Discrimination en matière de logement au niveau individuel

Il sera question ici des principaux problèmes relatifs au logement locatif auxquels sont confrontés les locataires et les fournisseurs de logements. Dans de nombreux cas, la discrimination, le harcèlement, le choix des locataires et les mesures d’adaptation sont en étroite relation avec les éléments systémiques abordés dans la section 5. Par exemple, les obstacles au logement qui se dressent devant les bénéficiaires d’aide sociale sont souvent liés aux vastes problèmes sociétaux de l’insuffisance des niveaux de revenu et de la pauvreté. Néanmoins, nous nous attarderons ici sur les interactions humaines, les agissements et les défauts d’agir qui sont au cœur de la question des droits de la personne en matière de logements locatifs.

4.1. Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code

La Commission reconnaît que la plupart des locateurs et des fournisseurs de logements tiennent à se conformer au Code et font tout leur possible pour répondre aux besoins des locataires. Pourtant, comme on le lui a fait remarquer durant la consultation, pour certaines personnes en Ontario, la discrimination en matière de logement est monnaie courante. Dans une décision rendue récemment, le Tribunal a indiqué que la discrimination touchant le lieu de résidence est particulièrement inacceptable[20].

La discrimination et le harcèlement peuvent survenir lorsque des personnes répondent à des annonces pour la location de logements, au moment où on examine et traite leurs demandes de logement, lorsqu’ils occupent un logement et, dans certains cas, lorsque la période de location se termine. Dans le domaine du logement, comme dans celui de l’emploi et dans d’autres aspects de la vie en société, les personnes en position d’autorité peuvent être tenues responsables si elles tolèrent ou perpétuent une attitude discriminatoire et si elles s’abstiennent de faire enquête à la suite d’une plainte pour discrimination[21].

L’information recueillie pendant la consultation révèle l’existence de différents stéréotypes discriminatoires et partis pris sur le marché du logement locatif. Lorsque le pouvoir de négociation n’est pas équilibré, en l’occurrence entre les locataires et les locateurs, ces types de stéréotypes peuvent donner lieu à un traitement discriminatoire. Le manque de logements convenables et abordables, combiné à la discrimination manifeste ou latente, fait en sorte que beaucoup de gens dont les droits sont protégés par le Code sont exclus du marché du logement, forcés de payer des loyers trop élevés pour leur revenu ou obligés d’occuper des logements de piètre qualité.

Des mémoires présentés par des locataires et des groupes de défense de leurs droits indiquent que beaucoup d’Ontariens s’attendent à subir de la discrimination lorsqu’ils cherchent ou occupent un logement locatif, et ce, même s’ils sont aidés par des professionnels et des travailleurs communautaires. Comme l’a mentionné le porte parole d’une locataire, pour une mère seule bénéficiant de l’aide sociale, la recherche d’un logement se résume essentiellement à chercher un locateur ou un gérant d’immeuble qui veut bien l’accepter.

La Commission a entendu à maintes reprises que, souvent, l’intervention d’un travailleur communautaire déclenche la discrimination. En effet, dans certains cas, il apparaît que l’intervention de ce travailleur ou de l’organisme qu’il représente révèle justement que la personne appartient à un groupe dont les droits sont protégés en vertu du Code. L’Algoma Community Legal Clinic a fourni un exemple de locateurs qui ont exclu d’éventuels locataires autochtones participant à un programme d’aide aux Autochtones sans abri. Un travailleur de première ligne a mentionné que des locateurs ne répondaient pas à ses appels lorsqu’il leur téléphonait depuis son bureau. En revanche, s’il appelait d’un endroit auquel correspondait la mention « appel privé » sur l’afficheur du téléphone, on lui répondait. De même, l’intervention de travailleurs sociaux ou de médecins pour aider des personnes ayant une maladie mentale à se trouver un logement peut faire croire, à tort, à certains locateurs que ces personnes causeront des problèmes et à rejeter leur demande. (Bureau de l’intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques – BIPEP).

La présente section met en lumière des situations de discrimination fondée sur des motifs particuliers, comme le sexe, un handicap ou la race. Comme dans le cas des consultations antérieures, les effets interdépendants de plusieurs motifs de discrimination constituent un thème majeur une fois encore. Les formes particulières des désavantages subis par les gens reposent sur une combinaison de leurs identités : l’expérience vécue par une mère seule à la recherche d’un logement de qualité diffère de celle d’un couple d’homosexuels handicapés. Dans le passé, la Commission a reconnu l’importance de l’application de l’approche intersectionnelle aux plaintes pour discrimination[22].

Discrimination fondée sur le sexe

La discrimination en matière de logement subie par les femmes a souvent rapport au sexe, et aussi à d’autres caractéristiques, comme la situation familiale ou matrimoniale, à la race ou à des traits liés à la race, à l’âge ou à un handicap. Le CERA et le SRAC, ainsi que le National Women’s Working Group (NWWG), ont fait valoir que, même si ce sont les femmes ayant un faible revenu qui sont le plus désavantagées en matière de logement, leur expérience à l’égard de la crise du logement et de l’itinérance semble être moins visible que celle d’autres groupes. Ils ont mentionné certains facteurs qui auraient notamment contribué à créer des conditions inadéquates de logement et l’itinérance chez les femmes :

  • la pauvreté – les mères célibataires, les jeunes femmes et les femmes racialisées souffrent d’une pauvreté disproportionnée par rapport à d’autres groupes;
  • la discrimination systémique et l’inégalité en ce qui touche l’accès au logement et la conservation d’un logement, le soutien du revenu et les programmes d’emploi et d’éducation;
  • l’application injuste des règlements, des lois et des politiques liés aux programmes de soutien du revenu et de logement;
  • la surreprésentation des femmes parmi les parents seuls;
  • le manque de soutien social permettant d’alléger le fardeau des femmes dans leur rôle d’aidante;
  • la pénurie de logements à prix abordable;
  • l’exclusion sociale;
  • l’absence d’un milieu de vie sécuritaire.

Beaucoup de personnes consultées ont commenté sur le déséquilibre du pouvoir entre les locateurs et les locataires lorsque ceux-ci sont des femmes à faible revenu. On a informé la Commission que ce déséquilibre pouvait se traduire par un comportement inapproprié des locateurs et des gérants d’immeuble, surtout lorsque les femmes risquent de perdre leur logement pour des raisons financières ou parce qu’elles traversent une crise. Ainsi, la Commission a appris que certains locateurs peuvent chercher à obtenir des faveurs sexuelles des femmes à faible revenu dont le loyer est en retard, qui veulent éviter de se faire expulser ou dont le logement a besoin d’entretien. Cela peut faire d’un logement abordable, et autrement convenable, un logement inacceptable. Comme on l’a fait observer à la Commission, pour certaines femmes, il est préférable de ne pas avoir de logement que de subir ce genre de violation de droits humains fondamentaux.

Des femmes qui vivent dans des logements subventionnés (dont le prix est déterminé en fonction du revenu) de certains quartiers de Kingston quittent leur appartement pour aller dans des refuges pour sans-abri pendant des mois parce qu’elles craignent pour leur sécurité et qu’elles sont victimes de harcèlement sexuel. (Kingston Community Legal Clinic – KCLC)

Après la rupture du couple, les femmes peuvent être désavantagées pour l’obtention d’un logement à leur nom, sans cote de solvabilité ou de références d’un locateur. La Commission a également été informée que des femmes qui fuient ou réintègrent un contexte de violence au foyer risquent davantage de se voir retirer la garde de leurs enfants par les services de protection de l’enfance parce qu’elles vivent dans un logement inadéquat en raison de la violence ou de piètres conditions de vie. Voir également la section 5.2, « Logement convenable et abordable ».

La Commission s’inquiète du fait que certaines femmes poursuivent une relation marquée par la violence faute de trouver un logement abordable et de l’aide[23]. Elle a aussi été mise au courant du nombre limité d’options en matière d’hébergement offertes aux femmes handicapées qui essaient de quitter un conjoint violent. Récemment, le CERA a téléphoné à dix refuges pour femmes et constaté qu’aucun n’était entièrement accessible à ces femmes et que deux leur étaient seulement en partie accessibles. Par conséquent, il se pourrait que les femmes handicapées ne puissent envisager la possibilité de vivre temporairement dans un refuge ou dans un logement de transition. Ces femmes, qui essaient de se sortir d’une relation avec violence, n’ont donc pas accès à certains des avantages que procurent ces options[24], ce qui accroît leur vulnérabilité déjà extrême.

Des personnes consultées ont mentionné que la discrimination et les stéréotypes à l’endroit des femmes victimes de violence au foyer sont aussi des facteurs qui réduisent l’offre de logements[25]. Selon une clinique d’aide juridique, les fournisseurs de logements considèrent de plus en plus les femmes victimes de violence comme « ébranlées » et susceptibles de causer des problèmes au chapitre des services de logement en cas de retour des conjoints et parce que leurs enfants sont perturbés.

La situation est particulièrement sombre pour les femmes autochtones, qui subissent un taux de violence conjugale plus élevé que les autres femmes[26]. L’absence de logement convenable et abordable, d’aide financière et de mesures de soutien social, à laquelle se greffent d’autres facteurs connexes, ne laisse pas d’autre choix aux femmes autochtones que de revenir à leur conjoint violent. L’Ontario Federation of Indian Friendship Centres (OFIFC) a informé la Commission que certaines femmes se réfugient chez des membres de leur famille ou des amis, mais qu’elles sont exposées à l’intervention non autorisée des services de protection de l’enfance à la suite de plaintes pour surpeuplement formulées par des voisins ou des fournisseurs de logements. La Commission a été informée que la combinaison de ces facteurs fait en sorte que beaucoup plus d’enfants de femmes autochtones sont retirés de la garde de leur mère que ceux d’autres femmes.

Les femmes sont particulièrement exposées à la discrimination en matière de logement en raison de leur faible statut social et de leur précarité économique, mais la Commission a également été mise au courant de cas où des hommes connaissent un traitement différent en raison de leur sexe. Ainsi, le Housing Help Centre a décrit le cas d’un homme à la recherche d’un logement à qui on a demandé de fournir la preuve qu’il avait la garde de ses enfants, alors qu’on ne la demandait pas aux femmes.

Transphobie et discrimination fondée sur l’identité sexuelle

En vertu de la version courante du Code, des plaintes peuvent être déposées pour discrimination fondée sur l’identité sexuelle, et l’on a demandé que ce soit considéré comme un motif distinct dans le Code. Voir aussi la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement ».

Les personnes transgenres peuvent être exposées à des stéréotypes, à du harcèlement ou à des remarques humiliantes, ce qui peut rendre leur recherche d’un logement difficile, voire impossible. Une participante à la consultation a décrit sa tentative en vue d’obtenir un logement dans une résidence pour étudiants après sa transition d’homme à femme.

Au printemps 2000, je devais chercher un logement. Trois types de logement étaient disponibles : pour groupe mixte, pour homme et pour femme. J’ai téléphoné à quelques endroits à la recherche d’un logement pour femme. Je me suis présentée comme une femme, mais on m’a dit qu’en fait, je n’étais pas une femme. J’étais très déçue. J’ai composé le numéro suivant sur ma liste et me suis de nouveau présentée comme une femme; on m’a répondu que l’appartement était déjà loué.

Les personnes transgenres peuvent être l’objet de commentaires ou de comportements qui empoisonnent leur environnement ou minent leur dignité là où elles habitent. Par exemple, une personne consultée a raconté qu’un locateur lui a dit qu’elle avait « la démarche d’un homme » et qu’un autre disait « ça » plutôt qu’« elle » pour la désigner. « Chaque fois que je cherche un logement, je suis inquiète, je me demande quel genre de réponse je vais recevoir, comment les choses vont se dérouler. »

État familial et état matrimonial

Le CERA, le SRAC et le NWWG ont mentionné que, bien que les hommes et les femmes soient protégés contre la discrimination fondée sur l’état familial, les mères seules, et en particulier celles qui fuient les mauvais traitements et la violence au foyer, forment le groupe le plus touché par cette discrimination.

Des personnes consultées ont exprimé leurs préoccupations à la Commission au sujet d’annonces de logements à louer dans des immeubles « pour adultes seulement », « ne convenant pas à des enfants », « pour personnes ou couples seuls » ou « pour professionnels ». Il peut s’agir d’euphémismes visant à exclure les familles avec enfants. Les annonces de ce genre sont interdites par le Code[27]. Or, le problème persiste et les familles avec enfants sont dissuadées de faire des demandes de logement ou se voient refuser l’accès à un logement.

Il peut arriver que des familles avec enfants à la recherche d’un logement soient éconduites, surtout lorsqu’elles demandent d’habiter dans un petit immeuble exploité par le propriétaire ou un appartement accessoire dans une maison. Il est courant d’entendre des locateurs dire que l’appartement « ne convient pas » à une famille avec enfants ou qu’il est « trop petit ». Dans certains cas, ces affirmations peuvent reposer sur la crainte que les enfants vont faire du bruit ou endommager l’appartement. Or, on ne peut invoquer les inconvénients causés par les activités et le bruit que font normalement les enfants pour refuser un logement à des familles[28]. Une mère seule avec un jeune enfant a mentionné qu’un locateur lui a dit qu’il n’y avait pas d’appartement de libre, mais qu’il a dit le contraire à ses amis qui lui ont téléphoné par la suite.

Les mères seules avec enfants plus âgés, en particulier des adolescents et pré adolescents, peuvent avoir encore plus de difficulté à trouver de l’hébergement d’urgence ou un logement permanent. Une femme a mentionné qu’après sa séparation d’avec son mari, elle a eu du mal à louer un logement parce qu’elle avait deux adolescents et un fils plus jeune et que les circonstances ayant entouré la rupture de son mariage avaient jeté de l’ombre sur ses antécédents en matière de crédit et les références de locateurs antérieurs. Elle ne pouvait même pas entrer dans un refuge faute de place ou parce que sa famille n’était pas admissible étant donné qu’elle avait un fils de plus de 16 ans. Elle craignait de ne pouvoir trouver un endroit où habiter à cause du manque d’autres options pour loger ses enfants.

À de nombreuses reprises, on a attiré l’attention de la Commission sur l’exploitation sexuelle répandue des locataires, lorsque que ce sont des mères seules, question qui a été abordée précédemment, dans la section intitulée « Discrimination fondée sur le sexe ». On a également décrit la situation de familles, en particulier de familles monoparentales ayant une jeune femme à leur tête, qui doivent vivre dans des conditions insalubres ou inadéquates.

Des personnes consultées ont indiqué que des locateurs utilisent encore des définitions restrictives de la famille pour expulser des locataires et hausser les loyers. Cette situation résulterait de la suppression des mécanismes de contrôle des vacances en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation (LLUH)[29]. Le ministère des Affaires municipales et du Logement (MAML) a fait remarquer que la définition du terme « locataire » a été étendue aux conjoints afin de prévenir le risque d’expulsion en cas de décès ou de départ du locataire initial. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux immeubles comprenant trois appartements ou moins où vit le locateur. De plus, selon une personne consultée, cette définition touche d’autres membres de la famille, comme les parents, que les locateurs pourraient ne pas reconnaître comme des occupants « autorisés ».

Il se peut qu’on demande à des familles avec enfants de louer un appartement comprenant un nombre précis de chambres en fonction de la taille de la famille, et ce, quelle qu’elle soit. Tel qu’il est mentionné dans la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires », les politiques de ce genre ont pour effet de limiter l’accès des familles avec enfants à des logements. La Commission a souvent entendu dire que des locataires se sentent obligés de mentir sur leur famille pour pouvoir accéder à un appartement convenable, mais qu’ils craignent de le faire par peur de se faire expulser si l’on découvre leurs enfants. Dans certains cas, lorsque les locateurs apprennent l’existence des enfants, ils forcent les locataires à payer un loyer plus élevé (Metro Toronto Chinese & Southeast Asian Legal Clinic – MTCSALC). Dans le même ordre d’idées, bien que les règlements municipaux relatifs à l’occupation des logements soient respectés, certains locataires risquent de subir des hausses de loyer ou de se faire expulser lorsque d’autres membres de la famille emménagent (Community Legal Clinic of York Region).

Par ailleurs, on a soutenu que les politiques relatives aux invités appliquées en conformité avec la Loi de 2000 sur la réforme du logement social (LRLS) ont un effet disproportionné sur les mères seules. Le paragraphe 21 (3) de cette loi autorise les fournisseurs de logements à établir des règles pour l’hébergement temporaire d’invités dans leurs appartements dont le loyer est indexé sur le revenu. On a indiqué à la Commission que ces règles semblent viser les « petits amis » ou les partenaires dont le revenu n’a pas été pris en considération pour le calcul de la subvention. Selon ce qu’on a mentionné, l’application stricte de ces politiques peut produire des effets d’une grande portée sur la capacité des locataires à préserver leur vie privée et à mener une vie normale tout en conservant leur logement. Si l’invité est considéré comme un occupant illégal, le locataire peut perdre sa subvention et se faire expulser. La Hamilton Mountain and Community Legal Clinic a fourni l’exemple suivant.

Nous avons vu un cas où une mère seule ayant la garde de quatre enfants les a fait garder par son ex-mari pendant qu’elle était à l’hôpital au chevet de son enfant de quatre ans qui subissait un traitement contre le cancer. On lui a sans cesse demandé de fournir la preuve que l’homme ne passerait pas la nuit dans l’appartement. Même si la mère a fourni des déclarations sous serment et la preuve que son ex-mari vivait ailleurs, le fournisseur du logement lui a retiré sa subvention et a présenté une requête au Tribunal du logement de l’Ontario pour faire expulser la famille sur la base de témoignages de voisins et du gérant d’immeuble selon lesquels l’ex mari passait des nuits dans l’appartement. L’affaire a été abandonnée quand la soit disant preuve a été contestée, mais cela ne s’est pas fait sans que toute la famille souffre grandement de la situation.

Les Autochtones, et en particulier les femmes autochtones, font souvent l’objet de discrimination en matière de logement locatif en raison de leur état familial. Cet état de fait est attribuable à des stéréotypes et à l’ignorance des us et coutumes sociales, des liens de parenté et de l’importance des familles élargies chez les Autochtones (Ontario Federation of Indian Friendship Centres – OFIFC). On a exprimé l’inquiétude que la définition de l’état familial donnée dans le Code pose un important obstacle aux familles autochtones à la recherche d’un logement. En effet, cette définition ne s’applique pas aux familles élargies, aux réseaux parentaux ou aux structures familiales non traditionnelles, très répandues, ni à la norme sociale et culturelle en vigueur dans les cultures et collectivités autochtones. Enfin, il a été mentionné que les personnes seules, en particulier les hommes autochtones, ont du mal à trouver un logement abordable. Et cela est encore pire dans le cas des Autochtones seuls ayant une maladie mentale, un problème de toxicomanie ou qui sortent de l’itinérance.

En outre, les familles de personnes ayant une maladie mentale sont touchées par les stigmates et la discrimination en matière de logement (People Advocating for Change through Empowerment – PACE). En conséquence, il se peut que ces personnes soient obligées de cacher leur problème de santé mentale ou de toxicomanie et de s’isoler parce qu’elles ont pris leurs distances par rapport à leurs amis, à leur famille et à la collectivité (Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario - OFCMHAP). Les parents d’enfants qui ont un handicap mental sont parfois surveillés de près par les voisins et le locateur en ce qui touche le bruit ou d’autres agissements liés à l’état de leur enfant. Dans certains cas, les problèmes de ce genre peuvent mener à l’expulsion.

Dossiers criminels et registre des infractions

Bien que les infractions aux lois révélées par le registre ne soient pas un motif de distinction illicite en matière de logement, d’importants problèmes relatifs aux droits de la personne liés à cette question ont été soulevés durant la consultation. Il est question dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement », des mémoires ayant trait aux modifications du Code.

