B. Les principes

Les participantes et participants à la consultation se sont référés à une partie des critères d’efficacité associés aux Principes de Paris, voire en ont discuté de façon assez poussée, à savoir l’indépendance, la compétence délimitée, la coopération et l’accessibilité. Ces critères, qui jouent sur le fonctionnement de tous les aspects d’un système de protection des droits de la personne, sont abordés plus en détail ci‑après.

Personne n’a par contre abordé de façon aussi explicite les autres critères que sont l’efficacité opérationnelle, les pouvoirs suffisants et la responsabilité. Le respect ou non de ces critères a toutefois aussi d’importantes retombées, et il en a d’ailleurs été question de façon directe ou accessoire lors des discussions portant sur le mécanisme de traitement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne. Nous y reviendrons, lorsqu’il y a lieu, à la section C du présent rapport.

1. L’indépendance

Selon les Principes de Paris, l’une des pierres angulaires de l’efficacité de toute institution gouvernementale pour la protection et la promotion des droits de la personne est son indépendance. L’efficacité d’un système de protection des droits de la personne suppose la constitution d’institutions gouvernementales capables d’agir en toute indépendance par rapport aux plus puissants intervenants de la société, et en particulier les gouvernements. Ces institutions sont, de par leur nature, constituées par un gouvernement et il s’ensuit qu’elles ne sont jamais tout à fait indépendantes. Il importe toutefois que des dispositions soient prévues, de préférence dans la charte constitutive d’une telle institution, pour garantir qu’elle dispose d’une indépendance suffisante pour pouvoir s’acquitter efficacement de ses responsabilités. L’indépendance peut se résumer à trois éléments : l’autonomie légale et opérationnelle, l’autonomie financière et enfin la liberté de nomination et de congédiement.

Bon nombre des personnes ayant participé à la consultation estiment que la Commission n’est pas assez indépendante, et que son efficacité s’en ressent grandement.

À mon avis, la Commission n’est pas indépendante des détenteurs de pouvoirs de notre société … Elle est vulnérable à des considérations politiques et autres influences externes dans son processus de prise de décisions. En conséquence, la mise à exécution du Code est inefficace et sélective.
Particulier

La recommandation la plus fréquente en ce qui a trait à la façon d’améliorer l’indépendance du système est de faire en sorte que l’institution gouvernementale chargée de la protection des droits de la personne rende compte directement à l’Assemblée législative, plutôt qu’au gouvernement et à ses ministères.

Il semblerait que la Commission ontarienne des droits de la personne relève du Bureau du Procureur général. Il serait préférable d’éviter toute perception qu’un bureau gouvernemental puisse s’immiscer dans les affaires de la Commission, même si, dans la pratique, il n’en est rien. Il faudrait donc modifier le Code de sorte à établir un lien de dépendance direct entre la Commission et l’Assemblée.
Spécialiste

Plusieurs personnes ont mentionné, pour illustrer leur avis que la Commission manque d’indépendance, que celle‑ci n’a jusqu’ici pas été en mesure de régler de façon efficace la question de la discrimination que représente au niveau du financement des écoles confessionnelles de la province le fait que seules les écoles catholiques soient financées par les deniers publics. Elles rappellent que les Nations Unies ont condamné cette pratique comme étant discriminatoire et s’étonnent du silence de la Commission sur ce point.

Les autres mesures proposées pour améliorer l’indépendance du système de protection des droits de la personne sont de réviser le processus de nomination des commissaires et des arbitres, de veiller à ce que la Commission puisse établir son propre budget et ses affectations de ressources et de faire en sorte que ses employés ne fassent pas partie de la fonction publique de l’Ontario.

Thèmes clefs

Certains intervenants déplorent que le système actuel ne permette pas aux institutions gouvernementales pour la promotion et la protection des droits de la personne de satisfaire aux normes internationales concernant l’indépendance de telles institutions. Convaincus que cette situation nuit à l’efficacité du système ontarien de protection des droits de la personne, ces intervenants estiment qu’il faudrait revoir et renforcer l’indépendance des institutions gouvernementales qui en font partie.

2. La compétence réelle et les obligations internationales

D’après les Principes de Paris et les lignes directrices s’y rapportant, l’efficacité d’un système de protection des droits de la personne suppose une délimitation bien claire du champ de compétence des institutions gouvernementales mises sur pied. Pareille délimitation devrait établir de larges fonctions relatives à la protection et à la promotion des droits de la personne, dont les suivantes, spécifiquement abordées dans les Principes de Paris :

  • examiner la législation en vigueur et les décisions administratives s’y rapportant;
  • se pencher sur les allégations de violation des droits de la personne;
  • élaborer des rapports;
  • émettre un avis sur les positions ou réactions du gouvernement au sujet des violations des droits de la personne qui lui sont signalées;
  • mener des activités de recherche et d’éducation sur les droits de la personne et faire la publicité de ces droits;
  • promouvoir et assurer l’harmonisation des lois, des règlements et des pratiques en vigueur sur le plan national avec les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne;
  • protéger et promouvoir l’intérêt public.

Plusieurs personnes estiment, d’une part, qu’il serait nécessaire de revoir les motifs illicites de discrimination prévus par le Code, et notamment d’y ajouter des motifs inclus dans différentes conventions internationales, tels que la condition sociale et l’affiliation politique et, d’autre part, que le mandat des institutions chargées de protéger les droits de la personne devrait englober la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Le système … de protection des droits de la personne ne pourra s’acquitter convenablement de son mandat qu’à condition que celui‑ci soit élargi de sorte à y inclure la protection des droits économiques, sociaux, culturels et politiques. Le Canada est signataire d’au moins deux instruments internationaux qui cherchent à établir et à protéger ce type de droits, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Syndicat

Enfin, à quelques voix dissidentes près, les participantes et participants étaient d’avis que la loi régissant les droits de la personne devrait faire directement et explicitement mention des conventions internationales.

Le Code ne fait mention d’aucun traité international en matière de droits de la personne, contrairement aux lois constitutives de nombreuses autres commissions. Même si le mandat de la Commission n’était pas élargi, il serait symboliquement important de renvoyer aux traités internationaux comme source des droits qu’il lui incombe de protéger.
Spécialiste

Thèmes clefs

Certains intervenants regrettent qu’à l’heure actuelle, le système ontarien de protection des droits de la personne n’interdise pas la discrimination fondée sur la condition sociale ou l’affiliation politique, contrairement à ce qui est prévu dans divers instruments internationaux dont le Canada est signataire, et souhaitent que l’ajout au système actuel de protections contre la discrimination fondée sur ces motifs soit mis à l’étude.

3. L’intégration des fonctions

Tel qu’indiqué plus haut, les Principes de Paris appellent la constitution d’institutions gouvernementales dotées d’un vaste mandat de protection et de promotion des droits de la personne. Il est généralement reconnu de par le monde que les fonctions de promotion et de protection des droits de la personne se complètent et se renforcent l’une l’autre et que leur exécution est plus efficace lorsqu’elles sont intimement liées et intégrées au sein d’une seule et même institution.

