité à une pension a été prise en considération dans la décision de déclarer le requérant excédentaire et que cela revenait à prendre son âge en considération. Le tribunal a conclu qu’il y avait eu discrimination fondée sur l’âge dans cette affaire.
[35] Dans Salter, ibid., l’un des facteurs ayant contribué à conclure qu’il y avait eu discrimination fondée sur l’âge est que le poste du requérant, bien qu’il ait été déclaré excédentaire, a ensuite été modifié et comblé par un collègue plus jeune :
...la commission conclut que William Clarke occupe soit l’ancien poste de Eric Salter ...ou une modification de son ancien poste... Ce fait remet en question le bien-fondé du processus de sélection pour ce poste et la décision de déclarer M. Salter excédentaire. Le fat que l’on ait dit à Eric Salter que son poste était éliminé alors que ce n’était pas le cas constitue un facteur très important permettant à la commission de conclure que cette mise en disponibilité avait plus qu’une « subtile odeur de discrimination » [para. 155] (traduction)
[36] Les tribunaux ont jugé que la retraite obligatoire à 60 ans pour les agents de police, les pompiers et un chef de la prévention des incendies était une exigence établie de bonne foi; Large c. Stratford (Ville), supra note 15 (agents de police); Saskatchewan (Human Rights Commission) c. Saskatoon (Ville), [1989] 2 R.C.S. 1297 (chef de la prévention des incendies), Hope c. St. Catharines (Ville) (1998), 9 C.H.R.R. D/4635 (Ont. Bd. Inq.) (pompiers).
[37] Voir McKee, supra, note 30.
[38] Voir par exemple Boeing Toronto Ltd. c. TCA-CTC, section locale 673, arbitre Kevin M. Burkett, grief no W18/01, 5 juillet 2001.
[39] Voir le document de la CODP intitulé Mémoire présenté au Comité permanent de la justice sur le projet de loi 211, Loi de 2005 modifiant des lois pour éliminer la retraite obligatoire, daté le 23 novembre 2005. Consultable en ligne à www.ohrc.on.ca.
[40] Heidt c. Saskatoon (City) (1988), 9 C.H.R.R. D/5380 (Sask. Bd. Inq.), confirmé 10 C.H.R.R. D/5808 (Sask. Q.B.), révisé 12 C.H.R.R. D/387 (C.A.), permission d’appeler refusée 74 D.L.R. (4e) vii (C.S.C.). Le Human Rights Code de la Saskatchewan contenait une disposition prévoyant que l’interdiction de discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi n’empêchait pas l’application de n’importe quelle condition d’un régime d’assurance groupe ou d’assurance des employés établie de bonne foi. La Cour d’appel a maintenu que la défense n’avait pas été établie parce qu’aucune preuve n’avait été présentée pour démontrer que la discrimination était raisonnablement nécessaire pour permettre à l’employeur de mettre en place un régime d’assurance-santé qui soit à la fois viable et rentable.
[41] Younger c. Gulf Canada Resources Ltd. (1988), 10 C.H.R.R. D/6114 (Alta. H.R. Comm.).
[42] Par exemple, un régime de retraite utilisant le « facteur 80 ».
[43] Dalton c. Commission canadienne des droits de la personne (1985), 15 D.L.R. (4e) 548 (T.D.), révisé en partie 25 D.L.R. (4e) 260 (C.A.), permission d’appeler refusée 67 N.R. 158n (C.S.C.).
[44] Commission ontarienne des droits de la personne, Les droits de la personne au travail, supra, note 22.
[45] Broadley c. Steel Co. of Canada Ltd., supra, note 8, p. D/412.