Environ 10 % des adultes ont un dossier criminel[30]. Des personnes consultées estimaient qu’à cause de la discrimination, de désavantages historiques et d’autres facteurs, il pourrait exister des liens entre les dossiers criminels et les motifs de distinction illicites, tels la déficience, la race ou le fait d’être prestataire d’aide sociale. Ainsi, les Autochtones représentent 16,7 % des délinquants adultes purgeant une peine de ressort fédéral, mais comptent pour seulement 2,7 % de la population adulte du Canada[31]. La racialisation et la criminalisation de la pauvreté peuvent être associées à l’illégalité (John Howard Society of Toronto). Par exemple, la Commission a appris que, pour une infraction équivalente, on a tendance à considérer de façon plus négative les personnes à faible revenu, y compris les assistés sociaux, et à leur imposer des sanctions criminelles plus sévères que les personnes mieux nanties[32].

Selon des témoignages entendus par la Commission, les cas de différences de traitement basées sur les antécédents criminels sont répandus, mais très difficiles à prouver. Dans de nombreux cas, il peut arriver que l’appartement en question ne soit soudainement plus disponible lorsque le locateur apprend, par une vérification ou lors d’une conversation, qu’un éventuel locataire a un casier judiciaire. Dans d’autres cas, des personnes à la recherche d’un logement cessent leur démarche de location d’un appartement convenable lorsqu’on les avertit que des vérifications judiciaires seront effectuées. Et si certaines personnes ayant de tels antécédents réussissent quand même à obtenir un logement, elles se font dire qu’on les surveillera de plus près que les autres locataires. Des situations de ce genre peuvent aussi résulter de l’intersectionnalité entre l’existence d’un casier judiciaire et d’autres motifs de discrimination, comme le fait d’être prestataire d’aide sociale ou racialisé, ou les deux.

Certaines personnes ont exprimé des préoccupations au sujet des politiques générales qui limitent ou interdisent l’accès au logement aux personnes ayant un casier judiciaire, comme cela se produit dans diverses régions des États Unis. Selon l’une d’elles, les possibilités d’assurer le logement à ce groupe très vulnérable seraient anéanties si cette pratique se répandait en Ontario et ailleurs au Canada. Une clinique d’aide juridique a attiré l’attention de la Commission sur l’exemple d’un projet de réduction de la criminalité en cours dans une région de la province, basé sur la collaboration entre un service de police et un fournisseur de logements sociaux, qui pourrait entraîner l’exclusion des personnes possédant un casier judiciaire.

Le CERA a souligné que l’application de telles politiques déboucherait sur la violation des droits des personnes ayant des dépendances ou d’autres handicaps, comme une maladie mentale ou une déficience cognitive, si les fournisseurs de logements ne tiennent pas compte du cas de chaque locataire éventuel. Selon cet organisme, si l’activité criminelle d’une personne est attribuable à son handicap, cette personne ne devrait pas se voir refuser un logement, à moins que le fournisseur de logements puisse prouver que le fait de louer un logement à cette personne causerait un préjudice injustifié.

Le Disability Law Centre du Centre de la défense des personnes handicapées (ARCH) a fait valoir que le fait de joindre aux baux un addenda indiquant l’absence d’antécédents criminels a un effet disproportionné sur les personnes ayant un problème de santé mentale, car la vérification des casiers judiciaires révèle les cas de détention en vertu de la Loi sur la santé mentale[33]. Des observations semblables ont été formulées au sujet des répercussions qu’ont sur les familles racialisées les politiques visant à assurer la sécurité.

À la suite d’interventions ciblant les armes à feu et les gangs de la part du service de police de Toronto, des membres de certaines communautés racialisées, en particulier de la communauté afro-canadienne, ont été la cible de descentes de police et ont donc fait l’objet d’accusations. Les familles des accusés ont ensuite reçu des avis d’expulsion [du fournisseur de logements sociaux] pour cause d’« activités illégales » des locataires. Cette politique de protection stricte de l’ordre public et de « tolérance zéro » cause des préjudices à de nombreuses familles. (MTCSALC)

Discrimination fondée sur l’âge

On a donné à la Commission des exemples de discrimination subie par des personnes situées aux deux extrémités du spectre de l’âge.

Selon ce que la Commission a entendu, la discrimination subie par les jeunes repose habituellement sur une combinaison de motifs : l’âge, la race, l’état d’assisté social, l’état familial ou marital et les handicaps, en particulier la maladie mentale. Ces personnes sont également confrontées à des problèmes résultant du manque de logements sûrs et abordables dans différentes localités de la province. En raison de la discrimination et d’autres obstacles à l’accès au logement, les jeunes peuvent être incités à aller vers des quartiers à haut risque, à retourner dans un milieu familial où sévit la violence, à devenir itinérants ou à payer des frais élevés à des entreprises pour qu’elles leur trouvent un logement. Les maisons de chambres sont une solution répandue. Toutefois, les jeunes qui y vivent, surtout les jeunes femmes, sont exposés à des violations des droits humains.

Les jeunes sont souvent stéréotypés comme irresponsables ou trop fêtards et on dit qu’ils ne paient pas leur loyer ou qu’ils détruisent le bien d’autrui, ce qui leur rend la tâche difficile pour trouver un logement (Housing Help Centre). On a mentionné à la Commission que des jeunes se font dire qu’ils doivent avoir au moins 18 ans pour signer un bail[34]. De plus, les jeunes peuvent être assujettis à des mesures de sélection des locataires qui ne visent pas les autres personnes, comme le paiement direct du loyer. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

Les jeunes Autochtones, a-t-on mentionné à la Commission, éprouvent d’immenses difficultés à obtenir un logement à cause de l’intersection d’autres motifs : discrimination en raison de l’âge, racisme, revenu, etc. Il se peut que ces jeunes n’aient pas de références de locateurs ou d’employeurs, d’antécédents en matière de crédit ni de garants. Des sociétés d’aide à l’enfance ont fait remarquer que l’exigence voulant que les jeunes ne soient plus admissibles aux services quand ils atteignent l’âge de 18 ans fait en sorte que des jeunes Autochtones sont forcés de quitter le logement familial même s’ils n’y sont pas tout à fait prêts. La Commission a été informée en outre qu’en l’absence de logements sûrs et abordables, ces jeunes, qui sont vulnérables, finissent par loger dans des immeubles où les activités criminelles, dont l’utilisation et le trafic de drogues, sont courantes. Cela peut miner les efforts que déploient les jeunes pour vaincre leurs dépendances ou les forcer à payer des loyers élevés qui ne leur laissent pratiquement aucune marge de manœuvre financière.

Pour les jeunes parents seuls, différents obstacles leur rendent difficile l’accès au logement, tels l’état d’assisté social, le manque de soutien intégré et le fait de ne pas avoir d’antécédents en matière d’emploi, de logement ou de crédit, sans compter qu’ils sont stigmatisés du fait qu’ils sont jeunes et qu’ils ont des enfants (Young Parents No Fixed Address). Dans certains cas, ces deux dernières caractéristiques laissent croire qu’ils ont fait les mauvais choix et qu’ils seraient incapables d’entretenir un logement (Jessie’s Centre for Teenagers). On a fait valoir à la Commission que la combinaison de la discrimination, de l’inexpérience et du manque de ressources peut empêcher les jeunes parents d’assurer un milieu de vie stable et adéquat à leurs enfants. Ainsi, les locateurs peuvent entrer dans leur appartement sans prévenir, faire des avances importunes et refuser d’effectuer les réparations nécessaires. Une clinique d’aide a donné un exemple de remarque stéréotypée formulée lors d’une audience devant la Commission de la location immobilière (CLI); l’arbitre a demandé à une jeune mère seule qui pleurait parce qu’elle avait été expulsée de son logement faute d’avoir payé 400 $ d’arriérés de loyer : « Pourquoi reniflez-vous? Prenez-vous de la drogue? »

Des organismes de défense des intérêts des locataires ont précisé que les locataires âgés se voient souvent refuser un logement parce que les locateurs estiment qu’ils présentent un plus grand risque de blessures et de mortalité ou qu’ils pourraient être incapables de payer leur loyer et d’assurer l’entretien approprié de leur logement. Un certain de nombre de personnes consultées étaient d’avis que les locateurs consentent difficilement à ce que des personnes âgées continuent de vivre en autonomie dans leur logement et que c’est un problème majeur pour ces personnes. Des fournisseurs de logements sociaux souhaitaient jouir d’une plus grande souplesse qui leur permettrait de fixer l’admissibilité des personnes âgées en fonction de leurs besoins et préférences plutôt que du seuil de 65 ans établi à l’article 15 du Code[35].

La suppression des mécanismes de contrôle des vacances pourrait, semble t il, rendre les locataires âgés plus exposés au risque d’expulsion, les locateurs considérant leur présence comme un obstacle à la hausse des loyers. Un porte parole de locataires a raconté avoir assisté à une conférence destinée à des locateurs et à des gérants d’immeuble où un conférencier a décrit les personnes âgées comme un groupe hautement problématique, car « le seul moment où l’on peut s’en débarrasser, c’est quand ils partent pour une résidence pour personnes âgées ou pour le salon funéraire », ce qui a déclenché un rire tonitruant chez la plupart des participants.

Tout au long de la consultation, la Commission a été informée des obstacles à l’accès au logement et du manque de logements auxquels sont confrontées les personnes âgées ayant un handicap, comme la perte d’audition ou de mobilité et une maladie mentale. Il est question de ces problèmes dans la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation »[36].

Handicaps (y compris les maladies mentales)

Le motif du handicap prévu au Code reçoit une large interprétation. Le Code protège les personnes présumées handicapées ou ayant un handicap, tels une maladie mentale, une limitation physique, des sensibilités chimiques et différents autres handicaps, qui les exposent à un traitement inégal en matière de logement et dans d’autres sphères de la vie en société. Les mesures de protection visées dans le Code chevauchent celles de la Convention relative aux droits des personnes handicapées[37], dont les signataires, y compris le Canada, sont tenus de prendre les mesures appropriées pour assurer l’indépendance et la pleine participation à la société des personnes handicapées en matière de logement. Lorsque des personnes handicapées font l’objet de discrimination ou que des possibilités d’accéder à un logement leur sont enlevées, cela crée davantage d’exclusion, d’isolement et de stéréotypes, ce qui peut mener à l’institutionnalisation, à l’itinérance et à une discrimination accrue.

La publicité discriminatoire préoccupait grandement les personnes handicapées. Des mentions dans des annonces, comme « convient à une personne qui travaille » peuvent laisser entendre que les personnes qui reçoivent de l’aide sociale ou qui ne peuvent travailler en raison d’un handicap ou d’un autre motif visé au Code ne sont pas les bienvenues ou n’ont pas à donner suite à ces annonces. Un participant à la consultation a décrit ce qui s’est passé en deux occasions lorsqu’il a téléphoné après avoir vu une annonce de ce genre. Dès qu’il a mentionné qu’il était bénéficiaire du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH), un locateur s’est excusé en disant qu’il avait fait une erreur et que le logement était déjà loué et un autre lui a fait comprendre qu’il ne convenait pas pour le logement en question.

La Commission a appris qu’en plus du manque de logements abordables, les stigmates sociaux et la discrimination sont des facteurs importants pour les locataires handicapés. Par exemple, un tiers des personnes vivant avec le VIH/sida signalent avoir subi de la discrimination lorsqu’ils étaient à la recherche d’un logement et 20 %, des stigmates[38]. La Commission a également appris qu’on peut mettre de côté les personnes handicapées au moment du choix d’un locataire par crainte d’avoir à se soumettre à l’obligation d’adaptation. Dans certains cas, les candidats en sont explicitement informés (KCLC). Dans d’autres, les motifs d’élimination des éventuels locataires présentant un handicap, comme une déficience auditive, ne sont pas indiqués au départ, mais il est plus facile de louer un logement à une personne quant on prévoit qu’aucune mesure d’adaptation ne sera nécessaire (Société canadienne de l’ouïe). D’autres problèmes touchant l’adaptation sont abordés à la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation ».

Les mémoires et les échanges de vues portant sur la discrimination basée sur la maladie mentale[39] ont constitué une part importante de la consultation. Les personnes ayant une maladie mentale sont protégées par le Code au titre du motif du handicap, et les principes énoncés dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement[40] s’appliquent. Ainsi, les principes du respect de la dignité, de l’adaptation individualisée ainsi que de l’intégration et de la pleine participation doivent s’appliquer également aux personnes ayant une maladie mentale en ce qui touche le logement.

Ces personnes peuvent avoir de la difficulté à reconnaître leur état particulier et, dans certains cas, leur maladie peut réduire leur autonomie et faire en sorte qu’elles ont du mal à s’occuper de leur lieu de vie (PACE). Le manque de connaissance des services de logement et de la façon d’y accéder, l’intimidation et la peur d’être mal comprises peuvent les empêcher d’obtenir l’aide dont elles ont besoin. Les problèmes de ce genre causent des difficultés aux fournisseurs de logements, dont beaucoup font tout leur possible pour se conformer au Code.

Bon nombre de personnes ayant une maladie mentale se sont bien intégrées à la collectivité, mais d’autres vivent dans un logement social subventionné, a-t-on précisé à la Commission. Dans ce contexte, le logement dans une unité d’habitation destinée à de telles personnes peut nécessiter des services sociaux, des soins infirmiers ou la gestion de cas graves. Or, des préoccupations ont été soulevées au sujet du manque de logements avec services de soutien pour les personnes ayant une limitation mentale ou physique. On a également fait remarquer que l’abolition de programmes hospitaliers a placé des personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie dans des conditions d’existence non sécuritaires qui nuisent à leur traitement et accroissent le risque de rechute.

Le déséquilibre dans le rapport des forces entre locateurs et locataires peut être exacerbé quand ces derniers ont une maladie mentale; ajouté aux stigmates sociaux et à la désinformation, il peut mener à la discrimination et au harcèlement à l’endroit des personnes touchées. Ainsi, on a décrit à la Commission des situations où des locateurs ont chassé des personnes de leur logement une fois qu’ils ont été mis au courant de leur maladie. Dans d’autres cas, pour pouvoir louer un appartement, des personnes ayant une maladie mentale doivent satisfaire à des exigences non imposées à d’autres locataires, par exemple avoir un garant. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

Selon ce qu’a appris la Commission, même après avoir réussi à louer un logement, les personnes touchées sont toujours exposées à la discrimination et au harcèlement. Certains locateurs, par exemple, peuvent harceler des locataires ou s’abstenir d’intervenir en cas de harcèlement de la part d’autres locataires, ne pas tenir compte des plaintes fondées et permettre que des personnes qui présentent un problème de santé mentale vivent dans des conditions inférieures aux normes à cause d’attitudes négatives et de stéréotypes. Lorsque les locateurs exercent leur droit d’entrer chez un locataire[41], celui-ci, s’il a une maladie mentale, peut être exposé à du harcèlement dans l’éventualité où le locateur lui impose ses valeurs (BIPEP). À l’inverse, les locataires ayant un problème de santé mentale peuvent hésiter à signaler, à juste titre, des problèmes d’entretien nécessitant une réparation dans leur logement parce qu’ils ne peuvent pas déménager pour des raisons d’ordre financier ou autres.

La personne qui a une maladie mentale est confrontée à des problèmes majeurs lorsqu’elle présente une autre ou plusieurs caractéristiques suscitant la discrimination. Par exemple, le BIPEP a mentionné que la difficulté d’accès au logement est accrue exponentiellement pour une femme ayant une maladie mentale qui reçoit de l’aide sociale et fait partie d’une minorité religieuse. L’accès au soutien et aux services appropriés est très difficile pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale qui présentent d’autres déficiences, comme des troubles de développement ou une toxicomanie. Faute d’un tel soutien, il se peut que ces personnes ne puissent accéder à un logement ou perdent leur logement parce qu’elles ne respectent pas les règles (PACE).

La situation des jeunes qui ont une maladie mentale est particulièrement difficile en raison de leur relative inexpérience du marché locatif combinée à leur déficience. Selon ce qu’on a confié à la Commission, certains locateurs peuvent être excessivement sévères ou avoir un biais négatif à leur endroit, de sorte qu’ils ont du mal à conserver leur logement.

Les locateurs sont peu tolérants ni empathiques en présence de comportements attribuables à la maladie ou à l’inexpérience. Certains n’ont pas tardé à expulser des jeunes locataires ou à profiter de leur inexpérience ou de leur méconnaissance de leurs droits pour les sommer de quitter leur appartement. (CAS of London and Middlesex)

Les Autochtones ayant une maladie mentale ou une toxicomanie vivent une situation particulière.

L’effet de la colonisation, l’héritage des pensionnats indiens et un certain nombre de facteurs qui en découlent expliquent le taux élevé de toxicomanie, d’abus d’alcool ou d’autres drogues et de maladie mentale chez les Autochtones. Pour ceux parmi ce groupe qui sont touchés d’une manière ou d’une autre, il est particulièrement difficile d’obtenir un logement social ou un logement locatif ordinaire et le risque de se trouver sans domicile fixe est souvent élevé. (OFIFC)

Les personnes présentant un trouble de santé mentale et qui ont un dossier criminel sont particulièrement désavantagées quant il s’agit d’obtenir et de conserver un logement convenable. Certaines sont confinées à l’hôpital ou dans un logement inférieur aux normes parce qu’elles ne peuvent pas obtenir un logement par l’intermédiaire d’un organisme communautaire. La Commission a appris que ces obstacles à l’accès au logement demeurent pendant de nombreuses années après l’infraction criminelle, et ce, même si la Commission ontarienne d’examen a autorisé les personnes en cause à réintégrer la collectivité. (BIPEP)

Race et motifs liés à la race

Les stéréotypes et le parti pris basés sur la race et les motifs liés à la race créent d’importants obstacles au logement. Le Housing Help Centre a indiqué que les personnes d’ascendance africaine ont du mal à trouver un logement parce que les locateurs estiment que ce sont des criminels ou qu’ils ont trop d’enfants. D’autres stéréotypes ont cours selon ce qu’on a révélé à la Commission, par exemple que la consommation de drogues et la violence est plus répandue chez les locataires d’origine africaine et que les personnes racialisées sont sales. Une décision rendue récemment par le Tribunal du logement de l’Ontario établit clairement que les fournisseurs de logements peuvent être trouvés coupables d’avoir formulé des commentaires, ou d’avoir omis de réagir à des commentaires, basés sur des stéréotypes discriminatoires de ce genre et d’avoir agi conformément à ces stéréotypes[42].

Au cours de la consultation, la Commission a reçu des exemples de situations où des personnes racialisées ont subi un traitement différent des autres locataires en raison de leur race[43]. Ainsi, un homme originaire de l’Asie du Sud qui se dit à peau brune a décrit la discrimination dont il a fait l’objet lorsqu’il a tenté de visiter un appartement dans un quartier habité en majorité par des personnes de race blanche :

[...] lorsque j’ai téléphoné pour prendre rendez-vous, [...] j’ai utilisé un accent anglais courant et j’ai pu obtenir un rendez-vous auprès du gérant de l’immeuble, qui était très cordial et est même allé au devant de mes besoins. Or, quand je me suis présenté avec ma famille pour le rencontrer, il a donné différentes excuses qui me paraissaient assez curieuses dans le contexte. Il a affirmé que l’appartement était déjà loué. Plus tard durant la semaine, j’ai fait appeler mon ami de race blanche, qui est allé faire une visite, justement dans l’appartement qui m’intéressait. Mon ami a pu visiter l’appartement et en faire la demande sans problème.

D’autres personnes consultées ont aussi fait état de situations comme celles qu’a vécues cet Ontarien. Selon ce qu’on affirmait à la Commission, dans de nombreux cas, mystérieusement, le logement était « déjà loué », n’était « plus sur le marché », était utilisé par un membre de la famille du locateur ou n’était plus disponible pour quelque autre raison, et ce, dès qu’on s’apercevait que le locataire éventuel était racialisé. La recherche par essais jumelés permet de détecter les cas de discrimination raciale de ce type dans le marché locatif[44]. Toutefois, le CERA a signalé qu’il est difficile de prouver le racisme, car peu de locateurs affirment ouvertement qu’ils refusent de louer un logement à cause de la race et la preuve à faire dans le contexte est généralement circonstancielle. En outre, il a expliqué que le racisme peut être difficile à déceler parce qu’il est souvent systémique, faisant partie intrinsèque des structures du marché de l’habitation.

Certaines personnes racialisées occupant un logement peuvent faire l’objet de discrimination et de harcèlement. Des locataires ont, par exemple, indiqué que leurs demandes de réparation et d’entretien de leur logement restent lettre morte alors que celles de locataires non racialisés sont satisfaites.