Les Principes de Paris exigent manifestement et tout d’abord, l’exécution de fonctions de protection et de promotion des droits de la personne, mais aussi l’établissement de lignes directrices pour les institutions gouvernementales chargées de ces fonctions : en conséquence, ces deux fonctions doivent impérativement être réunies au sein de tout organisme qui espère satisfaire aux Principes de Paris. La liste des fonctions énoncées dans les Principes de Paris est ce qu’elle est, parce que ces fonctions se renforcent mutuellement … La fonction d’enquête alimente l’éducation, ou en tous cas elle le devrait, de bien des façons, directement et peut‑être aussi en ce qui a trait à l’objet de l’éducation, aux domaines et aux questions sur lesquels elle devrait porter, lorsqu’elle fait parties des exigences prévues dans le remède à une atteinte aux droits de la personne. La même chose vaut pour les politiques. Et l’inverse est vrai également. Je pense que faute d’une relation symbiotique au sein d’un seul et même organisme, les choses ne peuvent pas tourner rond.
Spécialiste

Cet appel à une intégration des fonctions de promotion et de protection des droits de la personne a trouvé un écho favorable parmi plusieurs membres du personnel de la Commission et divers intervenants.

De mon expérience, la démarche actuelle, qui préconise l’intégration des différentes fonctions de la Commission en matière d’enquêtes, de services juridiques et de politiques, présente de nombreux avantages. La Direction des enquêtes peut profiter de la richesse de connaissances spécialisées du personnel de la Direction des services juridiques et de la Direction des politiques lorsqu’elle prend des renseignements sur une plainte et les analyse, ce qui lui permet de mieux cibler et d’accélérer ses enquêtes. La Direction des politiques pour sa part bénéficie de l’accès aux points de vue pragmatiques des deux autres directions lorsqu’elle élabore des politiques, et pour ce qui est de la Direction des services juridiques, sa participation à l’élaboration des politiques l’aide à faire avancer la jurisprudence en matière de droits de la personne.
Commission ontarienne des droits de la personne

Peu de personnes ayant participé à la consultation ont exprimé des idées bien arrêtées sur la question. Quelques‑unes estiment toutefois qu’à certains égards du moins, l’intégration présente des risques et des inconvénients majeurs, faisant valoir que le traitement des plaintes individuelles nuit inévitablement à la capacité d’exécuter d’autres fonctions.

Garder et améliorer le modèle actuel basé sur les plaintes serait donc l’option la plus conservatrice, et s’il devait en être ainsi, il me semble que nous devrions séparer les fonctions, et non les intégrer. La séparation des fonctions permettrait à un organisme financé par les deniers publics de se montrer proactif en matière de défense des intérêts publics, de dépôt de plaintes, d’enquêtes et de questions générales.
Universitaire

Parmi les observations recueillies, quelques‑unes évoquent les risques de partialité découlant des nombreux chapeaux que la Commission coiffe présentement, et en particulier de la cohabitation des fonctions d’arbitrage et de défense des droits de la personne.

Dans le système actuel, il y a conflit entre le rôle d’arbitrage de la Commission et son rôle sur le plan de la défense des droits de la personne. Il y a même dans une certaine mesure conflit entre ses efforts pour, d’une part, promouvoir l’intérêt public et, de l’autre, protéger et faire valoir les droits des particuliers … Si la Commission n’était pas tenue d’enquêter sur les plaintes, elle pourrait se consacrer davantage à ses fonctions de promotion et de défense des droits de la personne, débarrassée de toute obligation de neutralité.
Avocat d’une partie plaignante

Vous trouveriez certainement beaucoup de gens parmi les intimés, autrement dit, les personnes mises en cause dans des plaintes pour atteinte aux droits de la personne, de même que parmi leurs avocates ou avocats, pour vous dire que le rassemblement des fonctions de défense des droits de la personne, d’éducation et de lutte contre la discrimination systémique sous le même toit que les fonctions d’enquête sur les plaintes et d’arbitrage quant au renvoi ou non des plaintes au Tribunal non engendre un conflit d’intérêts, un abus de pouvoirs, entaché d’erreurs systématiques.
Avocat d’une partie mise en cause

D’un autre côté, le personnel de la Commission a noté que la combinaison des rôles liés aux enquêtes et aux litiges était chose courante au sein des institutions gouvernementales. Les agentes et agents responsables des normes d’emploi, de la santé et de la sécurité au travail ou encore des relations de travail ont par exemple tous le pouvoir d’enquêter sur d’éventuelles infractions aux lois dont il leur appartient de surveiller l’application et de prendre des décisions à cet égard, et si leurs ordonnances, autrement dit leurs décisions, sont contestées, des avocates et avocats du ministère du Travail viennent les défendre devant la Commission des relations de travail de l’Ontario.

Thèmes clefs

Les intervenants sont d’avis partagés en ce qui concerne la valeur d’une pleine intégration des fonctions liées à la promotion et à la protection des droits de la personne au sein d’une seule et même institution gouvernementale. Une attention particulière devra donc être portée à l’optimisation des avantages d’une intégration et à la minimisation de ses inconvénients dans le cadre de l’examen et de l’éventuelle réforme du système de protection des droits de la personne.

4. L’harmonisation

Parmi les fonctions citées dans les Principes de Paris et les lignes directrices s’y rapportant figurent celles de promouvoir et d’effectuer l’harmonisation des lois, de leurs règlements d’application et des pratiques avec les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne. L’un des critères d’efficacité prévus dans les lignes directrices des Nations Unies est la « coopération ». En conséquence, l’efficacité de tout système de protection des droits de la personne suppose la constitution d’institutions gouvernementales qui sont prêtes et disposées à forger et à cultiver des relations de coopération avec d’autres organismes ou groupes intervenant au sein du système.

La quasi-totalité des participantes et des participants se sont accordés à reconnaître les mérites de « l’harmonisation » du système, utilisant cette expression à tour de rôle pour parler soit de l’harmonisation des lois, des règlements et des pratiques avec les instruments internationaux, soit de la promotion de relations de coopération et de la coordination des éléments clefs du système de protection des droits de la personne. Plusieurs idées maîtresses se sont de ce fait dégagées sur le thème de l’harmonisation.

a) La coopération au niveau de la promotion des droits de la personne et de l’éducation du public

Certaines personnes ont exprimé le désir d’une plus grande coopération au niveau de la promotion des droits de la personne et l’éducation du public sur ces droits, notamment avec des organismes tels que la Direction des services d’élaboration des politiques du ministère des Affaires civiques, la Direction générale de la condition féminine de l’Ontario et, au fédéral, le Bureau de la condition des personnes handicapées.