La ghettoïsation et la ségrégation d’Afro-Canadiens ou de membres d’autres groupes racialisés, tant dans le secteur du logement subventionné que dans celui du marché locatif privé, ont été longuement débattues. Certaines personnes consultées étaient d’avis que la ségrégation et la stigmatisation des personnes racialisées dans certains ensembles de logements sociaux tiennent à la façon dont ces logements sont attribués. Selon d’autres, les gens choisissent le quartier ou l’immeuble où ils veulent vivre, les immeubles révélant le tissu de la collectivité. L’OFIFC estimait que la discrimination à l’endroit des Autochtones et la pénurie de logements abordables sont des facteurs critiques expliquant la ghettoïsation de cette population. Lorsque des Autochtones cherchent un logement, on les invite à s’adresser à des fournisseurs de logements particuliers et à viser des quartiers précis, où la qualité des logements est moindre mais où on les accepte.

Il a été mentionné à la Commission que des locateurs peuvent refuser les demandes d’Autochtones sur la base de stéréotypes les concernant. Par exemple, selon le Housing Help Centre et d’autres personnes et organisations consultées, les stéréotypes répandus sont que les Autochtones boivent ou prennent de la drogue, qu’ils sont tous bénéficiaires du programme Ontario au travail ou qu’ils ne paient pas leur loyer. Il semble également que les femmes autochtones peuvent se faire poser des questions discriminatoires : avez-vous des enfants? recevrez-vous la visite de membres de votre famille? recevez-vous de l’aide sociale?

Certains Autochtones ont du mal à obtenir un logement et des services sociaux connexes à cause d’obstacles linguistiques et faute de traducteurs, surtout dans le Nord de l’Ontario. Lorsqu’ils cherchent un logement dans le marché locatif privé, les Autochtones peuvent se faire demander de fournir des références écrites, un bail signé et un important dépôt s’ils veulent réserver leur logement, ce qu’on ne demande pas à d’autres personnes. On a signalé d’autres cas de harcèlement de locataires autochtones, en particulier des femmes, sous forme de remarques à caractère raciste, de stéréotypes et d’avances sexuelles de la part du locateur ou de voisins. Le manque d’entretien et de réparation des logements est un autre problème auquel sont confrontés les locataires autochtones.

Les immigrants et les nouveaux arrivants sont très marginalisés dans notre société, ces derniers étant plus exposés au chômage ou au sous emploi, à la pauvreté et à la vie dans des logements locatifs (MTCSALC). Ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la discrimination précisément parce qu’ils viennent d’arriver au pays et qu’ils ne sont vraisemblablement pas au courant de leurs droits.

Nous avons vu des cas où les autorités d’un immeuble d’habitation demandent des loyers différents selon que les locataires sont au fait ou pas de leurs droits ou qu’ils ont immigré récemment ou pas. Par conséquent, les immigrants peuvent facilement être exploités par des locateurs sans scrupules et ils sont souvent incapables de prendre des recours en justice même lorsqu’il en existe. (MTCSALC)

Parmi les appels des nouveaux arrivants reçus par le CERA, la majorité proviennent de personnes racialisées, qui font l’objet de discrimination fondée sur l’état d’immigrant en intersection avec des motifs comme la race et d’autres caractères liés à la race. Ainsi, on a signalé à la Commission qu’un locateur peut exiger de tous les nouveaux arrivants la caution de cosignataires, mais qu’il ne se préoccupera que des « odeurs de cuisine » et des « familles élargies » dans le cas de ceux provenant d’Asie du Sud ou d’Afrique. Dès lors, les nouveaux immigrants racialisés doivent surmonter des obstacles supplémentaires lorsqu’ils sont à la recherche d’un logement. Et il semble que la discrimination fondée sur l’origine ancestrale ou ethnique, le lieu d’origine et la citoyenneté ne soit déclarée qu’en partie parce qu’il se peut que les communautés en question ne disposent pas des ressources, financières ou autres, pour lutter contre cette discrimination ou qu’elles ne connaissent pas leurs droits. Les familles n’ayant pas la résidence permanente ni l’état de réfugié craignent la déportation et sont réticentes à porter plainte contre les locateurs.

Les nouveaux arrivants et les immigrants peuvent être exposés à des stéréotypes, par exemple qu’ils ne paient pas leur loyer, qu’ils exploitent le système, qu’ils sont des terroristes, qu’ils ont trop d’enfants ou qu’ils sont violents (Housing Help Centre). Les formes de discrimination signalées à l’endroit de ces personnes durant la consultation portent sur l’obligation qui leur est faite d’avoir des garants avec revenus importants ou de payer d’avance quatre à douze mois de loyer pour obtenir un logement. Ces pratiques continuent même si la Commission d’enquête de l’Ontario a statué qu’elles désavantagent les nouveaux arrivants, qu’elles sont source de discrimination fondée sur la citoyenneté et qu’elles sont illégales en vertu du Code[45]. Voir aussi la section 4.2, « Méthodes de sélection des locataires ».

On s’est interrogé sur le paragraphe 5 (i) de la LLUH, qui stipule que cette loi ne s’applique pas aux « logements dont le ou les occupants doivent partager une salle de bains ou une cuisine avec le propriétaire, son conjoint, son enfant, son père ou sa mère, ou l’enfant, le père ou la mère du conjoint, si l’une ou l’autre de ces personnes vit dans l’immeuble où sont situés les logements ». Ces logements constituent une précieuse source de revenus pour les propriétaires tout en étant abordables pour les locataires. Or, on a informé la Commission que, comme les nouveaux arrivants et les immigrants ont tendance à choisir ce type de logement, ils sont privés de façon disproportionnée des dispositions de la LLUH qui les protègent (MTCSALC). Il est question dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement », de préoccupations semblables concernant l’exemption de l’application du Code à ce type de logement.

Dans les tables rondes, la Commission a appris que lorsqu’on demande aux nouveaux arrivants un loyer plus élevé qu’aux autres personnes, la seule façon dont ceux-ci peuvent le payer est d’accueillir dans le logement, souvent petit, des membres de la famille élargie, ce qui entraîne un surpeuplement et, donc, exacerbe la discrimination fondée sur le mode d’occupation des logements. Le CERA a signalé, à titre d’exemple, que les nouveaux arrivants et les réfugiés se voient souvent refuser un logement parce que les règlements municipaux relatifs à l’occupation des bâtiments reposent sur une notion « occidentale » de la famille, formée de deux parents et deux enfants.

Orientation sexuelle

Les éventuels locataires peuvent se faire poser des questions indiscrètes sur la nature de leurs relations ou faire l’objet de commentaires déplacés portant sur leur orientation sexuelle. Des personnes et des organisations consultées, dont le Housing Help Centre, ont fait remarquer que les lesbiennes ou les personnes homosexuelles ou bisexuelles peuvent se voir refuser l’accès au logement en raison de l’homophobie dont elles font l’objet. Les gens ne devraient pas être obligés de cacher leur identité, leurs relations ou leur orientation sexuelle pour pouvoir louer un logement. Une femme a parlé d’une occasion où elle a subi de la discrimination et de l’homophobie au moment où elle cherchait un logement avec sa conjointe :

Lorsque nous sommes ensemble, on peut généralement voir que nous sommes lesbiennes. Dès que nous nous sommes présentées, le locateur, qui nous attendait sur le trottoir, n’a pas voulu nous faire visiter l’appartement. Lorsque j’ai insisté pour voir l’appartement, il a répondu que, de toute manière, nous resterions là seulement jusqu’à ce que nous nous mariions et il nous a demandé si nous avions des petits amis. Il a poursuivi en émettant une foule de commentaires négatifs sur d’autres sujets, juste pour nous mettre en colère et, selon moi, nous inciter à partir. J’étais très contrariée et je me suis demandé si c’était la raison pour laquelle nos autres tentatives en vue de trouver un logement avaient échoué.

Les observations présentées au sujet de l’orientation sexuelle et les modifications à apporter au Code sont traitées dans la section 4.5, « Application des droits relatifs au logement ».

Bénéficiaires d’aide sociale

Beaucoup de fournisseurs de logements semblent ignorer que la discrimination envers les bénéficiaires d’aide sociale est interdite en vertu du Code. Cette forme de discrimination peut entraîner le refus patent de louer un logement à quelqu’un qui reçoit de l’aide sociale. Selon ce qu’on a indiqué à la Commission, les travailleurs des services de logement ont de la difficulté à trouver des locateurs prêts à accueillir des assistés sociaux. De plus, les annonces qui mentionnent « pour travailleurs seulement » ou « pour professionnels » ne sont pas rares, ce qui montre à quel point la discrimination à l’endroit des ménages à faible revenu est répandue dans notre société. La KCLC a fait remarquer que la discrimination envers les bénéficiaires d’aide sociale est tellement monnaie courante que beaucoup parmi ceux-ci ne portent pas plainte, se contentant d’en parler lorsqu’ils demandent des services conseils sur d’autres questions.

Dans certains cas, l’hésitation des fournisseurs de logements eu égard aux assistés sociaux peut être attribuable à des malentendus ou à de l’information erronée. Ainsi, le Housing Help Centre a découvert que des organismes représentant des locateurs à Ottawa étaient sous la fausse impression que les assistés sociaux ne peuvent pas obtenir de dépôt de garantie pour le loyer du dernier mois du bail. Dans d’autres cas, la Commission a appris que la réticence des locateurs peut être attribuable à des stéréotypes discriminatoires au sujet des assistés sociaux, par exemple qu’ils ne sont pas fiables ou qu’ils ne peuvent pas payer.

Souvent, les locateurs essaient de justifier la discrimination dont ils font preuve envers les bénéficiaires d’aide sociale par le supposé risque financier que ceux-ci présentent, en soutenant que ces personnes sont plus susceptibles de ne pas payer leur loyer que les travailleurs. Bien sûr, ces dires ne s’appuient sur aucune donnée empirique. Dans la majorité des cas, les arriérés de loyer sont dus à une baisse de revenu imprévue, causée par une perte d’emploi, une limitation soudaine ou l’ajout de responsabilités d’aidant plutôt qu’à l’état d’assisté social au moment de la signature du bail. (CERA)

Même si le locateur a accepté de louer un logement à un prestataire de l’aide sociale, cela ne signifie pas pour autant que cette personne sera traitée sur le même pied que les autres locataires. Une clinique d’aide juridique a décrit une situation où un locateur a tenté d’annuler un contrat de location après avoir su que la locataire était une assistée sociale et a refusé de lui remettre les clés du logement. La locataire avait en main une demande signée et un reçu pour le dépôt de loyer prouvant qu’elle avait le droit d’accès. Dans d’autres cas, les organismes d’aide sociale peuvent être tenus de payer le loyer directement pour les assistés sociaux, et ce, même s’il est démontré que ces personnes peuvent payer leur loyer à temps.

Il a également été porté à l’attention de la Commission que des bénéficiaires d’aide sociale font l’objet de discrimination en matière de logement parce que l’allocation qu’ils reçoivent est trop faible pour leur permettre d’obtenir ou de conserver un logement. Des préoccupations relatives aux droits de la personne ont été exprimées au sujet de certaines pratiques des coopératives concernant les subventions versées aux assistés sociaux et le calcul des loyers basé sur un pourcentage du revenu total ou l’équivalent de la partie de l’aide sociale affectée au logement. Cette question a été portée à l’attention de la Commission dans l’affaire Iness[46] et dans d’autres cas ressortissant à l’aide sociale et aux accommodements. Des mémoires ont indiqué qu’une clarification et une orientation supplémentaires s’imposent à cet égard. Voir aussi la section 5.3, « Pauvreté et niveaux de revenu inadéquats ».

D’après la division de l’Ontario de l’ACSM, environ le tiers des participants au POSPH a fait l’objet d’un diagnostic primaire de maladie mentale. Ces personnes sont particulièrement exposées aux stéréotypes négatifs, par exemple à être considérées comme des « voyous » qui ont décidé de se faire vivre par les contribuables, car leur déficience n’est pas nécessairement apparente (PACE).

Des obstacles particuliers se dressent devant les personnes sans domicile fixe et bénéficiant de l’aide sociale qui veulent trouver un logement. Des personnes consultées, dont des intervenants de l’Algoma Community Legal Clinic, ont indiqué que, dans le cas où les éventuels locataires vivent dans un refuge pour sans-abri, les locateurs ne les rappellent généralement pas. Et s’ils les rappellent, ils raccrochent dès qu’ils se rendent compte que les personnes en question vivent dans un tel endroit. Ce phénomène a été observé en ce qui touche les femmes qui résident dans des refuges pour victimes de violence[47].

4.2. Méthodes de sélection des locataires

Lorsqu’on examine la question du choix des locataires et les raisons légitimes de restreindre l’accès au logement, il est important de se rappeler que le logement est considéré comme un droit humain fondamental dans les conventions internationales ratifiées par le Canada[48]. Les pratiques de sélection des locataires doivent se conformer à cette façon d’envisager l’accès au logement et à une interprétation large et progressiste des dispositions de l’article 2 du Code. Cela impliquerait l’application de l’obligation d’adaptation sans préjudice injustifié lorsqu’on évalue et choisit des locataires; voir aussi la section 4.3, « Le logement et l’obligation d’adaptation ». Lorsque des fournisseurs de logements ont des motifs légitimes de refuser de louer un logement à quelqu’un, cela n’occulte pas l’obligation sociale et gouvernementale de veiller à ce que la personne soit logée convenablement.

Les pratiques de sélection des locataires préoccupaient autant les locataires que les locateurs, qui ont souligné que le Code n’énonce pas d’exigences et de questions précises considérées comme acceptables et inacceptables. Dans l’ensemble, il y avait consensus parmi les personnes consultées sur la nature des méthodes de sélection appropriées qui seraient conformes au Code. Les locataires et les défenseurs de leurs droits divergeaient d’opinion sur la question de savoir quelles exigences sont légitimes. Les fournisseurs de logements étaient pour le maintien des pratiques actuelles et estimaient que les orientations données dans le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 assurent un bon équilibre entre les droits des locataires et les besoins commerciaux des locateurs.

Les locataires et leurs représentants ont soulevé les difficultés que posent certaines des pratiques les plus répandues auprès des locateurs, des fournisseurs de logements et des agences qui effectuent la sélection des locataires. Selon les locataires, les facteurs de discrimination les plus communs faisant obstacle à l’accès au logement sont les exigences relatives au revenu minimum, au crédit, aux références, aux cosignataires et aux garants et les rapports loyer revenu. Selon ce qu’on a précisé à la Commission, la plupart du temps, plus d’une exigence est imposée, de sorte qu’il est encore plus difficile pour les éventuels locataires d’y répondre et qu’ils risquent davantage d’être sous logés, d’habiter dans des logements de mauvaise qualité ou de se retrouver sans domicile fixe. Leurs porte-parole soutenaient que les pratiques discriminatoires semblent être la norme, ce qui jette le discrédit sur l’administration de la justice.

La Commission reconnaît que les fournisseurs de logements ont un intérêt légitime à employer des techniques non discriminatoires de choix des locataires. Le Landlord’s Self Help Centre a indiqué que le processus de sélection des locataires est une pratique d’affaires fondamentale, destinée à réduire les risques et à prévenir les pertes financières potentielles. Un grand nombre de fournisseurs de logements de tous les types estimaient qu’il est important pour eux de pouvoir déterminer si les éventuels locataires pourront payer leur loyer et les maintenir en bon état.

Certains fournisseurs de logements ont souligné l’importance de choisir les locataires par des pratiques d’affaires non discriminatoires étant donné que les démarches d’expulsion en cas de non paiement du loyer prennent des mois, période pendant laquelle le locateur doit payer l’hypothèque, les taxes, les services publics et les réparations. Ceux-ci, dont le St. Joseph’s Care Group, ont mentionné que les coûts occasionnés par les cas problématiques, dont les arriérés de loyer, les frais liés à la CLI et le risque de dommages aux logements, peuvent être importants. Les fournisseurs de logements sociaux ont précisé qu’ils sont davantage exposés à ces risques que les fournisseurs du secteur locatif privé, car ils peuvent moins absorber ces frais supplémentaires et ne disposent pas des moyens de réduire les risques.

Par ailleurs, les défenseurs des droits des locataires étaient d’avis que le choix des locataires compte pour peu dans la viabilité générale d’une entreprise de logements locatifs[49] et que la réduction du pouvoir de sélectionne causerait pas de préjudice injustifié aux locateurs. Ils ont également exprimé l’opinion qu’il y aurait un avantage commercial à réduire les critères de sélection au minimum, à savoir que les logements seraient loués plus rapidement et que les taux de vacance diminueraient.

Les fournisseurs de logements craignaient en outre qu’on puisse considérer qu’ils ont agi de façon discriminatoire au titre d’un motif prévu au Code même s’ils ont rejeté la candidature d’un éventuel locataire pour des raisons légitimes, parce qu’il avait de mauvaises références ou que son revenu était manifestement trop bas. En conséquence, ils ressortait qu’ils ont intérêt à ce qu’on leur indique plus clairement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Comme l’a fait remarquer la division de l’Ontario de l’ACSM, il doit y avoir une souplesse et un équilibre permettant de défendre les droits des locataires tout en protégeant les locateurs d’éventuels préjudices.

Le CERA et le SRAC estimaient qu’un changement s’impose dans la façon dont les locateurs choisissent les éventuels locataires. Selon eux, dans le secteur du logement locatif, les locateurs ne devraient pas refuser une occasion de louer à moins de pouvoir expliquer de façon claire et convaincante pourquoi une demande doit être rejetée, au lieu que le fardeau de la preuve repose sur les épaules de l’éventuel locataire. On a demandé que les locataires soient acceptés selon l’ordre d’arrivée des demandes, en vertu du principe qu’il n’existe pas de raisons légitimes de disqualifier quelqu’un. Il faudrait attribuer chaque logement à la première personne qui a demandé à le louer, comme c’est le cas pour les demandes de service de téléphone ou d’électricité.

Enfin, des personnes consultées ont mentionné que les arriérés de loyer peuvent s’expliquer d’une foule de manières[50], dont plusieurs ne peuvent être prévues au moyen des méthodes de sélection couramment utilisées par les locateurs. Ainsi, selon la Federation of Metro Tenants’ Associations, en réalité, aucune vérification du crédit ou du revenu ni aucune autre pratique d’affaires autorisée par le Règlement de l’Ontario 290/98 n’empêche un locataire de perdre son emploi, de tomber gravement malade ou de vivre un éclatement de sa famille.

Paragraphe 21 (3) du Code et Règlement de l’Ontario 290/98

En vertu de l’article 10 de la LLUH, les locateurs peuvent choisir les locataires en utilisant des renseignements autorisés dans la réglementation au titre du Code. Le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 permettent aux locateurs de demander aux éventuels locataires de l’information sur le revenu seulement s’ils demandent aussi, et en tiennent compte en même temps, des références concernant le crédit, les antécédents de location et les résultats des vérifications du crédit[51]. L’information sur le revenu renseigne le locateur sur le montant, la source et la stabilité du revenu d’un locataire éventuel. Tous ces moyens d’évaluation doivent être utilisés de bonne foi, de façon raisonnable et sans discrimination[52].