La Commission ontarienne des droits de la personne aurait intérêt à consulter d’autres organismes gouvernementaux, afin d’éviter les campagnes d’information redondantes au sujet des droits de la personne et de repérer les programmes susceptibles de compléter les siens.
Clinique d’aide juridique

Il a par ailleurs été suggéré que la Commission aurait intérêt à travailler en plus étroite collaboration avec les organismes communautaires et d’autres organisations non gouvernementales qui œuvrent dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de la personne.

Certains syndicalistes ont avancé l’idée de rendre obligatoire la mise sur pied par les employeurs de comités des droits de la personne, de concert avec la Commission, comme moyen additionnel de renforcer et d’harmoniser l’application de ces droits sur les lieux de travail au jour le jour.

La position de notre syndicat est que le Code devrait être modifié de sorte à prescrire la constitution de comités des droits de la personne sur les lieux de travail. Selon nous, ces comités devraient fonctionner de la même manière que les comités rendus obligatoires par la Loi sur la santé et la sécurité au travail … Sous réserve d’une éducation, d’une formation et d’une supervision adéquates par la Commission, ces comités pourraient contribuer à la prévention de la discrimination sur les lieux de travail et favoriser le règlement des problèmes pouvant se présenter, sans qu’il soit nécessaire de passer par le dépôt d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne.
Syndicat

b) L’harmonisation des activités des tribunaux administratifs

Une bonne partie des discussions sur l’harmonisation ont porté sur l’application des dispositions du Code par d’autres tribunaux administratifs. Plusieurs personnes se sont demandé jusqu’à quel point d’autres tribunaux pouvaient appliquer le Code et la Charte, surtout lorsque leur loi constitutive ne les y autorise pas explicitement; certaines ont signalé que la Loi de 1995 sur les relations de travail oblige déjà les arbitres des griefs en matière de droit du travail à tenir compte du Code dans leurs prises de décisions. La plupart des participantes et participants ont reconnu que les tribunaux sont déjà investis des pouvoirs nécessaires pour faire appliquer le Code et la Charte, et même dans une certaine mesure soumis à l’obligation de le faire, sans toutefois posséder les pouvoirs du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario pour ce qui est d’imposer des mesures de redressement.

En fin de compte, la plupart des personnes ayant participé à la consultation sont d’avis que le rôle des autres tribunaux au niveau de l’application des principes enchâssés dans le Code devrait être clarifié et renforcé.

Il faudrait veiller à inclure dans le mandat des autres organismes statutaires habilités à prendre des décisions dans ce domaine une interdiction de faire de la discrimination ou de créer des obstacles, enfin appelez‑ça comme vous voudrez. Ce ne serait pas leur demander de changer grand-chose à leurs pratiques actuelles, mais il me semble que ce serait bon de le mettre par écrit à titre de rappel et de garantie.
Organisme de défense des droits de la personne

Tous les tribunaux administratifs, même tous les organismes publics et privés, jouent un rôle dans la promotion des droits de la personne. Il est très important que les tribunaux administratifs, tels que le Tribunal du logement de l’Ontario, la Commission des relations de travail de l’Ontario, etc. s’appuient sur les principes énoncés dans la Charte et dans le Code chaque fois qu’ils doivent prendre une décision.
Clinique d’aide juridique

Selon quelques participantes et participants, les autres tribunaux ne sont pas vraiment intéressés à s’occuper de droits de la personne, mais ont plutôt tendance à interpréter les dispositions de leurs lois constitutives de façon stricte et rigide.

Il me semble évident que toute personne dont le mandat est énoncé dans une loi particulière a l’habitude de s’y tenir et se retrouve comme avec des œillères pour ce qui est du reste. Cela pose un problème, il n’y a pas de doute.
Organisme gouvernemental

D’autres personnes ont exprimé des réserves quant à la capacité de la plupart des tribunaux à comprendre les principes juridiques relatifs aux droits de la personne, les jugeant de ce fait incapables, en l’état actuel des choses, d’appliquer le Code et la Charte, à tel point qu’ils sont même réticents à s’y essayer.

… légalement, tout tribunal quel qu’il soit devrait tenir compte du Code des droits de la personne et tout tribunal administratif devrait tenir compte de la Charte, et les deux devraient s’assurer que leurs décisions sont compatibles avec l’un et l’autre texte, ni plus ni moins. Ce n’est pas compliqué, mais la confusion qui peut exister à cet égard fait partie des à‑côtés des efforts pour faire avancer les choses. En plus, bien sûr, les membres de bon nombre de ces tribunaux n’ont pas fait d’études de droit, et du coup, ils disent « Ah non, Dieu non, je ne peux pas me référer au Code, je ne peux pas m’en remettre à la Charte. Non, non, c’est hors de question. » Du coup, leurs craintes sont alimentées de toutes parts, alors qu’en fait, ça ne demande pas des miracles de compétence en matière d’arbitrage que de réfléchir au fait qu’il ne faudrait pas rendre de décision qui porte atteinte aux droits d’une autre personne. Ce n’est vraiment pas difficile. Au fond, je pense qu’instinctivement, ces gens veulent agir correctement … la loi existe, la jurisprudence est là pour les appuyer, mais rien n’y fait.
Avocat d’une partie plaignante

La discussion a aussi porté sur la question de savoir si les personnes qui souhaitent porter plainte pour atteinte aux droits de la personne devraient pouvoir décider quelle instance saisir de leur plainte ou s’il serait préférable de limiter ce type de choix. Quelques personnes ont souligné les dépenses inutiles, les retards et les difficultés qu’engendre le maintien de plusieurs instances compétentes pour entendre un même genre de cause, tandis que d’autres ont mis l’accent sur l’importance de faciliter l’accès au système de protection des droits de la personne et de garantir aux personnes lésées dans leurs droits les recours les plus efficaces possible.

Les avocates et avocats amenés à défendre des parties mises en cause dans des plaintes pour atteinte aux droits de la personne ont manifesté le plus grand degré d’inquiétude au sujet de la capacité des parties plaignantes de saisir plusieurs instances de la même question.

Une affaire est portée devant la Commission, et tout d’un coup, le traitement de la plainte se poursuit deux années d’affilée, et pendant ce temps, d’autres procédures sont entamées qui se déroulent en parallèle ou se chevauchent et qui concernent le ministère du Travail, un tribunal judiciaire, la Commission des accidents du travail, et qui ont essentiellement toutes trait à la même chose; chacun des organismes concernés adopte la position qu’il est le mieux placé pour donner suite à la plainte en question et aucun d’eux n’est prêt à la rejeter, ce qui fait qu’on se trouve à devoir présenter une défense dans trois ou quatre litiges en même temps qui ont rapport au même différend entre un employé et son employeur.

Certains avocats ayant l’habitude de défendre des parties mises en cause dans des plaintes pour atteinte au droits de la personne ont défendu la position que des tribunaux spécialisés devraient pouvoir seuls trancher certains différends mettant aussi en jeu les droits de la personne, vu que leurs compétences particulières dans le domaine leur permettent de mieux et plus rapidement régler les questions clefs qu’ils soulèvent.