Pour la plupart, les locateurs et les fournisseurs de logements estimaient que la réglementation donnait une orientation suffisante sur la façon d’utiliser les vérifications du crédit et des références de manière non discriminatoire. Par contre, selon la majorité des représentants des groupes de défense des droits des locataires, le paragraphe 21 (3) et le règlement ne sont pas clairs, ce qui peut entraîner de la discrimination. On a observé un large consensus chez ceux ci sur le fait qu’il n’est pas suffisant de demander aux locateurs d’utiliser l’information à caractère financier et autre sur les locataires éventuels pour assurer l’absence de discrimination. L’exemple suivant a été fourni pour illustrer ce propos :

(...) Si un locateur peut utiliser une combinaison de renseignements financiers pour évaluer un locataire éventuel, il peut l’utiliser de manière discriminatoire. Si, lors d’une vérification du crédit, le locateur apprend que le locataire éventuel participe au POSPH et que sa cote de solvabilité n’est pas parfaite, parce qu’il a payé une facture en retard par exemple, il pourrait s’appuyer sur cette information pour justifier le refus de lui louer un logement, simplement parce qu’il ne veut pas avoir un participant au POSPH comme locataire. (Housing Help Centre)

La majorité des locateurs utilisent l’information sur le revenu pour vérifier l’identité d’un locataire éventuel et sa capacité de payer le loyer. Toutefois, les défenseurs des droits des locataires craignaient que l’information sur le revenu, comme un talon de chèque de paie ou de prestation d’aide sociale, serve à prendre des décisions basées sur la source du revenu plutôt que sur le revenu comme tel. Par exemple, on peut utiliser cette information de manière discriminatoire pour mettre de côté des locataires éventuels parce qu’ils bénéficient de l’aide sociale au lieu de travailler (Children’s Aid Society of Toronto – CAST). Tel qu’il est indiqué dans la section 5.3, « Pauvreté et niveaux de revenu inadéquats », l’écart entre l’allocation de logement versée aux assistés sociaux et le montant du loyer à payer en Ontario peut inciter davantage les fournisseurs de logements à refuser les assistés sociaux en raison de leur revenu.

Le CERA et le SRAC étaient d’avis que l’information sur le revenu ne devrait pas servir à disqualifier d’éventuels locataires, sauf dans des cas extrêmes, par exemple lorsque l’information révèle clairement l’existence d’activités illégales ou que l’éventuel locataire indique qu’il n’a pas l’intention de payer. On soutenait qu’en l’absence d’antécédents de loyers impayés, il est raisonnable de supposer que la personne souhaite louer un logement qu’elle pourra s’offrir. Enfin, le CERA et le SRAC ont mentionné que si le locataire éventuel n’a pas de revenu apparent, le locateur devrait pouvoir vérifier d’où cette personne tirera les sommes nécessaires pour payer le loyer; cependant, l’absence de revenu ne devrait pas servir à disqualifier un éventuel locataire, sauf dans des cas extrêmes.

Pour leur part, les fournisseurs de logements ont fait remarquer qu’il est très difficile pour les locataires de payer leur loyer si leurs autres dépenses sont trop élevées et leur revenu est insuffisant. Selon certains, il doit y avoir un seuil au dessus duquel on peut légitimement établir qu’un appartement particulier n’est pas abordable pour une personne donnée, pour le bien des deux parties.

Comment une personne peut-elle payer un loyer qui dépasse son revenu? Faire signer un bail à une personne incapable de payer son loyer mène à l’expulsion, à des procédures de perception et à une baisse de la cote de solvabilité, et entraîne d’autres conséquences négatives pour cette personne pendant de nombeuses années à venir. (St. Joseph’s Care Group)

Critère de revenu minimum et rapports loyer-revenu

L’utilisation du critère de revenu minimum, par exemple qu’il ne faut pas consacrer plus de 30 % de son revenu pour payer un loyer, et son effet discriminatoire sur les personnes protégées par le Code suscite des inquiétudes depuis longtemps. La Commission est d’avis que le paragraphe 21 (3) du Code et le Règlement de l’Ontario 290/98 ne permettent pas aux locateurs d’utiliser un critère de revenu minimum ni aucun autre critère relatif au revenu ou des rapports loyer revenu[53]. Néanmoins, il appert que des locateurs de différents types maintiennent cette pratique. Selon le CERA et le SRAC, l’application de critères de revenu minimum est davantage répandue chez les fournisseurs de logements du secteur public, sans but lucratif et de coopératives, car ceux ci cherchent à constituer des bassins de locataires présentant un « profil de revenus acceptable ».

Les principaux motifs d’inquiétude au sujet de l’application de critères de revenu minimum sont qu’ils ont un effet systémique sur les groupes protégés par le Code et qu’ils ne permettent pas de prévoir la capacité d’un locataire de payer le loyer[54]. On a mentionné à la Commission que beaucoup de membres de groupes protégés par le Code, y compris des personnes ayant une maladie mentale, vont décider de consacrer 70 à 80 % de leur revenu au loyer plutôt que 20 à 30 %, soit le ratio loyer revenu habituel. Dans la pratique, si l’on considère l’écart entre le salaire minimum ou le revenu d’aide sociale et les loyers moyens dans la province, la majorité des locataires consacrent beaucoup plus que 30 % de leur revenu au paiement de leur loyer mensuel.

Le CERA et le SRAC ont donné des exemples illustrant les pièges de la règle des 30 % du revenu :

  • un locataire éventuel ayant un revenu brut de 900 $ par mois et qui souhaite louer un logement de plus de 300 $ par mois serait disqualifié;
  • on disqualifierait aussi dans près de la moitié des cas un chef de famille monoparentale avec un enfant, qui gagne un salaire annuel de 50 000 $, car 30 % de son revenu mensuel équivaut à environ 1 250 $ par mois alors que le loyer moyen d’un appartement à deux chambres dépasse 1 000 $ par mois à Toronto.

Numéros d’assurance sociale

Certains fournisseurs de logements demandent aux locataires éventuels de fournir leur numéro d’assurance sociale (NAS), généralement en indiquant que c’est pour faire une vérification de solvabilité. Bien qu’il soit pratique d’utiliser ce numéro pour faire une telle vérification, les locateurs peuvent se servir d’autres renseignements pour ce faire. Des personnes consultées estiment que le NAS est une donnée très privée dont la divulgation expose son titulaire au vol d’identité. Service Canada déconseille fortement aux entités du secteur privé, y compris aux locateurs qui négocient des baux, de demander le NAS[55].

L’ACSMO a mentionné qu’il arrive souvent que des personnes ayant une maladie mentale perdent ou se font voler leur carte d’assurance sociale pendant les périodes où elles sont itinérantes, de sorte qu’elles risquent de devoir y rester si on leur demande leur NAS. De plus, le CERA a signalé qu’un NAS permet de déterminer que son détenteur est un réfugié, ce qui accroît le risque de discrimination envers sa famille.

Vérifications de casier judiciaire et d’antécédents criminels

Les vérifications de casier judiciaire et d’antécédents criminels seraient une pratique passablement répandue, surtout chez les fournisseurs de logements sociaux, même si elles ne sont pas autorisées en vertu du paragraphe 21 (3) du Code et du Règlement de l’Ontario 290/98.

Dans beaucoup de cas, les formules de demande de location et les entrevues avec les locataires éventuels comprennent des questions indiscrètes sur les antécédents criminels et sur la nature des accusations et des condamnations s’il y a lieu. Certains fournisseurs de logements spécialisés refusent des locataires pour cause d’antécédents criminels ou, s’ils les acceptent, ils exigent qu’ils fassent l’objet d’une supervision plus étroite, désignée sous l’euphémisme « soutien ». (John Howard Society of Toronto)

De l’avis des fournisseurs de logements, ces vérifications constituent un moyen raisonnable d’évaluer les risques que présentent les locataires éventuels. D’autres intervenants estimaient que le droit au logement est tellement fondamental qu’il ne faut pas le brimer simplement parce qu’on suppose qu’une personne qui a déjà commis une infraction pourrait en commettre une autre. On a signalé à cet égard que les locateurs disposent d’autres façons d’agir dans les cas d’activités illicites ou de défaut de payer le loyer. Il a été mentionné en outre que si les locateurs avaient le droit de vérifier les antécédents criminels des éventuels locataires, il serait difficile de loger les personnes ayant déjà commis un acte criminel, qui forment un groupe déjà très exposé au risque de se retrouver sans domicile fixe. Dans de nombreux cas, le seul fait qu’une vérification de casier judiciaire soit requise décourage les personnes ayant des antécédents criminels de faire une demande de logement; ils vont mettre fin à leur démarche plutôt que d’attendre que le locateur refuse leur demande.

Les responsables des Parkdale Community Legal Services ont sensibilisé la Commission au fait que les vérifications de casiers judiciaires peuvent avoir un effet néfaste sur les personnes ayant une maladie mentale[56]. Le CERA et le SRAC ont également exprimé l’opinion selon laquelle limiter l’accès au logement sur la base d’un casier judiciaire pourrait constituer une violation du Code si l’activité criminelle en question était au moins en partie attribuable à une déficience, telle une toxicomanie ou un handicap mental ou cognitif. Dans ces situations, le fournisseur de logements serait tenu d’accommoder la personne sauf si cela lui causait un préjudice injustifié. La Commission a eu le plaisir d’apprendre que lorsque les fournisseurs de logements ont été avertis de ce fait, certains ont décidé de ne pas faire de vérifications des antécédents judiciaires. Voir aussi la rubrique « Dossiers criminels et registre des infractions » dans la section 4.1, « Discrimination fondée sur des motifs prévus au Code ».

Dépôts de loyer

La LLUH permet aux fournisseurs de logements de demander un dépôt équivalant au loyer du dernier mois[57]. La FRPO a indiqué que c’est le seul type de dépôt de sécurité qu’un locateur a le droit de prélever en Ontario et que c’est acceptable pour les locataires tout en étant une pratique d’affaires légitime de la part des locateurs. Cependant, cette pratique, a-t-on mentionné à la Commission, peut priver de logement des personnes à faible revenu, en particulier les assistés sociaux. Voici ce qu’a déclaré l’Algoma Community Legal Clinic :

Les personnes participant au programme Ontario au travail et au Programme de soutien aux personnes handicapées ne peuvent recevoir de prestation pour l’établissement d’un nouveau domicile et le maintien dans la collectivité (donc un montant pouvant servir de dépôt) sans avoir obtenu une lettre d’intention d’un locateur garantissant la location d’un appartement. Toutefois, il arrive souvent que le locateur ne garantisse pas la location de l’appartement sans avoir obtenu un dépôt. Il s’ensuit qu’un grand nombre d’unités de logement disponibles ne sont pas accessibles à ces personnes.

Au cours d’une rencontre avec de nouveaux arrivants bénéficiant de services fournis par COSTI et tout au long de la consultation, la Commission a appris qu’on demande des sommes exorbitantes comme dépôt à des locataires éventuels pour la location d’un logement. Dans les cas les plus flagrants, les locataires éventuels, dont beaucoup étaient des Autochtones, des nouveaux Canadiens ou des résidents permanents, ont dû payer comptant jusqu’à 12 mois de loyer avant de pouvoir occuper leur nouveau logement.

Beaucoup de clients sont de nouveaux arrivants au Canada et ne connaissent pas leurs droits comme locataires. Ils se sentent obligés d’obtempérer et trouvent extrêmement ardu de subir toute cette pression au moment où ils doivent surmonter d’autres difficultés dans tous les aspects de leur vie. Parfois, ils doivent vider leur compte de banque et emprunter de l’argent à des parents pour satisfaire à cette exigence. Et s’ils ne se trouvent pas d’emploi rapidement, comme c’est souvent le cas, ils sont forcés de demander de l’aide sociale. Cette situation pourrait être évitée si ces gens pouvaient garder leur argent à la banque. (Flemingdon Neighbourhood Services)

Cosignataires, garants et demandes de paiement direct 

La Commission estime qu’il est approprié qu’un fournisseur de logements demande un cosignataire ou un garant s’il a des motifs légitimes de le faire, par exemple si le locataire éventuel présente des antécédents de défaut de paiement de loyer[58]. La FRPO soutient que les demandes de garant sont justifiées dans certains cas, par exemple lorsque le locateur craint que le locataire éventuel ne puisse pas payer le loyer ou lorsque l’argent du loyer est payé par une autre personne, qu’il n’existe pas d’antécédents de location ou que le dossier de crédit n’est pas assez étoffé.

Des groupes de défense des droits des locataires ont soutenu devant la Commission que, dans la plupart des cas, on demande un garant seulement parce que le locataire éventuel appartient à un groupe protégé par le Code. En règle générale, la signature d’un garant est exigée des mères seules, des nouveaux arrivants et des réfugiés, des jeunes, des assistés sociaux et des personnes qui risquent le plus d’avoir un faible revenu à cause de l’intersection de motifs prévus au Code, comme dans le cas d’une mère autochtone seule. On peut demander à un service de protection de l’enfance d’être cosignataire d’un bail dans le cas où un jeune devient indépendant, et ce, même si le locataire éventuel n’a pas d’antécédents de location et n’a jamais eu d’arriérés de loyer. (CAST)

Certaines personnes se conforment à de telles exigences simplement pour avoir un logement, mais d’autres qui n’ont pas la possibilité d’y satisfaire restent bredouilles. Ainsi, beaucoup de nouveaux arrivants n’ont pas de parents ni d’amis au Canada et ne peuvent fournir de garant. Par ailleurs, on a mentionné à la Commission que les personnes ayant un problème de santé mentale ont tendance à avoir moins de contacts avec leur famille et des amis et ne peuvent, par le fait même, trouver de garant ou de cosignataire sur le marché privé. Il se peut même que les demandeurs à faible revenu faisant partie d’un groupe qui revendique l’égalité ne connaissent personne d’assez fortuné pour agir comme garant, car il arrive que les locateurs exigent que le garant ait un revenu annuel de 100 000 $ ou plus.

Enfin, un nombre croissant de fournisseurs de logements exigent que les loyers soient payés directement par des services sociaux ou proviennent d’une autre source de revenu même s’il est démontré que l’éventuel locataire peut payer son loyer à temps. C’est souvent ce qui se passe dans le cas de bénéficiaires d’aide sociale, en particulier s’ils viennent d’arriver au Canada. (Hamilton Mountain Community and Legal Services Clinic)

Vérifications du crédit 

On a dit à la Commission que beaucoup de locateurs font des vérifications du crédit; toutefois, l’information obtenue de cette façon constitue une faible approximation de la véritable capacité de payer de l’éventuel locataire. Un bon nombre de personnes consultées ont soutenu qu’il se peut que des gens n’aient pas une bonne cote de crédit parce qu’ils paient leur loyer en priorité, avant leurs autres frais. Le Jessie’s Centre for Teenagers a indiqué que, dans certains cas, une mauvaise cote de crédit peut être liée à des motifs prévus au Code. Inversement, selon le Housing Help Centre, un locataire ayant une bonne cote de crédit aurait pu facilement être expulsé ou avoir déménagé sans avis, car ces questions vont rarement jusqu’à l’agence d’évaluation du crédit.

Bien que les renseignements sur le crédit puissent être utilisés de façon juste, la Commission a été informée que si on les utilise de manière rigide, cela peut empêcher des membres de groupes revendiquant l’égalité d’accéder à un logement, y compris les nouveaux arrivants et les réfugiés, les jeunes qui cherchent un premier logement et les femmes qui viennent de rompre une relation conjugale. Le CERA et le SRAC ont proposé qu’on tienne compte des mauvaises cotes de crédit ou références seulement lorsqu’elles se rapportent au non-paiement du loyer (et non des autres frais), comme le font d’autres fournisseurs de services essentiels, le téléphone et l’électricité par exemple, et que l’obligation d’adaptation devrait aussi s’appliquer.

Assurance de responsabilité locative 

On a signalé à la Commission que certains locateurs exigent aux demandeurs de fournir une preuve d’assurance de responsabilité locative, qui coûte en moyenne 30 $ par mois, avant de leur louer un logement. Comme CAST l’a fait remarquer, cette exigence a un effet négatif sur les personnes à faible revenu, les ménages bénéficiant de l’aide sociale, les familles monoparentales pauvres, les jeunes et les nouveaux arrivants. De plus, elle pose un obstacle financier aux Autochtones et aux membres des communautés racialisées (CERA/SRAC).

Antécédents de location et références de locateurs antérieurs

Il est légitime que les fournisseurs de logements cherchent à savoir si les demandeurs paient leur loyer à temps et s’ils ont des antécédents de location révélant leur bon comportement. Néanmoins, les groupes de défense des droits des locataires ont mentionné que bon nombre de personnes ne peuvent pas présenter de références d’anciens locateurs. C’est le cas, notamment, des nouveaux arrivants, des réfugiés, des jeunes à la recherche d’un premier loyer, des femmes qui viennent de rompre une relation conjugale et des sans abri. De même, il se peut que les Autochtones venant d’une réserve ne puissent pas fournir de références d’un locateur du secteur privé en raison des modes de propriété et d’attribution des unités d’habitation dans les réserves. On a fait valoir que l’absence d’antécédents de location ne doit pas être considérée comme un mauvais dossier à cet égard.

Dans certains cas, les références ne sont pas considérées comme valables en raison de la nature des logements occupés antérieurement. Selon ce qu’on a indiqué à la Commission, le refus des locateurs d’accepter les gens dont les seules références proviennent de maisons de chambres produit un effet disproportionné sur les jeunes et les assistés sociaux.

Il peut aussi arriver que de mauvaises références de locateurs antérieurs soient liées à des motifs prévus au Code, tels l’état familial ou un handicap, et un défaut de prendre des mesures d’adaptation. Par exemple, un locateur antérieur peut fournir des commentaires négatifs à cause du comportement des enfants ou parce que ceux-ci faisaient du bruit, pourtant dans des limites raisonnables, ou encore à cause d’un comportement associé à un handicap mental. Certaines personnes consultées estimaient qu’il peut être approprié de poser des questions sur les expulsions passées, alors que d’autres étaient d’avis que les personnes ayant une maladie mentale risquent davantage de voir leur demande rejetée dans les cas où les antécédents de location sont un des facteurs d’évaluation des dossiers des éventuels locataires. Qui plus est, la Commission a été mise au fait que ces personnes courent plus de risque de se faire expulser pour manque d’accommodement par les fournisseurs de logements et parce qu’elles ont de la difficulté à se défendre en cas d’expulsion.

On a aussi exprimé des préoccupations concernant les exigences qui touchent la durée de résidence, qui constituerait un obstacle systémique à l’accès au logement. Selon l’OFIFC, beaucoup d’Autochtones sont plus mobiles que les non Autochtones parce qu’ils vont et viennent entre les villes et les réserves pour des raisons liées à l’emploi, à la famille, à l’accès aux soins de santé et à la discrimination. Le refus de louer un logement à ces personnes sous prétexte qu’elles ne demeurent pas longtemps au même endroit peut constituer un obstacle systémique à l’accès au logement.

Arriérés de loyer 

On a soulevé la question des arriérés de loyer en tant qu’obstacle à l’accès au logement eu égard aux logements à loyer indexé sur le revenu. Une des conditions d’admissibilité à ce type de logement est l’absence d’arriérés de loyer dus à un fournisseur de logements sociaux (MAML). Des défenseurs des droits des locataires ont mentionné à la Commission que certains fournisseurs de logements de ce type demandent un dossier de location « intact » pendant 12 mois et que d’autres ne traitent pas les demandes tant que tous les arriérés de loyer ou les frais exigés pour dommages envers d’anciens locateurs ne sont pas payés. Lorsque des organismes communautaires essaient de défendre la cause d’éventuels locataires à faible revenu et élaborent des plans de paiement des arriérés de loyer, il arrive que les fournisseurs de logements ne voient pas ces démarches d’un bon œil et préfèrent louer à quelqu’un d’autre.

Confirmation d’emploi

Dans le secteur du logement locatif privé, beaucoup de fournisseurs de logements préfèrent louer aux « travailleurs ». Certains exigent que les locataires travaillent à plein temps pour le même employeur depuis un certain temps[59]. Selon des personnes consultées, l’obligation de fournir des références concernant l’emploi peut être un moyen de rejeter les demandes des personnes jugées indésirables parce qu’elles n’ont pas un revenu suffisant ou pour des motifs prévus au Code, ou les deux. On a mentionné à la Commission que les membres des groupes suivants, protégés en vertu du Code, subissent un effet négatif lorsqu’on leur demande une confirmation d’emploi :

  • les personnes ayant une maladie mentale ou un autre handicap les empêchant de travailler;
  • les assistés sociaux recevant des prestations du POSPH ou du programme Ontario au travail;
  • les personnes âgées qui reçoivent des prestations du Régime de pension du Canada;
  • les Autochtones qui ont un emploi saisonnier, qui travaillent à contrat ou qui dépendent entièrement ou partiellement de la chasse pour subsister;
  • les personnes qui ne peuvent pas travailler parce qu’elles doivent prendre soin de quelqu’un;
  • les jeunes et les étudiants, qui sont plus susceptibles d’occuper un emploi de courte durée ou à temps partiel et d’avoir un dossier d’emploi portant sur une courte période.

Il a été mentionné que, dans la pratique, la vérification de l’emploi peut renseigner sur la capacité de payer le loyer, mais il n’existe aucune garantie que le locataire ne sera pas mis à pied ou qu’il ne deviendra pas inapte au travail dans l’avenir. De plus, il se pourrait que le revenu d’emploi ne suive pas toujours les hausses de loyer que doivent payer les locataires à long terme (Housing Help Centre).

Assurances et contrats non exigés d’autres locataires

Certains fournisseurs de logements peuvent poser comme condition préalable aux locataires éventuels ayant une maladie mentale qu’ils fournissent l’assurance verbale ou écrite qu’ils utiliseront des médicaments d’ordonnance ou se soumettront à des traitements pour problèmes psychiatriques (BIPEP). De plus, il peut arriver qu’on demande aux locataires qui reçoivent une subvention de signer un contrat les obligeant à en informer leurs voisins de façon que les sommes reçues en trop soient signalées. Des exigences de ce type pourraient constituer des atteintes à la dignité et aux droits de personnes protégées par le Code.

Règles d’occupation

Durant la consultation faisant l’objet du présent rapport et la consultation portant sur l’état familial menée antérieurement, on a attiré l’attention de la Commission sur l’incidence des règles d’occupation arbitraires sur les familles avec enfants. Par exemple, il a été jugé discriminatoire de refuser un appartement à trois chambres à une mère seule avec trois enfants pour le motif qu’un appartement de cette taille devrait être destiné à un couple avec deux enfants selon la « norme canadienne »[60]. Des politiques de ce genre posent un obstacle particulier à l’accès au logement aux familles de personnes « non occidentales » ou aux familles élargies. De même, les règles portant sur l’occupation partagée de chambres par des enfants de sexe opposé constituent un obstacle discriminatoire aux familles à la recherche d’un logement locatif adéquat.

Tel qu’il est indiqué dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial, les politiques relatives à l’occupation doivent reposer sur des exigences de bonne foi[61]. Or, la Commission a appris que de nombreuses politiques sur l’occupation semblent être basées sur les suppositions et préférences personnelles des fournisseurs de logements plutôt que sur des règlements municipaux relatifs à la santé et à la sécurité ou au surpeuplement des logements.

Chaque famille souhaite louer un appartement qui comprend une chambre pour chacun des enfants, mais la réalité en Ontario fait que les grands appartements sont rares et chers. Beaucoup de familles ne peuvent tout simplement pas se payer ou trouver de tels appartements. Les politiques d’occupation arbitraires forcent les familles avec enfants à louer des logements de piètre qualité et insalubres, à demeurer dans des refuges ou à partager un logement avec une autre famille ou des amis pendant une longue période. En l’absence de préoccupations légitimes concernant la santé ou la sécurité, il devrait appartenir aux familles, et non aux locateurs, de déterminer la taille de l’appartement qui répond le mieux à leurs besoins. (CERA/SRAC)

On a soutenu devant la Commission que les règles sur l’occupation appliquées par les fournisseurs de logements sociaux ou de logements coopératifs posent des problèmes particuliers, car elles sont énoncées dans des politiques et des règlements qui ne sont pas faciles à modifier et qui sont parfois fondés sur des directives gouvernementales. Ainsi, le Règlement de l’Ontario 298/01, qui met en application la LRLS, établit qu’il doit y avoir « une chambre par groupe de deux membres du ménage »[62]. Suivant la Norme nationale d’occupation, élaborée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, les parents devraient occuper une chambre distincte de celle de leurs enfants et les enfants de sexe opposé qui ont plus de cinq ans ne devraient pas partager une chambre [63] . Un fournisseur de logements de l’Ontario qui applique de telles politiques pourrait être accusé de discrimination s’il ne peut démontrer qu’il s’agit d’une exigence de bonne foi selon les paramètres établis par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Meiorin [64] . Par exemple, si des fournisseurs de logements sociaux constatent que des administrations publiques (ou d’autres intervenants) leur imposent des obstacles, ils ont l’obligation de faire les démarches nécessaires pour que des modifications soient apportées ou que les obstacles en question soient supprimés [65]. La Commission estime pour sa part que les administrations publiques ont l’obligation de collaborer avec les fournisseurs en vue de supprimer ces obstacles.

On a mentionné à la Commission que lorsque des politiques de ce type sont appliquées sans souplesse, cela peut empêcher des familles à faible revenu d’accéder à l’ensemble du parc de logements subventionnés. Ainsi, une mère seule et son jeune fils peuvent se voir refuser la location d’un appartement à une chambre en conformité avec une politique sur l’occupation, et ce, même si la liste d’attente pour les appartements à deux chambres est très longue.

4.3. Le logement et l’obligation d’adaptation

L’obligation de prendre des mesures d’adaptation sans préjudice injustifié s’applique aux fournisseurs de logements et à d’autres fournisseurs de services connexes, tels que les administrations publiques ou des agences et organismes divers. L’obligation qui est faite aux pouvoirs publics de prendre des mesures d’adaptation ne relève pas les fournisseurs de logements et d’autres intervenants de remplir leurs devoirs au titre du Code. Les locataires sont tenus, lorsqu’ils en sont capables, de faire connaître leurs besoins et de participer au processus d’adaptation. Les mesures d’adaptation doivent être prises dans le respect de la dignité, d’une manière individuelle et de façon à assurer l’intégration et la pleine participation des personnes protégées en vertu du Code. Lorsque les mesures d’adaptation convenant le mieux ne peuvent être prises, il faut mettre en oeuvre d’autres options, comme des mesures progressives, provisoires ou de remplacement. La Commission a longtemps eu pour principe que, pour déterminer s’il y a préjudice injustifié, on ne peut considérer que les trois facteurs visés au paragraphe 17 (2) du Code, à savoir le coût, les sources extérieures de financement et les exigences en matière de santé et de sécurité[66].

Les fournisseurs de logements, les défenseurs du droit au logement, les locataires et d’autres personnes consultées étaient pratiquement unanimes pour constater le manque de connaissances sur l’obligation d’adaptation et son application dans le domaine du logement. De nombreux groupes de défense des droits des locataires ont affirmé qu’il faut aider davantage les fournisseurs de logements à comprendre que l’obligation d’adaptation n’est pas seulement une bonne idée, mais une responsabilité légale, et qu’ils doivent apprendre comment remplir cette obligation. La FRPO a demandé que la Commission élabore une politique et des directives portant sur les mesures d’adaptation et l’évaluation du préjudice injustifié dans le contexte du logement.

Un lien peut être établi entre les besoins en matière d’adaptation et divers motifs prévus au Code, dont l’état familial, la croyance (la religion), le sexe, la race et les motifs liés à la race. Néanmoins, la majorité des échanges concernant les mesures d’adaptation ont porté sur les handicaps, en particulier la maladie mentale.

Mesures d’adaptation au moment du choix des locataires et durant la location

Les fournisseurs de logements et les défenseurs des droits des locataires ont décrit les problèmes que soulève la nécessité pour les locataires de déterminer leurs besoins en matière d’adaptation. Les premiers estimaient que, dans de nombreux cas, ces besoins ne sont pas clairement énoncés jusqu’à ce que le tribunal soit saisi d’un litige relatif à une expulsion, de sorte qu’ils peuvent difficilement agir de manière proactive. Par ailleurs, le porte parole de l’Algoma Community Legal Clinic était mécontent de voir que des locateurs puissent demander à des locataires éventuels de leur fournir un avis officiel les informant de leur maladie même si celle-ci est évidente.

En ce qui a trait au choix des locataires, il existe des circonstances dans lesquelles, pour respecter l’obligation d’adaptation, un fournisseur doit faire preuve de souplesse dans l’examen des antécédents de crédit ou des antécédents d’occupation transitoire de logements locatifs, sous réserve de la norme de préjudice injustifié. Ainsi, selon le CERA et le SRAC, il serait légitime de tenir compte d’un dossier de location indiquant le non-paiement de loyers, mais avant que le locataire éventuel soit disqualifié pour cette raison, le fournisseur de logements devrait être obligé de demander à celui ci d’expliquer pourquoi il n’a pas payé son loyer, et si la situation a changé, et de collaborer avec lui afin de réduire le risque de défaut de paiement dans l’avenir.

Des personnes consultées ont décrit les mesures d’adaptation qui sont prises couramment au bénéfice des locataires en place : assurer l’accès à l’immeuble en fauteuil roulant, installer des systèmes d’alarme pour les personnes ayant des problèmes d’audition ou modifier les politiques sur les exigences en matière de comportement (ARCH). Dans le secteur du logement coopératif, l’adaptation peut consister à exempter une personne de participer pleinement à la bonne marche de la coopérative, par exemple en la soustrayant à l’obligation de pelleter de la neige, de tondre le gazon ou d’assister aux réunions.

La Société canadienne de l’ouïe a décrit des problèmes liés aux accommodements attribuables à un manque de respect envers des locataires culturellement sourds, sourds oralistes, devenus sourds ou ayant une perte auditive. Divers exemples ont été donnés, comme des fournisseurs de logements ou des locateurs qui ne lèvent pas la tête ou ne haussent pas le ton quand ils parlent et des membres de la famille qui discutent avec des professionnels sans se préoccuper de la présence de la personne sourde ou ayant une perte auditive.

La Commission s’est fait dire que des personnes présentant des déficiences intellectuelles et qui vivent dans un foyer de groupe[67] peuvent être transférées sans leur consentement ou se voir priver de la possibilité de choisir elles-mêmes quoi porter ou manger, de sortir du foyer, de recevoir des appels téléphoniques ou de participer à des activités. L’Advocacy Centre for the Elderly (ACE) a informé la Commission des pratiques suivantes en cours dans certaines résidences pour personnes âgées, lesquelles ne semblent pas satisfaire à l’obligation d’accommoder les personnes âgées qui utilisent des aides à la mobilité :

  • Seuls les résidents qui n’utilisent pas d’aide à la mobilité, par exemple un fauteuil roulant ou une trottinette, sont admis dans les aires communes réservées pour les repas.
  • Les résidents qui ne peuvent entrer en marchant ou en s’aidant d’un cadre de marche dans les lieux réservés pour les repas doivent manger dans leur chambre, et, le cas échéant, ils doivent payer un supplément pour qu’on leur apporte leur plateau.
  • On applique des politiques interdisant l’usage de véhicules motorisés dans les aires communes, de sorte que les personnes qui en utilisent n’ont pas accès aux ascenseurs, à la porte d’entrée principale de l’immeuble et à la salle à manger.
  • Ces politiques sont appliquées même si les résidents visés sont en mesure de démontrer qu’ils peuvent utiliser leur fauteuil roulant sans danger.

Des personnes consultées ont indiqué qu’il est nécessaire de modifier certaines unités d’habitation pour personnes âgées handicapés afin de leur permettre de continuer d’y vivre en autonomie. En l’absence de tels accommodements, les locataires risquent d’être expulsés, car on croit que leur santé et leur sécurité sont menacées. Selon ce qu’on a souligné à la Commission, le défaut de prendre des mesures d’adaptation, combiné au manque d’autres moyens de logement accessibles, peut signifier que les personnes touchées ne pourront plus vivre seules et qu’elles seront forcées d’habiter avec des membres de leur famille ou dans une maison de soins, en contravention avec le Code, ce qui porterait atteinte à leur dignité. Les fournisseurs de logements, en particulier ceux qui offrent des logements adaptés aux personnes âgées, ont indiqué qu’il leur est très difficile de se conformer au Code lorsqu’un grand nombre de leurs locataires souhaitent en même temps qu’on apporte d’importantes modifications à leur logement pour leur permettre de « vieillir chez eux ».

Tabagisme 

La question du tabagisme a suscité beaucoup d’échanges de vues durant la consultation. Depuis 2004, il est interdit de fumer dans les parties communes des immeubles d’appartements et dans divers autres endroits[68]. Le MAML n’a pas pris de mesure particulière concernant l’usage du tabac dans les logements locatifs, mais il existe des moyens d’intervenir lorsque la fumée empêche d’autres locataires de jouir raisonnablement des lieux.

L’exposition à la fumée secondaire peut avoir de graves répercussions sur la santé des personnes exposées, surtout si elles ont des problèmes de santé, comme des allergies, une sensibilité chimique et d’autres troubles respiratoires. Dans des situations de promiscuité, la fumée secondaire peut être très néfaste pour les personnes ayant certains handicaps et susciter un besoin d’adaptation. Par exemple, récemment en Colombie Britannique, une femme ayant une affection respiratoire hyper réactionnelle causée et amplifiée par la fumée secondaire a déposé une plainte relative aux droits de la personne à l’encontre de la Greater Vancouver Housing Corporation pour défaut de fournir un logement dans un milieu sans fumée[69].

En revanche, on a fait valoir à la Commission que les interdictions de fumer peuvent avoir des incidences négatives sur les personnes à faible revenu[70]. De plus, il semble exister une étroite corrélation entre le tabagisme et les problèmes de santé mentale. Le BIPEP estime que 70 à 80 % des patients des hôpitaux psychiatriques fument, par rapport à 22 % des adultes au Canada. La recherche médicale a révélé que les personnes ayant une maladie mentale ont environ deux fois plus de chances de fumer que les autres personnes[71]. De même, il peut arriver que des personnes ayant une déficience physique fument du tabac ordinaire ou de la marijuana pour soulager leurs symptômes.

La Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool de la Commission présente des exemples de cas où la dépendance à l’égard de l’alcool et d’autres drogues peut être reconnue comme une forme de handicap. En général, pour ce faire, il faut que l’abus d’alcool ou la toxicomanie soit important et qu’il débouche sur un comportement mésadapté ou une détresse grave[72]. Toutefois, on observe que les décisions sont contradictoires quant à savoir si le tabagisme peut être considéré comme un handicap et si le fait de laisser des gens fumer constitue une mesure d’adaptation appropriée[73].

La Commission a reçu plusieurs mémoires de locateurs et de fournisseurs de logements soutenant que la fumée est une importante source de tension lorsqu’on met dans la balance les droits de certains locataires et ceux des autres. Si l’on interdit unilatéralement l’usage du tabac dans les logements locatifs, les locateurs et les fournisseurs de logements risquent de priver par inadvertance des personnes protégées par le Code d’accéder à un logement abordable, ce qui aurait pour effet de réduire davantage le choix qui s’offre à des personnes déjà marginalisées. En même temps, si l’on permet l’usage du tabac, cela peut nuire à la santé d’autres locataires, dont des personnes handicapées. L’évaluation de tels risques pour la santé et la sécurité constituerait un élément essentiel d’une analyse d’un préjudice injustifié[74].

Expulsions et obligation d’adaptation

La relation entre les expulsions et les handicaps, y compris la maladie mentale, s’est révélée être un sujet majeur durant la consultation. Le risque d’expulsion est lié au paragraphe 64 (1) de la LLUH, qui autorise un locateur à donner un avis de résiliation de la location si le comportement du locataire, d’un autre occupant du logement locatif ou d’une personne à qui le locataire permet l’accès de l’ensemble d’habitation entrave de façon importante la jouissance raisonnable de l’ensemble d’habitation aux fins habituelles par le locateur ou un autre locataire. Le MAML a fait remarquer qu’au moment de l’étude d’une demande d’expulsion, la CLI doit tenir compte des circonstances dans lesquelles se trouve le locataire; par exemple, il se peut que celui ci soit hospitalisé et ne puisse payer le loyer. Pour leur part, des personnes consultées ont exprimé l’avis que lorsque le comportement du locataire peut être lié à des motifs prévus au Code, il peut y avoir obligation d’adaptation et aucun avis d’expulsion ne devrait être donné, à moins qu’on prouve qu’il y a préjudice injustifié en vertu du Code[75].

La Commission a été mise au fait de nombreuses situations où l’on projetait d’expulser des locataires au moins en partie à cause de leur handicap. Ainsi, dans un cas, un locataire qui produisait un fort martèlement lorsqu’il se déplaçait avec un cadre de marche a été menacé d’expulsion, et ce, même s’il n’y avait pas de tapis permettant d’atténuer le bruit entendu par les occupants du logement du dessous. On a également signalé à la Commission que des locateurs peuvent se baser sur des plaintes au sujet de cris, de jurons et d’autres bruits pour se débarrasser d’un locataire « difficile », même si ces bruits sont produits par un locataire ayant une maladie mentale. Dans certains cas, la décision du locateur d’entreprendre des démarches en vue d’une expulsion peut s’appuyer sur les points de vue discriminatoires d’autres locataires. Les menaces et les procédures d’expulsion peuvent causer un grand stress aux locataires visés, qui peuvent être des personnes ayant une maladie mentale.

Le stress a exacerbé le handicap de la cliente à tel point qu’elle a été hospitalisée pendant six semaines et qu’elle a quitté volontairement un logement qu’elle habitait depuis bon nombre d’années. Elle n’a pas pu résister à la tension causée par la démarche en vue de son expulsion entreprise par le locateur. (KCLC)

La Community Legal Clinic of York Region a fait observer qu’on pourrait prévenir une grande partie des « entraves importantes » (et éviter les mesures d’expulsion) si les locateurs agissaient de façon proactive en examinant les possibilités d’adaptation au handicap du locataire, par exemple en renforçant l’insonorisation des appartements. Toutefois, diverses organisations représentant les locataires ont indiqué que les locateurs préfèrent éliminer le « problème » en expulsant le locataire plutôt que d’essayer, avec lui et avec des organismes communautaires, de l’accommoder ou de résoudre les problèmes de comportement, s’il y en a.

Des locateurs et des fournisseurs de logement ont mentionné qu’ils se sentent obligés de considérer la question des droits humains dans la perspective de leurs activités d’affaires et des droits des autres locataires.

Des locateurs sentaient qu’ils n’avait pas le choix de poursuivre les démarches en vue d’expulser une personne qui prive une autre personne du droit à la jouissance raisonnable et sans entrave de son milieu de vie.

Les locateurs de l’Ontario sont tenus, en vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, de prendre des mesures pour que tous les locataires aient droit à la jouissance raisonnable de leur logement. S’il ne peut résoudre les problèmes, le locateur peut n’avoir d’autre choix que de demander la résiliation du contrat de location à la CLI, car les locataires qui sont privés du droit de jouissance raisonnable de leur logement disposent de différents moyens pour le faire respecter. (Landlord Self-Help Centre)

Même quand les fournisseurs de logements comprennent l’obligation d’adaptation, ils peuvent avoir du mal à se conformer au Code en raison d’autres intérêts, par exemple les points de vue d’autres locataires, qui peuvent ne pas représenter un préjudice injustifié. Les locateurs peuvent connaître l’article 10 de la LLUH, qui renvoie expressément au Code eu égard aux pratiques de sélection des locataires, mais il ne savent peut être pas que le Code s’applique également lorsqu’il s’agit de déterminer, au titre du paragraphe 64 (1) de la LLUH, si le comportement d’un locataire ayant une maladie mentale ou d’une famille avec plusieurs enfants entrave de façon importante la jouissance raisonnable de l’ensemble d’habitation.

Du point de vue du fournisseur de logements sociaux, l’adaptation à la situation des locataires ayant une maladie mentale pose un important défi, surtout lorsque c’est le cas de plusieurs des locataires d’un ensemble d’habitation et que le comportement de l’un d’eux porte atteinte aux droits d’autres locataires protégés par le Code. Selon le Service Manager Housing Network (SMHN), les locateurs subissent une pression favorisant le maintien en place du locataire problématique même s’il perturbe grandement l’existence des autres locataires. Une grande partie des fournisseurs de logements sociaux ont la perception qu’ils doivent respecter des exigences plus strictes que les autres dans de tels cas étant donné que leurs logements sont considérés comme des « derniers recours ».