Je dirais qu’il y a certains domaines, tel que l’éducation de l’enfance en difficulté ou les relations de travail, dans lesquels les tribunaux mis spécifiquement mis sur pied pour entendre les différends s’y rapportant ont des connaissances particulières et une plus grande familiarité avec les enjeux, leur contexte et leurs complexités, et de ce fait, il est important qu’ils tranchent ces différends ... À mon avis, il est normal que la Commission des relations de travail traite des plaintes liées aux relations de travail ... elles relèvent de sa compétence particulière.

D’autres personnes, parlant du point de vue des parties plaignantes, ont défendu le droit d’un ultime recours devant l’institution gouvernementale chargée de protéger les droits de la personne, même si cela devait entraîner une forme de dédoublement.

.. Je ne suis pas d’accord avec l’idée d’enlever au Tribunal des droits de la personne sa compétence exclusive et de la transférer à un tribunal des relations de travail ou de l’emploi ou autre en ce qui a trait à ces questions. Cela présenterait des avantages pour les parties intimées, mais pas pour les parties plaignantes.

Je ne pense pas que les deux soient mutuellement exclusifs…. Je pense que cela doit faire partie de tout ce qui est mis en œuvre du point de vue de la protection des droits de la personne. Par contre, si en bout de ligne, la question n’est pas réglée par un autre tribunal, la partie plaignante doit avoir le droit de saisir un tribunal des droits de la personne. Il y aura toujours des gens pour dire que cela revient à donner une deuxième chance aux plaignants, mais moi je dis, dans ce cas, soit.

Plusieurs syndicalistes ont défendu le droit à un recours ultime devant la Commission, même dans le cas de conflits de travail opposant des employés syndiqués à leur employeur, alors que la Commission elle‑même a adopté la position que lorsqu’une question mettant en jeu les droits de la personne pouvait être convenablement réglée moyennant l’arbitrage d’un grief, il n’y a pas lieu de la saisir elle d’une telle plainte.

Il est indispensable, à notre avis, que des organismes publics tels que la Commission et le Tribunal soient accessibles à tous les membres de la société. Refuser à des personnes syndiquées accès à ces organismes reviendrait à les empêcher de se prévaloir de services mis sur pied à leur intention, pour la simple raison qu’elles sont membres d’un syndicat. Ceci étant dit, nous sommes bien d’accord que ce n’est dans l’intérêt d’aucune partie que des questions qui ont déjà été entendues et décidées fassent l’objet d’un nouveau litige. Ce genre de contentieux à répétition s’avère coûteux pour tout le monde et draine inutilement des ressources administratives déjà limitées. C’est pourquoi nous recommandons que le rôle de la Commission dans le traitement des plaintes qui auraient dû ou qui auraient pu être entendues ailleurs soit clarifié.

Une personne de Québec participant à la consultation s’est basée sur l’expérience dans cette province pour émettre des réserves quant à l’idée que des tribunaux n’ayant pas pour compétence spécifique d’entendre des questions relatives aux droits de la personne soient amenés à traiter de celles‑ci.

Au Québec, un tribunal d’appel après l’autre a réduit la compétence de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, sous prétexte que d’autres mécanismes de règlement des griefs relatifs à l’éducation de l’enfance en difficulté, aux relations de travail ou autres sont seuls compétents pour trancher les questions qui sont de leur ressort. Du coup, la commission québécoise se trouve aujourd’hui privée de tout pouvoir de s’attaquer à des problèmes systémiques en disant « D’accord, votre tribunal a réglé les questions techniques et administratives, mais nous voulons trancher une question de droits de la personne que vous n’avez pas et que vous ne pourriez pas régler convenablement ».

Certaines personnes aimeraient voir la création d’un « super tribunal » ou d’autres changements structurels, afin de clarifier et de confirmer les questions de compétence et d’améliorer la compétence des membres du tribunal d’entendre des questions liées aux droits de la personne. Quelques‑unes préconisaient des changements structurels, tels que la négociation et mise en place de protocoles officiels ou le recours à des nominations conjointes comme meilleur moyen de régler ces questions.

Comme je le mentionnais plus tôt, il me semble qu’il serait bon que les tribunaux eux‑mêmes aient accès à des organes de coordination pour leurs processus d’accueil des plaintes, car cela faciliterait l’acheminement des plaintes vers les instances appropriées. Il y aurait peut-être aussi intérêt à adopter une modification législative à l’effet qu’une personne spécialiste des droits de la personne puisse siéger à ces tribunaux et autres organes spécialisés … Le plus important, à mon avis, est d’essayer de trouver des moyens systémiques et structurels d’incorporer ce savoir‑faire aux tribunaux.
Spécialiste

Les participantes et participants étaient généralement d’accord pour dire que la Commission devrait jouer un rôle dans la formation et l’éducation des membres des autres tribunaux, de même que dans la surveillance des activités des divers tribunaux, comme garantie de compétence et d’uniformité au niveau des décisions rendues.

Tous les tribunaux devraient examiner les enjeux des litiges qui leur sont soumis sur le plan des droits de la personne et des droits constitutionnels, mais leurs membres n’ont pas reçu de formation à cet égard. Or, je dirais que la formation est un rôle qui revient à la Commission ontarienne des droits de la personne … 
Syndicat

c) Les autres formes d’harmonisation

Quelques‑unes des observations recueillies dans le cadre de la consultation abordent l’harmonisation du point de vue d’une plus grande conformité des lois en général aux dispositions du Code et de la Charte. Certaines personnes ont suggéré la constitution obligatoire de comités, incluant une personne spécialisée en droits de la personne, qui seraient chargés de l’examen des lois et règlements.

… un comité d’examen des lois et des règlements, oui, j’aimerais vraiment beaucoup que la Commission fasse pression pour qu’il devienne réalité, parce que ce serait là un moyen direct d’influer sur les politiques et l’éducation du public, et c’est beaucoup mieux que d’essayer d’amener les législateurs à se pencher sur les droits de la personne. Ça ne les intéresse pas le moins du monde, ce qui les intéresse, c’est d’obtenir des voix aux élections. Par contre, si un système d’examen était mis en place pour l’ensemble de leurs textes de loi, peut-être qu’ils seraient contraints d’en modifier une partie.
Organisme de défense des droits de la personne

Une poignée de participantes et de participants ont exprimé des inquiétudes face au fait que les lois et règlements relatifs aux droits de la personne ne soient pas harmonisés à l’échelle du pays.