Comme les locataires des logements sociaux ont moins de choix que les autres dans le marché locatif, la CLI, par exemple, s’attend à ce que les fournisseurs de ces logements fassent plus d’efforts que les autres pour s’adapter aux besoins de cette clientèle. Mais, faute de ressources adéquates, ces fournisseurs s’estiment, à juste titre, incapables de répondre aux besoins de certains locataires sans mettre de côté les besoins des autres. Les fournisseurs de logements sont souvent forcés de choisir entre les droits d’une personne et ceux de la communauté. Ironiquement, plus la composante juridique des problèmes est importante, plus la situation est difficile pour les responsables des ensembles d’habitation et plus il leur faut de ressources pour faire un bon travail. (Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario – OFCMHAP)

Des groupes de défense des droits des locataires ont exprimé des préoccupations au sujet des mesures d’adaptation et des critères et démarches d’expulsion au titre de la LLUH en ce qui a trait aux résidents des maisons de soins[76]. Le paragraphe 148 (1) de la LLUH stipule qu’un locateur peut demander par requête à la CLI de rendre une ordonnance de transfert d’un locataire hors d’une maison de soins et d’expulsion de celui ci si le locataire n’a plus besoin du niveau de soins que fournit le locateur ou si le locataire a besoin d’un niveau de soins que le locateur ne peut offrir. Et, aux termes du paragraphe 148 (2), une ordonnance d’expulsion ne peut être rendue que s’il existe un autre logement convenable pour le locataire et si le niveau de soins que le locateur peut fournir au locataire de la maison de soins, ajouté aux services communautaires qui lui sont fournis, ne peut combler ses besoins en matière de soins. ARCH : Disability Law Centre (ARCH) a souligné que l’« autre logement convenable » est souvent un établissement de soins de longue durée, ce qui ne favorise pas l’intégration et l’autonomie.

La Commission s’est fait dire par des personnes et des organisations consultées, dont l’Advocacy Centre for the Elderly, que l’article 148 de la LLUH a des répercussions négatives et disproportionnées sur les personnes ayant des maladies et des handicaps, de différentes façons.

  • Les critères d’expulsion font en sorte que les résidents des maisons de soins qui y sont hébergés à cause de leur grand âge ou d’un handicap sont traités différemment des autres résidents.
  • Les résidents ne doivent craindre de quitter la maison de soins que si leur état de santé se détériore, ce qui ne devrait pas être le cas.
  • Les dispositions de la LLUH relatives à l’expulsion de résidents de maisons de soins ne protègent pas suffisamment les personnes âgées handicapées, donc vulnérables, qui y vivent, alors que ce devrait être le contraire. Ainsi,
    • le seul moyen auquel peut recourir un résident d’une maison de soins pour contester un avis d’expulsion est la médiation obligatoire, qui peut se révéler désavantageuse pour celui-ci si l’on ne prend pas des mesures pour corriger les déséquilibres dans le rapport des forces;
    • beaucoup de résidents ont des problèmes de mobilité, des handicaps cognitifs et d’autres déficiences; or, ils ont moins de temps que les autres résidents pour obtenir des conseils et de l’aide juridique.
  • Il existe d’autres moyens que l’expulsion pour régler les situations où un résident a un comportement dérangeant ou une déficience cognitive qui font en sorte qu’il menace la sécurité des autres résidents. Par exemple, on peut s’appuyer sur d’autres dispositions de la LLUH pour expulser cette personne et sur les dispositions de la Loi sur la santé mentale dans les cas extrêmes où un résident développe une maladie mentale et présente un grave danger pour lui même ou les autres.
  • Des fournisseurs de logements pourraient menacer des locataires d’expulsion en vertu de cet article [article 148 de la LLUH] pour les faire « rentrer dans le rang » et les empêcher de formuler des plaintes légitimes.

L’article 83 de la LLUH accorde des pouvoirs discrétionnaires à la CLI eu égard aux requêtes demandant une ordonnance d’expulsion. Aux termes de l’alinéa 83 (1) a) de la LLUH, la CLI a le pouvoir de rejeter la requête, mais les mécanismes d’application d’un tel pouvoir discrétionnaire ne sont pas nécessairement clairs. Par exemple, on a fait observer à la Commission que, dans certains cas, lorsqu’un locataire ne se présente pas à une audience, la CLI demande au locateur s’il existe des circonstances, touchant le locataire, qui indiquent que la convention de location ne devrait pas être résiliée, même si c’est le locateur qui demande l’expulsion. Selon ce qu’on a soutenu devant la Commission, il se pourrait que la CLI n’applique pas toujours les principes du Code relatifs à l’obligation d’adaptation sans préjudice injustifié lorsqu’elle examine la requête d’un locateur visant l’expulsion d’un locataire pour des raisons liées à un motif prévu au Code.

Les locataires ayant une maladie mentale sont vulnérables à l’expulsion et à l’itinérance lorsqu’ils ne peuvent pas défendre efficacement leurs droits au titre de la LLUH devant la CLI. Des personnes consultées ont décrit les différents problèmes que peuvent éprouver les personnes ayant une maladie mentale par rapport à la CLI, problèmes qui peuvent leur nuire.

  • Il se peut que ces personnes ne comprennent pas les enjeux juridiques en présence au cours d’une audience tenue devant la CLI.
  • Il n’existe pas de disposition permettant de nommer un tuteur ou une tutrice à l’instance pour agir au nom d’un locataire mentalement inapte à remplir une demande et à exercer un recours auprès de la CLI. Cela prive les locataires ayant une maladie mentale de la possibilité de faire valoir leurs droits, y compris de se défendre face à une éventuelle expulsion.
  • Il se peut que ces personnes ne soient pas en mesure de se rappeler certains faits, de comprendre la procédure judiciaire, de se souvenir des dates des audiences ou de retenir les services d’un avocat jusqu’à ce que l’ordonnance d’expulsion ait été exécutée.

On a mentionné au cours de la consultation que la CLI diffuse des fiches d’information sur la LLUH dans plusieurs langues à son site Web, mais qu’elle a comme politique de ne pas fournir de service d’interprétation aux parties plaidantes qui n’emploient ni le français ni l’anglais. La CLI permet à celles ci d’avoir leurs propres interprètes, mais ne paie pas les frais d’interprétation. La Commission s’est fait dire que cela entrave l’accès à la justice pour les locataires à faible revenu, comme les nouveaux arrivants, qui ont besoin de se faire assister dans une langue autre que les langues officielles. Cela n’a pas été soulevé durant la consultation, mais des problèmes d’accessibilité du même genre pourraient survenir dans le contexte des politiques et des procédures d’autres organismes juridictionnels. Il a été dit à la Commission que la barrière des langues existant à la CLI, combinée à un biais en faveur du locateur, peut faire en sorte que certains locataires ne soient pas traités de façon équitable et entraîner d’autres conséquences graves. Voici ce qu’une clinique d’aide juridique a déclaré :

Il est très peu probable qu’un locataire sans avocat ni interprète, puisse présenter sa plaidoirie efficacement. Et les conséquences peuvent être très graves : la perte de son chez-soi. Or, la CLI s’entête à mener ses audiences de la façon la plus expéditive possible. Autrement dit, le membre [de la CLI] chargé d’entendre la cause peut bien instruire l’affaire si le locataire parle peu le français ou l’anglais et, partant, ne peut pas comprendre parfaitement ce qui se passe ni participer efficacement à l’audience.

Des organisations comme la Société canadienne de l’ouïe (SCO) et ARCH ont donné des exemples des difficultés que comporte l’accommodement des personnes handicapées à la CLI :

  • rejet de la demande d’une personne ayant une déficience visuelle pour avoir des documents dans un format adapté;
  • rejet d’une demande d’ajournement de la part d’une personne handicapée;
  • refus de tenir une audience par vidéoconférence ou par téléphone pour tenir compte des contraintes d’une partie plaidante handicapée;
  • omission de veiller à ce qu’on tienne compte des besoins en matière d’adaptation d’un locataire pendant une audience;
  • impossibilité pour les locataires ayant une perte auditive d’obtenir des services d’interprétation gestuelle et d’autres services, comme le sous titrage en temps réel, la prise de notes informatisée et l’utilisation d’aides de suppléance à l’audition.

Qui plus est, la CLI a haussé les droits de dépôt des requêtes, au détriment des locataires à faible revenu, spécialement ceux qui bénéficient de l’aide sociale. Ainsi, les locataires qui ont payé en trop des impôts prélevés par les locateurs ou qui veulent obtenir une réduction du loyer en raison du mauvais état de leur logement doivent payer un droit de 45 $. Les Parkdale Community Legal Services ont soutenu que cela dissuade certains locataires de présenter une requête, de telle sorte que ceux-ci n’ont pas accès aux recours auxquels ils ont droit et que les agissements des locateurs ne sont pas contestés devant la CLI.

Les mesures d’adaptation et la Loi de 2000 sur la réforme du logement social

La Loi de 2000 sur la réforme du logement social (LRLS) a été modifiée en juillet 2007. Le MAML a indiqué que les modifications, dont les suivantes, avaient pour but de favoriser un traitement plus équitable et transparent des locataires :

  • exemption, eu égard à l’admissibilité financière, de certains éléments d’actif détenus en fiducie pour un membre handicapé d’un ménage;
  • accroissement de l’uniformisation dans le traitement du revenu aux fins du calcul des suppléments au loyer indexé sur le revenu;
  • modification des règles d’admissibilité de manière que les ménages qui ont fait des efforts raisonnables pour conclure des ententes de remboursement de loyers impayés au titre d’un logement social soient admissibles à de l’aide;
  • modification du processus de révision interne afin de permettre la divulgation aux ménages des renseignements sur lesquels reposent la révision des décisions;
  • renforcement de la Politique relative aux ménages prioritaires, qui assure l’accès aux logements sociaux en priorité aux victimes de violence.

On a souligné le manque de mesures d’adaptation personnalisées dans le processus de demande de logements avec services de soutien et son effet négatif sur les personnes handicapées qui ont du mal à respecter les rendez vous, à remplir des formulaires et à passer des entrevues (ARCH). En outre, la Commission a été informée que des fournisseurs de logements sociaux donnent à des locataires éventuels des formulaires de demande qui ne sont pas dans leur langue maternelle ou, dans le cas de personnes handicapées, dans un format inutilisable. Enfin, on a signalé qu’on ne tient pas nécessairement compte des familles élargies et des réseaux de parenté pour déterminer l’admissibilité des Autochtones au logement.

Les fournisseurs de logements sociaux, pour leur part, ont fait valoir qu’ils sont soumis à des dispositions relatives au financement, à des législations et à des exigences administratives fédérales, provinciales et municipales qui peuvent restreindre leur capacité de respecter leur obligation légale de prendre des mesures d’adaptation. Ainsi, certains ont indiqué que la LRLS est trop normative en ce qu’elle comporte de nombreuses prescriptions relatives au financement, à la gestion des listes d’attente et à l’accès au logement, y compris le choix des ménages, les programmes de priorité relative aux ménages prioritaires, les normes d’occupation et les limites de revenu des ménages. Le SMHN a mentionné que la LRLS ne procure pas aux fournisseurs de logements sociaux la souplesse nécessaire pour modifier leurs façons de faire ou hausser la limite du revenu nécessaire pour répondre aux besoins des locataires.

Dans ce contexte, selon ce que des groupes de défense des droits des locataires ont indiqué à la Commission, il arrive souvent qu’on passe au peigne fin la vie des locataires pour contrôler leur conformité aux politiques administratives, dont celles qui se rapportent à l’hébergement d’invités ou à la déclaration du revenu, de sorte que ceux-ci pourraient très bien perdre leur logement sur la base d’infractions plutôt mineures aux règles. Une « culture du mépris » sous tendrait ces pratiques, les locataires de logements subventionnés étant considérés comme moins honorables, moins importants, moins responsables et moins honnêtes que les autres citoyens simplement parce qu’ils sont pauvres et qu’ils ont besoin d’une subvention au logement (Centre ontarien de défense des droits des locataires – CODDL).

La capacité de vivre de façon autonome avec ou sans services de soutien est une condition d’admissibilité à l’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu en vertu de la LRLS (MAML). Une personne est considérée comme autonome si elle peut remplir les tâches normales de la vie quotidienne avec ou sans services de soutien. Toutefois, bon nombre de mémoires ont signalé que la LRLS ne précise pas comment cela doit être déterminé ou quels facteurs doivent être pris en compte. La personne en cause doit démontrer que ces services de soutien lui seront fournis au besoin[77]. Diverses personnes et organisations consultées, dont le SMHN, ont indiqué qu’un financement adéquat doit être assuré pour la prestation de ces services, lorsque nécessaire, si l’on veut que le logement social soit une option viable pour les gens qui ont besoin de soutien pour obtenir et conserver un logement de ce type. Selon certains mémoires, cette exigence, combinée à la perte de soins à domicile, peut entraîner la perte du logement ou de l’admissibilité au logement en vertu de la LRLS. Cette préoccupation vaut également pour les coopératives réglementées en application de la LRLS[78].

Avant d’être modifiée, la LRLS stipulait que les locataires de logements sociaux devaient signaler les changements dans leur revenu dans les dix jours. Le SMHN a indiqué que, depuis la modification de cette loi en 2007, les ménages sont tenus de déclarer les changements dans leur revenu ou dans la taille du ménage si ceux ci entraînent une hausse du loyer indexé sur le revenu qu’ils doivent payer ou leur non admissibilité au logement qu’ils occupent. Les modifications apportées à la loi permettent aux gestionnaires de services, qui prennent des décisions sur l’admissibilité au logement, de prolonger le délai de dix jours à leur discrétion. Ces derniers ont également la latitude nécessaire pour maintenir l’admissibilité d’un ménage qui omet de déclarer certains changements (MAML). Toutefois, des personnes consultées ont signalé le manque d’orientation sur la question de savoir quand et de quelle façon les gestionnaires de services peuvent exercer leur discrétion. La Commission a reçu beaucoup de mémoires indiquant que le délai de dix jours susmentionné peut être extrêmement difficile à respecter pour des membres de groupes marginalisés et que l’application stricte des directives et l’absence d’adaptation aux besoins visés par le Code peuvent faire en sorte que des locataires perdent leur supplément au loyer.

La Commission a été informée que des personnes handicapées, des parents qui sont seul soutien de famille et des personnes dont l’anglais est la langue seconde éprouvent des difficultés à respecter les délais et qu’il peut arriver que des fournisseurs de logements ne tiennent pas compte de ces facteurs (Community Legal Clinic of York Region). L’égalité d’accès pour l’ensemble de ces personnes risque de diminuer si les fournisseurs de logements omettent d’exercer leur discrétion (Housing Help Centre). Malgré cela, il manque de services pour aider les locataires à comprendre les demandes de documentation et à fournir celle-ci dans les délais prescrits (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

Selon ce qu’a appris la Commission, les fournisseurs de logements n’appliquent pas nécessairement l’obligation d’adaptation aux exigences en matière d’information à fournir et la possibilité d’exercer leur discrétion. Par exemple, il est possible de prolonger une fois le délai imposé à un locataire ayant un handicap mental, mais en lui donnant un avertissement strict de respecter ce délai la prochaine fois. On a mentionné à la Commission que, dans d’autres cas, des locataires peuvent être pénalisés s’ils cherchent à faire prolonger des délais fixés pour la fourniture d’information. Ainsi, une personne demandant un tel accommodement peut être considérée par un fournisseur de logements comme incapable de vivre de façon autonome comme l’exige la LRLS (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

D’après ce qu’on a souligné à la Commission, l’incapacité de respecter les délais imposés pour la fourniture d’information, même lorsque le problème est lié à l’adaptation à un besoin visé par le Code, peut avoir des conséquences désastreuses pour le locataire. Au lieu d’accepter d’exercer sa discrétion et de prolonger les délais fixés, le fournisseur de logements peut donner un avis d’annulation de l’aide, ce qui oblige le locataire à demander une révision de la décision auprès du gestionnaire de services. De nombreux groupes de défense des droits des locataires ont indiqué à la Commission que le traitement de la demande de révision consiste en un examen superficiel des documents, y compris les communications écrites. Le fait de demander des communications écrites désavantage les locataires pour lesquels l’anglais n’est pas la langue maternelle et ceux qui ont un handicap, surtout que les constatations relatives à la crédibilité peuvent être fondées seulement sur ces communications (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

D’après le SMHN, il existe des variations dans l’exécution des révisions internes, mais en vertu de la LRLS, quiconque a participé à la prise de la décision initiale ne peut pas participer à la révision interne de cette décision. Des représentants de locataires ont fait valoir que la révision n’est pas un examen indépendant qui vise à déterminer si la décision d’annuler l’aide était fondée et que, souvent, la décision initiale est maintenue. Une personne représentant une clinique d’aide juridique a donné l’exemple suivant :

Mes clients, qui ont un retard de développement, sont mariés et ont deux enfants. Ils avaient tous les deux un emploi à temps partiel en plus de toucher des prestations dans le cadre du programme Ontario au travail. Une intervenante auprès des enfants et des familles leur fournit de l’aide pour la correspondance et la gestion des documents écrits. Elle leur a demandé d’informer les responsables d’Ontario au travail de leur revenu et a supposé que l’information serait communiquée au fournisseur municipal de logements, qui se trouve dans les mêmes bureaux. L’information a effectivement été transmise, mais les locataires ont perdu l’aide dont ils bénéficiaient parce que cette information n’a pas été communiquée directement au fournisseur de logements. Lorsque l’intervenante a expliqué la situation au moment de la « révision interne », la décision initiale est restée inchangée et l’annulation de l’aide a été maintenue.

Comme l’ont affirmé nombre d’intervenants devant la Commission, entre autres la Community Legal Clinic of York Region, la perte de l’aide financière au logement donne habituellement lieu à l’expulsion du locataire pour non-paiement du loyer, car il n’a pas les moyens de payer le taux du marché. Des personnes consultées ont expliqué qu’en vertu de la LLUH, une requête relative au loyer échu doit être présentée à la CLI avant que celle-ci puisse rendre une ordonnance de résiliation de la location (alinéa 74 (3) a)). Toutefois, une disposition de la LLUH (article 203) empêche la CLI de rendre ou de réviser une décision au sujet de l’admissibilité à une aide sous forme de loyer indexé sur le revenu ou à une forme prescrite d’aide au logement. Malgré les conséquences graves de la perte de l’aide et du lien avec les démarches d’expulsion entreprises auprès de la CLI, la seule façon d’obtenir un examen indépendant de la décision relative à l’aide consiste à présenter une requête en révision judiciaire devant le tribunal, option qui est hors de portée de la plupart des locataires à faible revenu (Hamilton Mountain Community and Legal Services).

Souvent, quand ils sont expulsés, les gens résident dans un refuge pour sans abri en attendant de se trouver un nouveau logement. Pour les personnes rendues vulnérables à cause d’un handicap ou de la barrière de la langue ou pour les parents qui sont seul soutien de famille, la perte d’un logement abordable est désastreuse, car ils éprouvent déjà de graves problèmes à trouver un logement locatif privé et le temps d’attente pour les logements subventionnés est très long (North Peel & Dufferin Community Legal Services).

Le MAML a mentionné que les dispositions relatives à la révision interne ont été améliorées à la faveur de modifications apportées récemment : il faut désormais divulguer au ménage touché l’information sur laquelle repose la décision faisant l’objet de la révision. Il a ajouté que cette question était un important sujet de préoccupation pour les groupes de défense des droits des locataires et qu’il continue de s’en occuper de concert avec ses partenaires et les intervenants.

Mémoires relatifs à la norme de préjudice injustifié

Les organismes de défense des droits des locataires étaient d’avis que l’équilibre réalisé dans le Code lui-même répond de façon raisonnable aux besoins du locateur et du locataire dans les cas où des mesures d’adaptation doivent être prises. Or, un locataire protégé par le Code risque encore l’expulsion si le locateur peut prouver qu’il y aurait préjudice injustifié sur la base des coûts inhérents aux risques pour la santé et la sécurité pour lui même ou pour les autres locataires de l’ensemble d’habitation.

Nombre de locateurs et de fournisseurs de logements ont affirmé que la norme de préjudice injustifié est trop élevée et qu’il en coûte trop cher pour l’appliquer, surtout lorsqu’il faut modifier des bâtiments pour répondre aux besoins des occupants. Des fournisseurs de logements, dont la Toronto Community Housing Corporation, ont attiré l’attention de la Commission sur des cas où l’effet de plusieurs demandes d’adaptation formulées par divers locataires pourrait entraîner un préjudice injustifié. À titre d’exemple, les cas où une grande partie des locataires d’un ensemble d’habitation demandent en même temps des modifications leur permettant de demeurer dans leurs logements sociaux.