.. c’est conforme aux pactes des Nations Unies, aux instruments internationaux que le Canada, bons petits scouts que nous sommes, s’empresse toujours de signer, ce qui lui vaut des applaudissements à la ronde, mais sans mesurer les implications pour la province, et encore moins pour le gouvernement fédéral. Il n’y a pas d’intégration entre le fédéral et les provinces quand vient le temps de passer ces choses en revue. Quand nous partons à Genève assister aux travaux du Comité des droits de l’homme et nous faire une bonne idée de notre performance, l’examen est en réalité laissé aux soins des fonctionnaires. Soyons francs, la dernière réunion intergouvernementale a eu lieu il y a 13 ans.
Gouvernement

Thèmes clefs

Quantité d’intervenants s’inquiètent du manque de coordination au sein du système actuel de protection des droits de la personne, en particulier en ce qui a trait aux rôles, aux activités et aux compétences des tribunaux administratifs spécialisés, et suggèrent une plus grande coopération au niveau de la promotion des droits de la personne et de l’éducation sur ces droits. Certains déplorent par ailleurs le manque d’harmonie entre les lois et leurs règlements d’application, de même que les activités quotidiennes au sein de secteurs clefs, aussi bien d’un bout à l’autre du pays qu’en rapport avec les obligations et les normes que le Canada s’est engagé à respecter par la signature de divers traités internationaux.

5. L’accessibilité

Selon les Principes de Paris et les lignes directrices s’y rapportant, l’efficacité d’un système de protection des droits de la personne suppose la facilité d’accès de ses institutions gouvernementales. Les principaux aspects qui jouent sur l’accessibilité sont l’emplacement et l’aménagement d’une institution, la technologie des communications qu’elle utilise, la réceptivité de ses services, la façon dont le public les perçoit et la rapidité de leur prestation, ou encore jusqu’à quel point ses membres et son personnel sont représentatifs de sa clientèle.

Les participantes et participants ont parlé de l’accessibilité dans différents contextes, soulevant une série de questions au sujet des caractéristiques du système actuel de protection des droits de la personne et de ce qui constitue, à leurs yeux, ses défauts. Une personne a toutefois évoqué l’accès fondamental à une série de lois et de principes qu’à son avis, seule une commission des droits de la personne est capable d’assurer.

… nous parlons là d’accessibilité, mais la vraie question c’est, l’accessibilité à quoi ou de quoi? Il peut toujours y avoir l’accessibilité de mécanismes d’arbitrage ou de décision divers, mais il me semble que ce qui importe le plus, c’est la possibilité d’accéder à une série de lois et de principes particuliers qui traitent de la dignité humaine, du respect des droits des uns et des autres, de l’influence de la culture sur le pouvoir ou encore du déséquilibre des pouvoirs… et à mon avis, seule une commission des droits de la personne peut se porter garante de cette accessibilité.
Spécialiste

a) La représentation par avocat

L’un des sujets qui revient le plus souvent dans les observations relatives à l’accessibilité concerne l’accès aux services d’une avocate ou d’un avocat, que certaines personnes considèrent indispensable à un système de protection des droits de la personne véritablement accessible : ces personnes estiment en effet qu’un système ne peut être considéré pleinement accessible si l’ensemble des parties plaignantes et des parties mises en cause n’ont pas accès, gratuitement, à une représentation par avocat adéquate, selon leurs besoins. Aux yeux de certaines personnes, l’accès à une représentation par avocat réglerait la plupart des autres problèmes d’accessibilité, sinon tous, tels que les inégalités de pouvoirs ou de revenu.

… face à des ressources financières limitées, il serait peut-être utile de réfléchir à la question de savoir s’il ne serait pas préférable d’utiliser pour le financement de la représentation par avocat l’argent qui est à l’heure actuelle consacré aux services d’enquête gouvernementaux. Je ne saurais pas exactement comment procéder… Je n’ai pas d’idée claire là‑dessus, mais ce que je peux vous dire, c’est que l’accès à une représentation par avocat redresse les inégalités de pouvoirs.
Clinique d’aide juridique

D’un autre côté, bien des gens ont mis en doute la possible mise en place et l’efficacité d’un système qui serait centré sur la garantie d’une représentation par avocat, considérant les coûts élevés que cela entraînerait et l’accès à l’aide juridique présentement limité et qui devrait le rester.

Je veux dire, la réalité, c’est que les cliniques communautaires d’aide juridique fonctionnent déjà à capacité, voire plus, et Aide juridique Ontario n’a bénéficié d’aucune hausse de financement quelle qu’elle soit en six ans. L’indice des prix à la consommation, lui, a augmenté de 2 pour 100, alors que l’AJO n’a rien eu de plus depuis six ans, mais a dû absorber la hausse des honoraires de ses avocates et avocats, même si ces honoraires restent bien inférieurs aux taux du privé et ne sont même pas comparables à ce que touchent les procureurs de la Couronne.
Organisme gouvernemental

Parmi les observations recueillies figurait aussi une mise en garde contre l’adoption d’un modèle de représentation par avocat sans l’investissement des fonds nécessaires, disant que le financement insuffisant d’un tel modèle engendrerait un système de traitement des plaintes à deux niveaux.

… faute d’un système qui garantisse pleinement, à tout le monde, une représentation par avocat, nous nous retrouverons avec un système de traitement des plaintes à deux niveaux, avec une partie des plaignants qui n’auront pas les moyens de se payer un avocat et qui auront donc moins de chance de voir leur plainte aboutir… La seule façon de remédier à cette inégalité de pouvoirs, ce serait d’offrir une garantie de représentation universelle. Je ne pense pas que notre gouvernement ait les moyens d’offrir ce type d’aide juridique pour tous, vu ses coûts.
Commission ontarienne des droits de la personne

b) La durée et la complexité du traitement des plaintes

Tel qu’indiqué plus haut, nombreuses sont les voix qui se sont levées pour déplorer les retards excessifs au niveau du traitement des plaintes, qui représentent pour beaucoup de personnes un obstacle à l’accessibilité.

À mon sens, un obstacle évident à l’accessibilité, ce sont les délais d’attente : on ne peut par exemple pas dire que le système soit accessible à un enfant, si une plainte le concernant n’est pas réglée avant qu’il n’arrive à l’âge adulte.
Clinique d’aide juridique

Pareillement, bon nombre de participantes et de participants ont souligné que la complexité du système actuel était un obstacle pour beaucoup de personnes, non seulement parce qu’elle crée des retards, mais aussi pour des raisons intrinsèques.

Les avis des participantes et participants sont divisés en ce qui concerne la complexité inhérente des différents modèles de protection des droits de la personne et leurs implications en matière d’accessibilité. Certaines personnes ont fait valoir que le modèle actuel, qui centralise les activités de protection des droits de la personne au sein d’un seul organisme administratif, est plus complexe que la solution de rechange envisageable qui consisterait à permettre aux parties plaignantes d’avoir directement accès à un tribunal.