Dans la plupart des cas, les mémoires et les échanges aux tables rondes des fournisseurs de logements étaient centrés sur les coûts et le financement. Les fournisseurs de logements sociaux ont précisé qu’il n’est pas possible de prendre des mesures pour répondre aux demandes d’accommodement sans gruger dans les ressources prévues pour répondre à d’autres besoins, comme la réparation et l’entretien des bâtiments (SMHN), et qu’en général, les administrations publiques ne leur fournissent pas les ressources nécessaires pour satisfaire les importants besoins d’accommodement (ONPHA). De nombreuses personnes consultées estiment que ces administrations et les bailleurs de fonds ont également un rôle à jouer dans le respect de l’obligation d’adaptation.

La législation et les règles des programmes relatives au logement social limitent les fonds dont disposent les fournisseurs de logements pour payer les frais exceptionnels. L’obligation d’adaptation s’applique aussi aux responsables de l’élaboration des politiques et des procédures. Les bailleurs de fonds devraient – et le font régulièrement – assurer un financement supplémentaire pour le paiement des frais d’adaptation aux besoins particuliers des personnes éprouvant des problèmes de toxicomanie et de santé mentale. (OFCMHAP)

De façon plus générale, les fournisseurs de logements locatifs privés étaient d’avis que l’accommodement est une responsabilité sociale et que les coûts ne devraient pas être assumés par les locateurs ni par les locataires, mais bien par les pouvoirs publics. Autrement, les frais élevés d’adaptation pourraient se répercuter sur les loyers de l’ensemble des locataires, le fardeau reposant en particulier sur les épaules des personnes à faible revenu (Eastern Ontario Landlord Organization – EOLO). Le Landlord’s Self Help Centre a indiqué que pour sa clientèle, soit les petits locateurs dans le marché locatif secondaire[79], les coûts de rénovation, les frais d’avocat et les pertes de loyer, ajoutés au fait que le stock de logements est déjà instable, pourraient rendre moins attrayante l’exploitation d’une entreprise de location résidentielle.

Même les défenseurs des droits des locataires ont fait preuve de pragmatisme concernant les difficultés que posent les besoins d’adaptation aux fournisseurs de logements, dont ils appuient les demandes d’aide aux pouvoirs publics en vue de remplir leurs obligations d’adaptation :

Les fournisseurs subissent un fardeau financier lorsqu’ils doivent acheter des dispositifs ou effectuer des rénovations pour assurer l’intégration de notre groupe cible (c.à d. les personnes handicapées, dont les personnes sourdes et celles ayant une déficience auditive). L’administration provinciale doit reconnaître la nécessité de tels travaux et de tels frais, parfois élevés, et créer un organisme de financement auquel on pourrait demander assistance pour payer ces frais. (SCO)

4.4 Sensibilisation

Confusion quant au Code et aux exigences de la LLUH

La Commission a appris que, si certaines dispositions de la LLUH chevauchent celles qui sont prévues au Code, il existe plusieurs points de cette loi qui peuvent signifier le contraire de ce que préconise le Code. Par exemple, des personnes consultées ont indiqué que les fournisseurs de logements considéraient parfois que la LLUH leur permettait d’indiquer « animaux de compagnie interdits » sur les baux ou de réserver des édifices « aux adultes seulement », tandis que des restrictions de cette nature sont exclues en vertu du Code.

Les locateurs et les fournisseurs de logements ignorent peut-être que le Code prime sur la LLUH, mais cela n’excuse pas le fait qu’ils respectent uniquement les exigences énoncées dans la LLUH. Cela vaut même si la LLUH tient compte de la primauté du Code au par. 3 (4) : « Les dispositions de la présente loi l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi, à l’exception du Code des droits de la personne. 2006, chap. 17, par. 3 (4) ».

Éducation et sensibilisation du public

La nécessité de mieux éduquer la population de la province sur les droits de la personne en matière de logements locatifs et les obligations qui s’y rattachent a constitué un thème majeur durant tout le processus de consultation. Il est évident qu’il existe un grand besoin en matière d’éducation sur les droits de la personne, c’est-à-dire qu’il reste beaucoup de travail à accomplir dans la province pour créer une culture des droits de la personne et acquérir une connaissance pratique de ces droits.

Étant donné la faible proportion de plaintes liées aux droits de la personne dans le secteur du logement, les groupes de défense des droits des locataires ont demandé à la Commission d’établir des mesures visant à sensibiliser davantage les locataires à leurs droits et aux mécanismes d’exécution. Bon nombre de mémoires avaient également trait à la nécessité de former des arbitres, des décideurs et des organismes gouvernementaux sur les obligations internationales et l’application potentielle du Code en ce qui a trait aux décisions prises en vertu d’autres lois, politiques et pratiques qui peuvent être élaborées. D’autres mémoires mentionnaient la nécessité de sensibiliser les décideurs municipaux, les propriétaires locaux, les associations de gens d’affaires et les particuliers aux préceptes du Code et aux conséquences discriminatoires du syndrome « pas dans ma cour ».

Les personnes consultées ont reconnu que la Commission ne pouvait pas se charger seule de la tâche immense d’éduquer le public. La plupart de ces personnes voyaient qu’il y avait moyen d’établir des partenariats entre la Commission et les organisations communautaires locales, y compris les associations de fournisseurs de logements, les associations de locataires et les ministères. Elles ont également suggéré que la Commission fournisse des ressources supplémentaires, comme du matériel de formation ou des guides de ressources, afin d’appuyer les organismes communautaires dans leur travail d’éducation du public.

Un certain nombre de personnes consultées a indiqué que la Commission devrait être davantage présente dans la collectivité. On lui a notamment suggéré d’appliquer les règlements de façon plus proactive, de veiller à l’éducation du public, à la résolution de problèmes et au règlement des différends, de travailler en collaboration avec les organismes communautaires, notamment des cliniques d’aide juridique spécialisées, des tribunaux de la santé mentale et des réseaux locaux d’intégration des services de santé, et d’établir une présence locale et un dialogue efficace avec les collectivités de l’Ontario.

Les groupes de défense des droits des locataires et les fournisseurs de logements ont eux-mêmes mentionné à plusieurs reprises la nécessité de clarifier la communication avec les fournisseurs de logements pour les aider à se conformer de façon proactive au Code. Le Landlords’ Self Help Centre a indiqué que bon nombre de ses clients ne connaissent pas nécessairement bien leurs obligations juridiques ni le cadre de réglementation applicable, dont le Code ne constitue qu’une partie. La FRPO a indiqué qu’il était souhaitable que les efforts d’éducation visent principalement à offrir de l’information à jour aux locateurs et aux gestionnaires afin de prévenir les infractions. La clinique juridique Kensington-Bellwoods Community Legal Services a préconisé des mesures informant les locateurs et les gérants d’immeuble que les droits de la personne en matière de logement seront appliqués rigoureusement, y compris l’envoi de communiqués concernant les décisions des tribunaux.

La consultation a généralement permis de déterminer les sujets de fond suivants relativement à l’éducation des fournisseurs de logements :

  • la primauté du Code sur la LLUH;
  • les annonces pouvant être considérées comme discriminatoires;
  • les limites quant à la capacité des fournisseurs de logements à trier les locataires « indésirables »;
  • l’obligation d’accommodement et la norme de préjudice injustifié;
  • les politiques et les procédures visant à traiter des préoccupations concernant les droits de la personne, y compris les problèmes de harcèlement entre les locataires.

Bien que certaines personnes aient suggéré que ces formes d’éducation s’adressent davantage aux petits locateurs qui ne font pas partie d’une association de fournisseurs de logements, la consultation a révélé que le besoin était plus généralisé. Par exemple, il semble qu’un important pourcentage de fournisseurs de logements considère les droits des locateurs et des autres locataires comme équivalents à ceux des locataires protégés par le Code, sans égard à la primauté du Code.

Dans l’ensemble, les locateurs ont indiqué qu’ils accueillaient avec plaisir l’information sur les droits de la personne comme un outil les aidant à se conformer aux lois applicables. La Commission a appris que les fournisseurs de logements avaient parfois de la difficulté à mettre en œuvre les politiques sur les droits de la personne, car ils ne les comprenaient pas et ils avaient l’impression qu’elles favorisaient plutôt les locataires. Ils ont tendance à prendre ces politiques en aversion et à en faire fi plutôt qu’à essayer de s’y conformer. Une personne consultée a signalé que le défi consistait à aider les locateurs à comprendre l’importance de mettre le Code en application, bien qu’il soit considéré comme ayant des « ramifications pratiques qui ont des conséquences économiques désastreuses pour eux ».

Certaines personnes consultées ont suggéré d’octroyer des permis pour s’assurer que les locateurs reçoivent une formation visant à les sensibiliser aux lois de base concernant le logement, ainsi qu’aux lois sur les droits de la personne. Cette question a fait l’objet d’une longue discussion parmi les fournisseurs de logements et les groupes de défense des droits des locataires. Les opposants à l’octroi d’un permis ont indiqué que cette mesure découragerait les éventuels locateurs et réduirait les occasions de créer du logement plus abordable. Certaines organisations de fournisseurs de logements ont indiqué qu’il serait possible d’atteindre des objectifs semblables, mais par d’autres moyens, notamment en offrant une formation sur les droits de la personne aux membres comme condition d’enregistrement à des programmes de certification volontaire.

Bon nombre des personnes consultées ont indiqué que le système de prise de décision démocratique et l’absence de la notion de coopérative dans le Code sont des facteurs qui conduisent à des violations du Code et amènent des difficultés à résoudre les problèmes liés aux droits de la personne. Par exemple, la Commission a appris que les règlements approuvés par les membres d’une coopérative, y compris ceux qui ont trait aux expulsions, peuvent être appliqués même s’ils entrent en conflit avec l’obligation de fournir une adaptation en vertu du Code. Dans d’autres cas, on a indiqué à la Commission que les conseils de certaines coopératives croient qu’ils peuvent établir leurs propres règles sans tenir compte du Code ou qu’ils ne peuvent modifier les règles existantes pour résoudre des problèmes liés aux droits de la personne sans l’approbation d’une majorité de membres. Ces types d’intervention révèlent qu’il est nécessaire de mettre en œuvre des mesures supplémentaires pour sensibiliser davantage la population aux droits humains dans ce secteur.

4.5. Application des droits relatifs au logement

Des personnes consultées ont décrit leurs préoccupations concernant l’application des principes des droits de la personne dans le contexte des décisions prises en vertu de la LLUH ou de la LRLS. Les cours et les tribunaux doivent interpréter et appliquer le droit interne conformément avec les obligations internationales de l’État en matière de droits de la personne[80]. La récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Tranchemontagne[81] illustre clairement le fait que les décideurs administratifs, comme la CLI ou les gestionnaires de services au sens de la LRLS, ont l’obligation de tenir compte du Code et de le mettre en application. Toutefois, on a exprimé des inquiétudes sur le fait que les décideurs qui appliquent la LRLS et la LLUH en Ontario n’exécutent pas le Code et les pactes internationaux de façon appropriée.

Stratégie proactive de traitement des droits de la personne

Les fournisseurs de logements, les locataires et la société en général ont avantage à ce que les fournisseurs de logements créent et maintiennent des environnements qui sont inclusifs, diversifiés et exempts de discrimination. Pourtant, la Commission a appris que certains fournisseurs de logements peuvent ne pas bien comprendre quels types de politiques et de procédures sont nécessaires pour prévenir et éliminer les situations de discrimination. Nombre de locateurs ont indiqué ne pas se sentir en possession des outils pour aborder adéquatement les questions relatives aux droits humains, comme les demandes d’adaptation ou les allégations de harcèlement, pour empêcher que ces problèmes se transforment en plaintes liées aux droits de la personne. Par exemple, dans les tables rondes et durant le processus de consultation, des fournisseurs de logements ont exprimé la crainte de ne pas savoir comment réagir dans une situation de harcèlement entre locataires.

Dans certains cas, les locateurs eux mêmes peuvent se sentir désemparés lorsqu’ils sont confrontés à du racisme, du harcèlement ou d’autres formes de discrimination en raison de leur appartenance à un groupe protégé par le Code. Ce sentiment d’impuissance, ajouté à l’ignorance des moyens de prévenir et d’éliminer la discrimination, peuvent empêcher un fournisseur de logements de réagir efficacement à des situations de discrimination.

Lors de cette consultation, la Commission a également appris que bon nombre de locataires ne connaissent pas leurs droits et craignent de perdre le logement qu’ils occupent s’ils soulèvent des problèmes au plan des droits de la personne. Par exemple, des membres d’une coopérative d’habitation ont indiqué à la Commission qu’ils avaient de la difficulté à soulever des problèmes liés aux droits de la personne en raison de l’importance accordée à la prise de décision démocratique.

La Commission a récemment publié une politique, Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne, qui indique comment les organismes, y compris les fournisseurs de logements, peuvent prévenir et éliminer les problèmes touchant les droits de la personne. Cette politique indique qu’une stratégie complète en matière des droits de la personne pourrait comprendre un plan d’analyse, de prévention et d’élimination des obstacles, une politique sur le harcèlement et la discrimination, un mécanisme de traitement des plaintes, une politique et un mécanisme d’adaptation, et un programme d’éducation et de formation[82].

Plaintes liées aux droits de la personne formulées en vertu du Code

Le nombre de cas traités par la Commission ne reflète pas véritablement la prévalence de la discrimination en matière de logement puisque seulement 4 % de toutes les plaintes sont reliées à la discrimination en matière de logement[83]. Selon le CERA, même si les plaintes relatives à l’emploi sont 20 fois plus nombreuses que les plaintes liées au logement, la discrimination en matière de logement touche les groupes de personnes les plus défavorisées au moins autant que la discrimination en matière d’emploi. Par exemple, les demandeurs de statut de réfugié, les personnes bénéficiant de l’aide sociale et celles qui ont un handicap et qui ne peuvent pas travailler sont plus susceptibles de subir de la discrimination dans le secteur du logement que de l’emploi. En outre, puisque près des deux tiers des locataires à faible revenu déménagent chaque année, ils sont davantage exposés aux pratiques de sélection discriminatoires[84].

Les groupes de défense des droits des locataires indiquent que la faible proportion des plaintes liées au logement, de même que la difficulté de faire accepter les demandes relatives aux droits de la personne et les recours nominaux, remet en question l’efficacité de l’application du droit à l’égalité en Ontario. Comme l’a indiqué le Housing Help Centre, le nombre peu élevé de plaintes porte à croire que la discrimination dans le secteur du logement n’est pas un problème répandu. D’autres groupes de défense des droits des locataires ont indiqué que, puisque les cas de discrimination dans le secteur du logement et les recours en cas de violation au Code sont si rares, il se peut que les fournisseurs de logements soient moins enclins à se conformer au Code.

Des personnes consultées ont fourni quelques raisons qui expliqueraient le faible nombre de plaintes liées aux droits de la personne dans le secteur de l’habitation :

  • Le manque de sensibilisation aux protections du Code, la difficulté de reconnaître les violations lorsqu’elles se produisent et la peur de représailles si l’on fait valoir ses droits en matière de logement;
  • Les caractéristiques et les circonstances où les gens subissent de la discrimination relative au logement. Par exemple, les personnes ayant une maladie mentale ou dont la langue maternelle n’est pas le français ni l’anglais peuvent ne pas être en mesure de composer avec les complexités du système. D’autres personnes n’ont pas d’adresse postale permanente ou de numéro de téléphone.
  • Des obstacles à l’accessibilité dans les processus de droits de la personne, notamment la fiabilité des bureaux centralisés, les numéros 1 800 et l’accès Internet plutôt que la prestation de services à l’échelle régionale, des fonds insuffisants pour obtenir les services d’un groupe de défense des droits des locataires et des processus bureaucratiques complexes.

Une recommandation de l’OFIFC demande que des efforts soient déployés pour promouvoir un meilleur accès à la résolution de problèmes liés aux droits de la personne en matière de logement pour les Autochtones par la tenue d’importantes activités de sensibilisation, la distribution de matériel adapté à la culture, un engagement direct auprès des communautés et des organisations autochtones, ainsi que l’établissement de mesures visant à simplifier le processus de traitement des plaintes et à le rendre plus accessible. Il est évident que ces mesures sont justifiées en raison de l’histoire de colonisation qui est la leur et des expériences constantes de discrimination d’ordre systémique et du désavantage historique vécus par les peuples autochtones au Canada[85].

Les fournisseurs de logements ont exprimé beaucoup de frustration concernant les plaintes liées aux droits de la personne et faites en vertu du Code. Par exemple, la FHCC a indiqué que les plaintes relatives aux droits de la personne sont considérées comme un moyen de donner lieu à un appel. Elles sont différentes des processus internes de la coopérative visant à résoudre les problèmes ou des processus prescrits en vertu de la loi provinciale. Bon nombre de locateurs ont eu l’impression qu’ils étaient « coupables jusqu’à preuve du contraire ». Un locateur privé a indiqué que, s’il devait se défendre contre de fausses accusations, il craignait que ça lui coûte « une beurrée ».

Dans plusieurs mémoires, on a mentionné que la Commission devait assurer une application efficace des mesures de protection des droits humains dans la province. Le CERA et le SRAC ont demandé avec insistance à la Commission de réagir rapidement aux cas de violation répertoriés du droit à un logement convenable pour les groupes protégés par le Code, et d’utiliser tous ses pouvoirs pour obtenir des réparations à ces violations. On a également fait valoir le rôle de la Commission qui, à titre d’institution des droits de la personne, favorise et assure l’harmonisation des lois et des pratiques en vigueur au pays avec les instruments internationaux liés aux droits humains et leur application efficace[86]. Enfin, on a demandé à la Commission d’appuyer, devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, les importantes plaintes de fond relatives à l’égalité et de s’occuper des groupes les plus défavorisés en matière de logement dans le nouveau système d’accès direct.

Amélioration des protections du Code par l’ajout de modifications

De nombreuses personnes consultées ont demandé que des modifications soient apportées au Code de façon à inclure la condition sociale dans la liste des motifs de discrimination, conformément aux recommandations du CESCR dans lesquelles « le Comité enjoint les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d’étendre la protection prévue dans les obligations de l’État partie en vertu du Pacte, et de protéger les personnes défavorisées dans tous les secteurs de compétence contre la discrimination fondée sur le statut social ou économique. »[87]

Comme l’a fait remarquer la HomeComing Community Coalition, « certains occupants de logements abordables sont protégés par le Code selon d’autres motifs, comme un handicap ou à titre de bénéficiaire de l’aide sociale, tandis d’autres ne le sont pas. La reconnaissance d’une "condition sociale" comme motif de distinction illicite serait une protection tout indiquée pour les personnes sans abri ou à faible revenu qui attendent actuellement d’avoir accès à un logement à prix abordable. » Même si elles appuyaient la demande de modifications pour inclure la condition sociale comme motif de distinction illicite, d’autres personnes consultées ont indiqué que cette mesure ne constituait pas une condition préalable pour appliquer efficacement les droits à un logement en vertu du Code.

Bien que le Code ne soit pas modifié de façon à inclure la condition sociale, on a insisté dans certains mémoires sur le fait que les politiques ou les pratiques qui encouragent la discrimination à l’égard des personnes défavorisées ou qui contribuent à leur refuser l’accès à un logement peuvent être considérées comme des violations du Code en raison du lien étroit entre pauvreté et membres des groupes protégés par le Code[88].

La FRPO a indiqué que le fait d’ajouter le motif de condition sociale rendrait encore plus difficile, voire impossible, pour les fournisseurs de logements d’aborder les problèmes de discrimination. On a exprimé des inquiétudes d’ordre pratique au sujet de la portée de ce motif et sur la façon dont il serait appliqué, en indiquant que les plaintes fondées sur ce motif seraient plus ambiguës que celles qui concernent les autres motifs.

La Commission a apporté une attention particulière à l’exclusion du « casier judiciaire » comme motif de distinction illicite en vertu de l’article 2 du Code, et la définition étroite de « casier judiciaire » indiquée dans le Code. En vertu du par. 10(1) du Code, « casier judiciaire » signifie une condamnation pour a) une infraction qui a fait l’objet d’un pardon en vertu de la Loi sur le casier judiciaire (Canada) et qui n’a pas été révoqué, ou b) une infraction à une loi provinciale.