Donc même si le processus actuel est tout à fait conforme à ce que les tribunaux ont jugé indispensable à un processus d’enquête, il ne donne pas les résultats espérés, parce qu’il marginalise les gens et qu’il ajoute inutilement à la complexité du système… en exigeant qu’une enquête soit menée pour chaque plainte, alors que vraiment, dans bien des cas, une enquête n’est absolument pas nécessaire.
Avocat d’une partie plaignante

En revanche, quelques personnes ont avancé l’argument que l’accès direct à un tribunal aurait pour effet de rendre le système plus judiciaire et plus complexe, et de rendre le recours au système non seulement plus coûteux, mais plus compliqué, pour les parties plaignantes. Une personne qui connaît de première main le système d’accès direct mis en place en Colombie‑Britannique a évoqué la « judiciarisation » accrue qui s’en est suivie.

Les droits de la personne, comme leur appellation l’indique, concernent les personnes, leurs interactions et leur bonne entente avec d’autres, le respect des valeurs d’autrui, sans distinction. Or, le système que nous avons de nos jours en Colombie‑Britannique est un système axé sur la paperasse, pas sur les personnes. Le traitement des plaintes, c’est une affaire d’acheminement de papiers, sans aucune forme de tri, et il aboutit à des engorgements. Il y a des règles à n’en plus finir, 50 pages de règles à suivre. La dernière fois que j’ai vérifié, sa jurisprudence comptait 390 décisions, dont 95 pour 100 étaient d’ordre procédural. Les audiences durent en moyenne trois à quatre jours. Les décisions rendues remplissent en moyenne 30 pages. On a perdu de vue qu’il s’agit de régler les problèmes concrets auxquels se heurtent les parties plaignantes, et à mon sens, la protection des droits de la personne, c’est, ou du moins ce devrait être, une question d’intervention pour aider des personnes lésées dans leurs droits. Si le système était transformé en système d’accès plus direct aux tribunaux, le résultat serait une sorte d’immobilisme, une foule de plaintes consignées sur papier, sans plus, faute de personnes pour s’en occuper.

c) L’accès à l’information et les obstacles régionaux

Selon l’une des personnes ayant participé à la consultation, le grand public, surtout ailleurs que dans le sud de la province, ne connaît guère le système ontarien de protection des droits de la personne, ce qui représente un obstacle majeur à l’utilisation de ce dernier.

Le gros problème, c’est que les gens ne savent pas comment utiliser le système. Savoir c’est pouvoir, la familiarité avec le système est indispensable pour y accéder. Les gens ne savent même pas qu’il existe. Sauf erreur de ma part, la plupart d’entre nous qui sommes réunis ici aujourd’hui sommes du sud de l’Ontario, de la région du Golden Horseshoe. Par ici, les gens sont relativement bien informés des services disponibles et de leurs recours possibles; ailleurs, c’est toute une autre histoire. La situation n’est guère encourageante. À mon avis, les disparités au niveau des connaissances, selon l’endroit où les gens habitent, sont énormes. J’aimerais que bien plus de ressources soient consacrées à l’éducation.
Professionnel en ressources humaines

D’autres participantes et participants ont convenu qu’à l’heure actuelle, le système n’est pas universellement accessible d’un bout à l’autre de la province. Une personne s’est prononcée comme suit en parlant de sa vision de l’avenir de la Commission et du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario :

Il faudrait les rendre géographiquement plus accessibles, un peu comme la Commission l’était avant. Vous souvenez‑vous du temps où la Commission avait des bureaux régionaux? 
Avocat d’une partie plaignante

Quelqu’un d’autre, résidant dans le Nord de l’Ontario, a exprimé le souhait que le système soit radicalement décentralisé.

Oui, la facilité d’accès pour tous est vraiment cruciale. Je suis personnellement très en faveur de la décentralisation, même si je n’ai aucune idée si elle se fera un jour, et aussi du régionalisme, sans savoir non plus si mes vœux à ce niveau‑là seront exaucés. C’est sans doute parce que je n’habite plus à Toronto, mais dans le nord de l’Ontario. Au fond, cela rejoint aussi tout à fait ma position en faveur d’un règlement rapide des différends, à savoir que beaucoup de parties plaignantes souhaitent une forme d’audience ou une autre … audience qui pourrait être tenue par une sorte de structure régionale ayant pignon sur rue.
Universitaire

d) La culture et la langue

Certaines personnes ayant participé à la consultation ont évoqué l’existence d’obstacles majeurs basés sur la culture et la langue auxquels ni la Commission, ni le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ne s’attaquent présentement.

L’un des principaux problèmes que rencontrent nos clients qui ne maîtrisent pas bien l’anglais ou le français, c’est l’accès aux services de la Commission. … Pour nous, les obstacles auxquels se heurtent ces personnes sont similaires à ceux qui confrontent les personnes sourdes ou malentendantes : même si leurs empêchements sont différents, dans un cas comme dans l’autre, ces personnes ne sont pas en mesure de communiquer convenablement avec le personnel des services destinés à la population en général. Le résultat est le même : ces personnes sont privées des services dont la raison d’être est de protéger leurs droits et leur dignité en tant qu’êtres humains. Si la Commission veut que la population ontarienne continue à reconnaître son utilité, elle devra faire en sorte d’être réellement accessible à toutes et à tous, quelles que soient leurs compétences linguistiques.
Clinique d’aide juridique

Il reste énormément de pain sur la planche pour régler les questions d’adaptation culturelle, parce qu’en l’état actuel des choses, je serais incapable de vous dire combien de personnes parmi nos immigrants récents savent que le système de protection des droits de la personne existe et comment s’en prévaloir, et cela n’a rien à voir avec la nature du modèle actuel ou de ce qui pourrait le remplacer. L’éducation du public, je ne pense pas qu’elle se fasse à l’heure actuelle de telle manière que les groupes communautaires qui sont là maintenant et qui s’occupent de ces gens ont l’information qu’il faut. Les services de traduction pour les nouveaux arrivants, encore une fois, à la fin des années 80 et durant les années 90, que voulez‑vous, ils étaient financés, il y avait plus qu’assez de ressources pour ça. Je n’ai aucune idée quelle somme le système actuel leur réserve, ni même s’il leur réserve quoi que ce soit.
Commission ontarienne des droits de la personne

e) L’accessibilité pour les personnes handicapées

Plusieurs participantes et participants ayant fait des observations au nom des personnes handicapées et des organismes qui défendent leurs intérêts ont parlé du fait que l’accès au système reste problématique pour les personnes handicapées, en raison d’obstacles matériels et autres.

La Commission ontarienne des droits de la personne n’a pas adopté de politiques ni mis en place de procédures bien claires prévoyant les modalités d’accès à ses services et l’adaptation de ces derniers aux besoins des personnes malentendantes, sourdes ou devenues sourdes qui sont parties à une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Or, nous avons repéré d’importantes lacunes dans la prestation de services à ces personnes, tant par la Commission que par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, de même que des obstacles majeurs à l’accès aux services existants.
Organisme communautaire

f) Les autres problèmes

Quelqu’un parmi les participantes et participants a émis l’avis que la Commission et le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario représentent tous deux la culture dominante, ou que c’est à tout le moins ainsi que de nombreuses communautés marginalisées les perçoivent. De son point de vue, pareille association, réelle ou présumée, de ces institutions avec la culture dominante constitue un obstacle à l’utilisation de leurs services par les communautés marginalisées et leurs membres.