Comme la Société John Howard de Toronto l’a précisé, bien que bon nombre de personnes ayant un casier judiciaire soient admissibles à un pardon, le processus d’obtention du pardon est très exigeant, long et dispendieux[89]. On a donc fait valoir que le Code devrait être modifié de façon à protéger les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation mais qui n’ont pas obtenu leur pardon, ainsi que celles dont le casier judiciaire peut révéler l’existence d’accusations au niveau fédéral, et non pas uniquement au niveau provincial.

Un certain nombre de personnes consultées ont précisé que « l’orientation sexuelle » n’apparaît pas dans la liste des motifs pour lesquels le harcèlement est interdit en vertu du paragraphe 2 (2) du Code, et elles ont indiqué que le Code devrait être modifié de façon à inclure cet élément. Dans l’intervalle, la Commission est d’avis que le harcèlement est également une forme de discrimination, et il est interdit en vertu du paragraphe 2 (1) du Code[90].

Dans les mémoires, on a également mentionné que « l’identité sexuelle » n’apparaissait pas dans la liste des motifs de distinction illicites au paragraphe 2 (1), ni au paragraphe 2 (2) comme motif de harcèlement illicite. Dans quelques mémoires, on a demandé que des modifications soient apportées pour clairement protéger les personnes victimes de discrimination ou de harcèlement fondé sur l’identité sexuelle. Bien que la Commission appuie ce changement, d’ici à ce que le Code soit modifié, la Commission est d’avis que l’identité sexuelle est protégée par la loi en vertu du motif du « sexe ».

Au paragraphe 21 (1) du Code, on présente une exemption de l’application du Code lorsqu’un locateur ou un membre de la famille partage une salle de bain ou une cuisine. Les locataires et les groupes de défense des droits des locataires, y compris la Federation of Metro Toronto Tenants’ Associations, étaient très préoccupés des répercussions de cette exemption sur les locataires vulnérables, comme les nouveaux arrivants. Par exemple, une personne interrogée lors d’un sondage a indiqué qu’elle était très mal à l’aise lorsqu’il était impossible de procéder à l’instruction d’une plainte concernant l’identité sexuelle contre un locateur en raison de cette exemption.


[20] Bekele c. Cierpich, 2008 HRTO 7 (Can Lii) (Bekele), par. 88.
[21] Ibid.
[22] Commission ontarienne des droits de la personne. Approche intersectionnelle de la discrimination : Pour traiter les plaintes relatives aux droits de la personne fondées sur des motifs multiples, octobre 2001. Accessible sur Internet : http://www.ohrc.on.ca/fr/resources/policy/intersectinal/view.
[23] Cette situation préoccupante avait déjà été signalée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13 (par. 26). Voir aussi le paragraphe 59, dans lequel le Comité recommande que les autorités gouvernementales veillent à ce que les femmes qui cherchent à quitter une relation marquée par la violence puissent avoir des options en matière de logement et accéder à des services de soutien appropriés, vu qu’elles ont droit à un niveau de vie suffisant.
[24] Par exemple, un endroit sûr où la femme et ses enfants peuvent demeurer, passer du temps loin du conjoint violent pour examiner différentes options et obtenir un soutien psychologique ou du counselling. Voir YWCA Canada, Pratiques efficaces pour protéger les femmes fuyant la violence dans leurs relations intimes, Rapport de la phase II, 2006, xiii. Accessible sur Internet : www.ywcacanada.ca/public_fr/online_catalog/index.cfm?Heading1_link=publications&Heading2_link=publications&Heading3_link=publications&Heading4_link=publications&Hlinks=1&language=FR
[25] Société canadienne d’hypothèques et de logement, La discrimination à l’égard des femmes victimes de violence conjugale qui cherchent un logement, juillet 2006. Accessible sur Internet : www03.cmhc-schl.gc.ca/b2c/b2c/init.do?language=en&shop=Z01EN&areaID=0000000047&productID=00000000470000000024.
[26] 1 Les femmes autochtones subissent un taux de violence conjugale trois fois plus élevé que les autres femmes. Statistique Canada, « Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques 2006 ». Accessible sur Internet : http://www.statcan.ca/francais/research/85-570-XIF/85-570-XIF2006001.pdf.
[27] Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives concernant la discrimination au motif de l’état familial, mars 2007, (Politique sur l’état familial), section 10.1. Voir aussi York Condominium Corp. no 216 c. Dudnik, no 2, 1990, 12 C.H.R.R. D/325; confirmé, 1991, 14 C.H.R.R. D/406 (Cour div. de l’Ont.).
[28] Ibid.
[29] Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, 2006 L.O. 2006, chap. 17 (LLUH). L’article 113 stipule seulement ce qui suit : « Sous réserve de l’article 111 [qui porte sur les remises de loyer], le loyer légal de la première période de location du nouveau locataire dans le cadre d’une nouvelle convention de location est celui qui lui est demandé pour la première fois. »
[30] Mémoire de la John Howard Society of Toronto. Voir Service correctionnel Canada, Faits et chiffres sur le service correctionnel fédéral, édition 2001. Accessible sur Internet : dsp-psd.pwgsc.gc.ca/Collection/JS82-17-2001F.pdf. En 2001, le Canada comptait 30 750 087 habitants, dont 15 517 178 étaient des femmes. Cette même année, 2 600 994 hommes et 681 199 femmes avaient un dossier criminel. Ces chiffres comprennent les jeunes contrevenants déclarés coupables d’un acte criminel.
[31] Service correctionnel Canada, Faits et chiffres : Direction des initiatives pour les Autochtones – Statistiques sur les délinquants autochtones. Accessible sur Internet : www.csc-scc.gc.ca/text/prgrm/abinit/know/4-fra.shtml.
[32] Par exemple, PACE a signalé qu’une assistée sociale qui ne déclare pas ses revenus tirés d’un travail de gardienne d’enfants, qu’elle utilise pour acheter de la nourriture et d’autres biens de première nécessité, est traitée sévèrement comme une criminelle par les personnes qui, régulièrement, cherchent à travailler au noir ou déclarent illégalement des dépenses à caractère social comme dépenses d’entreprises. Cet organisme faisait allusion à la déclaration faite sous serment de J. Bruce Porter en octobre 2000 – Cour de justice de l’Ontario (région de Toronto). Entre Sa Majesté la Reine, intimée, et David Bank et al., demandeurs.
[33] Loi sur la santé mentale, R.R.O. 1990, chap. M. 7. Voir aussi Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur la discrimination fondée sur la santé mentale et les vérifications des dossiers de la police – Ébauche, février 2008. (Ébauche de politique sur les vérifications des dossiers). Un addenda relatif au crime est un contrat civil passé entre un locateur et un locataire par lequel ce dernier convient de ne pas participer à des activités criminelles et de ne pas permettre que de telles activités se déroulent dans l’unité de logement visée.
[34] Aux termes du paragraphe 4 (1) du Code, toute personne de 16 ou 17 ans qui s’est soustraite à l’autorité parentale a droit à un traitement égal en matière d’occupation d’un logement et de contrats de logement, et aux termes du paragraphe 4 (2), un contrat de logement conclu par une telle personne est exécutoire contre cette personne comme si elle avait 18 ans.
[35] Cet article permet qu’on réserve un traitement préférentiel aux personnes de 65 ans ou plus et, donc, qu’il y ait des logements réservés aux personnes de 65 ans ou plus.
[36] Voir aussi Il est temps d’agir (...), supra note 1.
[37] Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par l’Ass. gén. des Nations Unies le 13 décembre 2006. U.N. GAOR plén., 61sess., 76séance, ONU Doc. GA/10554 (2006), art. 9, 19 et 28. Il est à noter que le Canada n’a pas encore ratifié cette convention.
[38] Positive Spaces, Healthy Places. Fact Sheet: Stigma and Discrimination in Housing, décembre 2006. Accessible sur Internet : www.healthyhousing.ca (en anglais).
[39] L’Association des psychiatres du Canada définit la maladie mentale comme suit : « De façon générale, la maladie mentale désigne des modèles cliniquement significatifs de fonctionnement comportemental ou émotionnel qui sont associés à un certain niveau de détresse, de souffrance (la douleur, la mort) ou d’incapacité fonctionnelle (par exemple, à l’école, au travail, dans un contexte social ou familial). À l’origine de ce trouble, se trouve une dysfonction ou une combinaison de dysfonctions psychologiques, biologiques ou comportementales. » Voir Association des psychiatres du Canada, La maladie mentale et le travail (brochure). Accessible sur Internet : publications.cpa-apc.org/browse/documents/22.
[40] Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, novembre 2000. (Politique sur le handicap).
[41] Conformément à l’alinéa 27 (1) 4) de la LLUH (supra note 29), un locateur peut entrer dans un logement locatif sur préavis écrit donné au locataire au moins 24 heures avant l’heure d’entrée dans le but de déterminer si le logement est en bon état, propre à l’habitation et conforme aux normes de salubrité, de sécurité et d’entretien ainsi qu’aux normes relatives à l’habitation.
[42] Bekele, supra note 20.
[43] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, juin 2005. (Politique sur la race). Il peut y avoir discrimination si une personne racialisée est traitée différemment de la manière dont elle l’aurait été si elle avait été de race blanche en l’absence d’explication non discriminatoire acceptable de la différence de traitement.
[44] On mène une expérience pour vérifier l’existence de racisme ou d’autres formes de discrimination. Il s’agit de comparer le traitement subi par une personne protégée par le Code et le traitement subi par une personne de statut différent dans une situation donnée. Par exemple, les deux personnes peuvent chercher à louer un certain nombre de logements. Si l’on note des écarts importants dans le nombre de fois où on leur a dit que le logement était déjà loué, cela peut révéler de la discrimination.
[45] Ahmed c. 177061 Canada Ltd., 2002, 43 C.H.R.R. D/379 (Comm. enq. Ont.).
[46] Iness c. Caroline Co-operative Homes Inc., no 5, 2006 TDPO 19 (Can LII). Mme Iness devait verser toute la partie affectée au logement de l’aide sociale qu’elle recevait en loyer à la coopérative où elle habitait au lieu de payer 25 % de son revenu en loyer, comme elle le faisait auparavant. En conséquence, elle ne pouvait plus payer sa prime d’assurance ni ses frais d’électricité à même cette partie, si bien qu’elle devait, faire une ponction dans les sommes qu’elle consacrait pour payer ses nécessités de subsistance. Le Tribunal [des droits de la personne de l’Ontario] a déclaré que Mme Iness avait été traitée différemment des autres locataires à faible revenu, qui n’étaient pas bénéficiaires d’aide sociale et qui consacraient une partie de leur revenu à leur loyer.
[47] Société canadienne d’hypothèques et de logement, LE POINT EN RECHERCHE – La discrimination à l’égard des femmes victimes de violence conjugale qui recherchent un logement, juillet 2006. Accessible sur Internet : www03.cmhc-schl.gc.ca/b2c/b2c/init.do?language=fr&shop=Z01FR&areaID=0000000047&productID=00000000470000000025.
[48] Voir, par exemple, la Déclaration universelle des droits de l’homme, signée le 10 déc. 1948, G.A. Res. 217A (III), ONU Doc. A/810, 1948, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13. Accessible sur Internet : www.ohchr.org.
[49] Par exemple, le mémoire du CERA signale que, selon le rapport annuel de 2006 de Cap Reit, une fiducie d’investissement dans des immeubles à usage d’habitation, qui exploite plus de 18 000 unités de logement en Ontario, a dû consacrer aux vacances, aux paiements incitatifs à la location et aux créances irrécouvrables une somme correspondant à 3,5 % de ses revenus d’exploitation cette année-là. Cap Reit, Annual Report, 2006, p. 19. Accessible sur Internet : http://library.corporate-ir.net/library/12/124/124438/items/243891/AR2006.pdf (en anglais). En outre, le mémoire du CERA fait état de recherches menées en vue de l’audience de la Commission d’enquête de l’Ontario dans l’affaire Shelter Corp c. Ontario (Comm. des droits de la pers.) (no 2) (sub nom Kearney c. Bramalea Ltd. (no 2)), 1998, 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. enq. Ont.) (Kearney) - N. Barry Lyon Consultants Ltd., The Impact of Rent Arrears on the Viability of Residential Landlords’ Businesses, 1995.
[50] Par exemple, le mémoire de la Federation of Metro Tenants’ Association présentait des statistiques établies par LAPOINTE, Linda, Analysis of Evictions in the City of Toronto: Overall Rental Housing Market, mars 2004, concernant les raisons des arriérés de loyer : raisons professionnelles (39 %), raisons médicales (17 %), autres raisons financières (12 %), problèmes familiaux (7 %), conflits locateurs-locataires (13 %), autres raisons (12 %).
[51] Document de référence, mars 207 (Document de référence),, p. 49.
[52] Politique sur l’état familial, supra note 27, section 10.2.1.
[53] Ibid.
[54] Kearney, supra note 49, et Vander Schaaf c. M & R Property Management Ltd., 2000, 38 C.H.R.R. D/251, par. 105 (Comm. enq. Ont.).
[55] Service Canada, www1.servicecanada.gc.ca/fr/nas/proteger/provide.shtml
[56] Voir aussi Ébauche de politique sur les vérifications des dossiers, supra note 33.
[57] Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, supra note 29, art. 106.
[58] Document de référence, supra note 51, p. 49.
[59] Des exigences de ce genre peuvent avoir un effet négatif sur les personnes qui travaillent à temps partiel ou à contrat, y compris les gens qui ont des obligations en matière de soins, les Autochtones et les jeunes. Voir, par exemple, Sinclair c. Morris A. Hunter Investments Ltd., 2001, 41 C.H.R.R. D/98 (Comm. enq. Ont.); dans cette affaire, l’exigence d’un locateur selon laquelle les locataires éventuels devaient avoir un emploi permanent chez un même employeur depuis un certain temps a été jugée discriminatoire envers les jeunes.
[60] Cunanan c. Boolean Developments Ltd., 2003, 47 C.H.R.R. D/236, par. 65-66 (TDPO).
[61] Politique sur l’état familial, supra note 27, section 10.3.
[62] Loi de 2000 sur la réforme du logement social, Règlement de l’Ontario 298/01 (Aide sous forme de loyer indexé sur le revenu et logement adapté), alinéa 28 (2) a). 
[63] Société canadienne d’hypothèques et de logement. « Le logement au Canada en ligne » : data.beyond2020.com/cmhc/HiCODefinitions_FR.html. Voir aussi Industrie Canada, Direction générale de la vérification et de l’évaluation. Évaluation des programmes des coopératives d’habitation, 2003. Accessible sur Internet : dsp psd.pwgsc.gc.ca/Collection/NH15-418-2003F.pdf. 
[64] Meiorin, supra note 19. 
[65] Iness, supra note 46, par. 302-335. 
[66] Politique sur le handicap, supra note 40.
[67] La consultation ne portait pas précisément sur les foyers de groupe et les résidences pour personnes âgées. Les problèmes mentionnés ne représentent qu’une faible partie des problèmes pouvant exister.
[68] Loi favorisant un Ontario sans fumée, L.O. 1994, chap. 10.
[69] Vancouver Sun, « Woman claims right to smoke-free housing », 5 février 2008.
[70] Voir, par exemple, SHELLEY, Jacob, University of Alberta, Environmental Tobacco Smoke as a Breach of the Covenant of Quiet Enjoyment, août 2007.
[71] KLASSER, K., M.D., et al. « Smoking and Mental Illness: A Population-Based Prevalence Study », 2000, 284, no 20. The Journal of the American Medical Association 2608 (réimpression).

[72] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool, septembre 2000.
[73] Par exemple, Cominco Ltd. c. United Steelworkers of America, Local 9705, 2000 B.C.C.A.A.A no 62, décision no A-046/00, et McNeill c. Ontario (Ministry of the Solicitor General and Correctional Services), 1998, O.J. no 2288.
[74] Politique sur le handicap, supra note 40, section 5.3.3.
[75] Voir, par exemple, Walmer Developments c. Wolch, 2003, 67 O.R. (3d) 246. Accessible sur Internet : www.canlii.org/en/on/onscdc/doc/2003/2003canlii42163/2003canlii42163.html (en anglais).
[76] Le terme « maison de soins » désigne les résidences pour personnes âgées, les foyers de groupe et les pensions où des services de soins sont offerts ou fournis.
[77] Loi de 2000 sur la réforme du logement social, Règlement de l’Ontario 298/01, supra note 62.
[78] La Commission s’est également fait dire que des coopératives ont établi leurs propres règles, qui permettent l’expulsion, parfois sur court préavis, de membres jugés incapables de vivre de façon autonome.
[79] Par exe HULCHANSKI mple, les propriétaires de logements locatifs situés dans des maisons, des duplex, des triplex, des habitations converties et au-dessus d’un magasin, et de logements supplémentaires dans des habitations qu’ils occupent. Selon les estimations du Landlord’s Self Help Centre, les logements de ce type représentent 20 % du parc de logements locatifs.
[80] Voir Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Dix-neuvième session, Observation générale 9 – Application du Pacte du niveau national, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Genève, E/C. 12/1998/24, par. 15. Voir également Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 SCR 1038; et Baker c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999, 2 SCR 817.
[81] Tranchemontagne c. Ontario (dir., Programme de soutien aux personnes handicapées), 2006, 1 S.C.R. 513.
[82] Commission ontarienne des droits de la personne, Directives concernant l’élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne (anciennement La création de procédures internes de règlement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne), mars 2008. Accessible sur Internet : www.ohrc.on.ca.
[83] Document de référence, supra note 51, p.14.
[84] HULCHANSKI David. Discrimination: Routine Exclusion of Welfare Recipients in Toronto, 1992 (Hulchanski). Accessible sur Internet : action.web.ca/home/housing/resources.shtml?x=67199&AA_EX_Session=3ace2d7f6374b4a8c3d8138dbdad41d9.
[85] Voir, par exemple, la discussion présentée dans le document Politique sur la race de la Commission, supra note 43, à la section 1.4, « Contexte historique : L’héritage du racisme au Canada »
[86] Voir, par exemple, les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, GA Res. 48. 134, UN GAOR, 48e sess., 8e ass. plénière, ONU Doc. A/RES/48/134 920, décembre 1993; les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, Res. 1994/54, UN HRC, 56e assemblée, ONU Doc. R/CN.4/RES/1994/54, 4 mars 1994. Voir aussi le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Dix-neuvième session, Observation générale no 10, Le rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans la protection des droits économiques, sociaux et culturels, Genève, E/C. 12/1998/25, par. 15.
[87] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, supra note 13, par. 39.
[88] Kearney, supra note 49.
[89] La Société John Howard de Toronto a indiqué que le pardon n’est accordé à une personne que lorsque la peine a été entièrement purgée et qu’une période d’attente de 3 à 5 ans s’est écoulée. Après avoir fait une demande de pardon, il faut probablement compter entre 12 et 18 mois, ou plus, avant de l’obtenir. Les demandeurs doivent payer tous les frais associés à la prise des empreintes digitales (soit 25 $ à Toronto), à l’obtention d’une copie certifiée de leur casier judiciaire auprès de la GRC (25 $) et au versement de frais de 50 $ à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour que l’organisme étudie leur demande. Lorsque le demandeur envoie sa demande, c’est à la Commission nationale des libérations conditionnelles de décider si la demande est acceptée ou non et si le pardon est accordé. Au cours des 7 dernières années, les taux de succès ont varié entre 26 % de toutes les demandes faites dans une année à 116 %. Voir aussi le « Rapport de surveillance du rendement 2006-2007 » de la Division de la mesure du rendement de la Commission nationale des libérations conditionnelles, paru en juillet 2007. Accessible sur Internet : www.npb-cnlc.gc.ca/reports/pdf/pmr_2006_2007/PMR_2006-2007-fra.pdf.
[90] Voir aussi Crozier c. Asseltine, 1994, 22 C.H.R.R. D/244, par. 9 (Comm. enq. Ont.) et Janzen c. Platy Enterprises Ltd., 1989, 1 S.C.R. 1252.