Allant plus loin, quelqu’un d’autre a fait remarquer que les membres de bien des communautés marginalisées ne font pas confiance à la Commission et ne voient pas en elle une alliée crédible pour venir à bout de leurs problèmes.

Pour ce qui est de la culture comme morceau du puzzle, c’est aussi une question de confiance de particuliers et des communautés dans la Commission, histoire de redonner à la Commission sa valeur aux yeux des communautés dont sa clientèle fait partie. C’est là une question de la plus haute importance, faire en sorte que les communautés sentent que leurs préoccupations sont reconnues et qu’en ce qui concerne les problèmes systémiques, les communautés sachent que quelle que soit la personne qui s’occupe d’un dossier à la Commission, elle est sensible aux enjeux et les comprend, qu’elle sait comment établir et entretenir des rapports avec les personnes concernées. C’est à ce niveau-là que les services d’approche et d’éducation du public sont si importants. Il s’agit de gagner l’estime du public, sa confiance et de forger des relations qui auront pour effet de mieux brancher la Commission sur la réalité.
Clinique d’aide juridique

Thèmes clefs

Les intervenants ont exprimé des inquiétudes à propos de plusieurs entraves à l’accessibilité, y compris l’absence de représentation par avocat, la complexité des processus administratifs et judiciaires, les coûts, les retards excessifs, le manque de familiarité avec le système, la géographie, la culture, la langue, le manque d’adaptation aux besoins des personnes handicapées, la marginalisation et le manque de confiance.

6. La prise de mesures à l’égard des problèmes systémiques

Sans aller jusqu’à faire l’unanimité, l’idée qu’un système de protection des droits de la personne devrait se consacrer davantage aux problèmes systémiques et prendre des mesures plus efficaces pour les éliminer a été généralement appuyée. Les participantes et participants ont, à des degrés divers, évoqué les activités systémiques ci‑après :

  • l’inclusion la plus fréquente possible dans les règlements des plaintes de mesures de redressement systémiques et de mesures de redressement visant l’intérêt public;
  • le traitement des plaintes pour atteinte aux droits de la personne par une institution gouvernementale ayant pour rôle de protéger ces droits et le dépôt de telles plaintes par cette institution, de sa propre initiative;
  • l’élaboration et la mise en application de normes relatives aux droits de la personne;
  • l’organisation d’activités d’éducation du public;
  • la conduite d’enquêtes et la recherche sur des questions touchant les droits de la personne.

Beaucoup de personnes ont déploré que le système actuel ne mène pas à la prise de mesures suffisantes pour éliminer les problèmes de discrimination systémiques à l’échelle de la société, et qu’il ne permette même pas de faire convenablement appliquer les mesures de redressement systémiques ordonnées.

Étant donné l’importance d’une attitude proactive vis-à-vis des questions de discrimination et de harcèlement, nous sommes déçus que la Commission n’ait jusqu’ici pas consacré davantage de moyens aux plaintes dont un règlement favorable pourrait contribuer à faire disparaître la discrimination systémique sur les lieux de travail.
Syndicat

... selon moi, un des problèmes avec les plaintes qui aboutissent à l’ordonnance de mesures de redressement systémiques, c’est que la Commission n’a pas vraiment les moyens de surveiller l’application de ces ordonnances. Il faudrait qu’un service ou une équipe de la Commission ait pour rôle de veiller à la prise des mesures ordonnées, en particulier par les grandes entreprises ou les institutions publiques qui, pour peu que la Commission intervienne, sont tout à fait capables de remédier à d’autres atteintes aux droits de la personne au sein de ces grandes institutions publiques et de faire des efforts pour mettre en œuvre, même avec succès, ces mesures de redressement dans l’intérêt public.
Clinique d’aide juridique

Quelques voix se sont levées pour dire que la concentration des efforts de la Commission et du système dans son entier sur le traitement des plaintes individuelles nuit à leur capacité de s’attaquer aux problèmes systémiques.

..le problème avec le processus actuel, le problème qui mine les droits de la personne, le système ontarien de protection de ces droits, depuis des dizaines d’années, c’est que la Commission ploie sous le joug de l’obligation de consacrer une grande part de ses ressources et de son énergie au traitement de plaintes individuelles, ce qui entrave sa capacité de mener le genre d’activités sur lesquelles elle devrait justement se concentrer en matière de défense des droits de la personne, d’éducation du public et d’élaboration de politiques …
Avocat d’une partie plaignante

Certaines personnes ont par ailleurs fait remarquer que toute institution de protection des droits de la personne devrait avoir pour rôle primordial de promouvoir l’intérêt public dans le cadre du traitement des plaintes et des poursuites s’y rapportant.

Nous devons nous soucier de représenter, de défendre et de protéger l’intérêt public. Or, c’est à la Commission qu’il incombe dans une grande mesure d’assurer de la sorte la promotion de l’intérêt public en matière de droits de la personne, mais encore une fois, elle ne peut guère s’en occuper, vu qu’elle se consacre presque entièrement au traitement des plaintes individuelles. J’aimerais donc en quelque sorte faire savoir que je suis à absolument en faveur du maintien de la promotion de l’intérêt public dans le champ de compétence de la Commission.
Universitaire

Certains participants et participantes ont fait valoir que les plaintes individuelles ne sont pas le moyen le plus efficace d’essayer de remédier aux problèmes systémiques, ajoutant que les auteurs de ces plaintes, le personnel des cliniques d’aide juridique qui les conseille et les avocats qui les représentent, sont avant tout intéressés à régler les différends qui les concernent, et qu’en conséquence, les problèmes systémiques ou les questions d’intérêt public risquent d’être laissés pour compte. Divers membres du personnel de la Commission, en particulier, ont par contre fait remarquer que l’un des atouts du système actuel est qu’il prévoit la promotion de l’intérêt public dans le cours ordinaire du traitement des plaintes individuelles et qu’il permet ainsi de faire face aux problèmes systémiques : à leur avis, le système serait moins favorable à l’intérêt public s’il subissait une modification telle que les audiences d’arbitrage ne prévoiraient plus la participation d’une partie agissant principalement dans cet intérêt.

… en l’état actuel, en Ontario, la Commission elle‑même est une partie séparée et distincte aux audiences du Tribunal. En plus, le personnel de la Commission chargé de la médiation et des enquêtes a été formé à exiger des mesures de redressement général, dans l’intérêt public, au‑delà des intérêts particuliers des parties, avant même qu’une plainte ne soit renvoyée au Tribunal.

… Les avocats du privé et les cliniques d’aide juridique ne sont pas vraiment motivés à veiller à l’incorporation, dans le règlement des plaintes, de mesures de redressement dans l’intérêt public, ni à plaider en faveur de telles mesures lors de l’audition d’une plainte. Leurs efforts, et cela se comprend, sont surtout axés sur l’obtention d’un règlement favorable à leur cliente ou client. S’il est vrai que certaines parties plaignantes et les avocats qui le représentent souhaitent parfois inclure des mesures de redressement dans l’intérêt public au règlement de leur plainte, leur priorité est sans doute leur intérêt particulier, surtout lorsque l’intérêt public risque de faire échouer un règlement ou de nuire à leur plaidoyer devant le Tribunal.

Thèmes clefs

Les intervenants préconisent les approches systémiques de la promotion comme de la protection des droits de la personne et regrettent pour la plupart beaucoup que le système actuel ne s’y prête pas de façon optimale. De leur point de vue, tout examen et toute réforme du système de protection des droits de la personne devrait s’attacher de façon prioritaire à favoriser ces approches systémiques.

7. Les compétences, les connaissances spécialisées et la représentation des communautés

Les participantes et participants étaient en grande partie convaincus que les compétences et les connaissances spécialisées du personnel et des membres de la Commission, de même que des membres du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, sont insuffisantes et qu’il y aurait lieu de les améliorer. Plusieurs personnes ont insisté sur le fait qu’il faudrait prêter une plus grande attention aux compétences et aux connaissances spécialisées des personnes nommées membres de la Commission ou du Tribunal, ajoutant qu’il faudrait veiller à ce que le processus de nomination soit ouvert, transparent et basé sur des critères bien clairs.

Les commissaires devraient être choisis pour leur représentativité de leur communauté. Ils ou elles devraient être tenus de rendre compte de leurs décisions. Ce qu’il nous faut, ce sont des commissaires représentatifs de la population qui guident l’orientation des politiques de la Commission… Il faudrait entièrement revoir le processus de nomination.
Clinique d’aide juridique

Une personne a fait valoir que peu importe où et comment les décisions sont prises ou rendues, ce qui joue le plus sur leur qualité, ce sont les compétences et les connaissances spécialisées des décisionnaires et des autres personnes qui travaillent dans le domaine des droits de la personne.

… le lieu importe peu. Ce qui compte, ce sont les connaissances spécialisées et la compréhension des enjeux, un point c’est tout. Il nous arrive de suivre une affaire pendant des mois, une fois même pendant des années, pour finalement assister, frustrés au possible, à une audience où l’arbitre n’y voit que du feu, ne comprend rien à rien. Cet arbitre est supposé trancher le différend de façon indépendante et objective, mais bon, il y a un ordre du jour à suivre et moi, je fais quoi? Je me retrouve à dire à cette pauvre personne qui a porté plainte, « si nous avions affaire à une équipe… » – et ça, je l’ai dit devant la Commission et devant le Tribunal – « Donnez-moi une équipe de gens capables d’enquêter sur les questions de discrimination fondée sur la race et l’existence d’un handicap. Donnez‑moi une équipe de gens capables d’entendre ce genre de plaintes et de les trancher. Et donnez‑moi une équipe de commissaires qui comprennent les subtilités de ces plaintes. »
Clinique d’aide juridique

Pour ce qui est du personnel de la Commission, les personnes dont les compétences et les connaissances spécialisées ont surtout été mises en doute sont celles qui travaillent aux premières lignes, notamment dans les services de renseignements et d’accueil des plaintes, les services de médiation et les services d’enquête. Quelqu’un a fait remarquer que les questions d’atteinte aux droits de la personne sont aujourd’hui plus complexes que jamais et qu’en conséquence, le traitement des plaintes nécessite des compétences et des connaissances de plus en plus poussées.

Le système que nous avons aujourd’hui au Canada, centré sur une commission des droits de la personne, au fond, il date des années 40 et 50. L’idée était que des fonctionnaires assez subalternes fassent enquête sur des questions relativement simples, qui pouvaient se régler assez facilement… Il me semble que la réalité sociale de nos jours ne correspond plus du tout au contexte dans lequel le système s’inscrivait au départ. Autrement dit, le système actuel a été conçu à une époque et en fonction d’une réalité démographique qui sont révolues, et à mon avis, la seule façon de remédier aux tensions issues de cette situation est de revoir complètement la structure du personnel de la Commission et la répartition de ses tâches, la nature du travail accompli et les qualifications professionnelles requises pour le faire.
Spécialiste

Les participantes et participants représentant les groupes et organismes de défense des intérêts des personnes handicapées ont demandé que la Commission embauche du personnel chargé de faciliter la prise en considération des besoins des personnes handicapées et spécialement formé à cet effet. Quelqu’un a par exemple fait la recommandation suivante au sujet des besoins des personnes malentendantes, sourdes de naissance ou devenues sourdes :

Je recommande que la Commission et le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario embauchent des personnes spécialement formées, qui comprennent bien les besoins des personnes sourdes, devenues sourdes ou malentendantes et qui s’y montrent sensibles. Ces recrues devraient avoir pour rôle de communiquer avec les personnes qui s’expriment en langage gestuel lors de l’accueil des plaintes, de leur présélection, de l’organisation des réunions de médiation et des enquêtes.
Organisme communautaire

Certaines observations ont porté sur le fait que le personnel travaillant dans le domaine des droits de la personne et les décisionnaires dans ce domaine, y compris au sein du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, devraient être plus représentatifs des communautés auxquelles peuvent appartenir les parties plaignantes, afin d’être mieux à même de faire face à leurs besoins particuliers et de promouvoir une plus grande accessibilité du système.

J’ai l’impression que la Commission est dans l’ensemble inaccessible aux communautés autochtones … Je pense que la Commission pourrait remédier à cette situation, tout d’abord, en reconnaissant officiellement les différentes tribus présentes en Ontario, en se familiarisant avec elles et en saluant leurs particularités. La meilleure chose à faire pour cela serait de procéder à une restructuration interne, d’embaucher du personnel autochtone à tous les échelons, de recruter une ou un commissaire autochtone, de se pencher de plus près sur les obstacles qui ont jusqu’ici empêché pareils recrutements ou embauches, et enfin, d’adopter des approches spéciales pour la médiation et le règlement des plaintes concernant des personnes autochtones.
Membre de la Commission

Thèmes clefs

Quantité d’intervenants estiment que le personnel et les membres de la Commission et du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ne possèdent pas les compétences ni les connaissances spécialisées requises pour satisfaire aux exigences actuelles de leurs fonctions. Quelques voix se sont aussi levées pour dire que le personnel et les membres de la Commission et du Tribunal ne sont pas assez représentatifs des communautés auxquelles appartient leur clientèle. Il serait donc indiqué d’examiner les compétences, les connaissances spécialisées et la représentativité nécessaires au niveau du personnel et des membres des institutions ontariennes de protection des droits de la personne.