Rapport de l’enquête sur la délivrance de permis de logement locatif dans la ville de North Bay

1. Sommaire

Le règlement municipal de la ville de North Bay régissant la délivrance de permis autorisant les logements locatifs a été adopté le 1er janvier 2012 et est entré en vigueur le 1er mai 2012. Entre autres, ce règlement impose un nombre maximal de chambres à coucher, des exigences en matière de surface de plancher brute
et des droits d’obtention de permis pour certaines unité de logements locatifs.

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) se préoccupait du fait que le règlement municipal puisse réduire l’accès à des logements locatifs abordables et ainsi nuire aux groupes protégés par le Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) qui dépendent de l’accès à ce genre de logements. C’est pourquoi la CODP a entrepris une enquête pour en apprendre davantage.

Durant l’enquête, les résidents de North Bay ont fait part de nombreuses préoccupations à la CODP, y compris ce qui suit :

  • Des étudiants de sentaient visés par le règlement municipal et le processus entrepris (y compris le déroulement d’une assemblée publique sur le règlement municipal et le fait que ce processus débutait dans les secteurs habités en priorité par des étudiants).
  • L’exigence en matière de surface de plancher brute, le nombre maximal de chambres à coucher et les coûts associés à l’obtention du permis pourraient réduire l’accès des étudiants, familles nombreuses et autres personnes protégées par le Code à des logements.
  • Le processus d’exemptions au règlement municipal de la Ville pourrait favoriser la discrimination à l’endroit des personnes qui n’évoluent pas dans une « famille traditionnelle ».

La CODP a enquêté sur ces questions et d’autres questions semblables, et fait part de ses préoccupations à la Ville.

En ce qui a trait aux assemblées publiques et à la mise en application du règlement municipal, la Ville a indiqué ce qui suit :

  • Elle continuera de faire en sorte d’établir des règles de base avant le début des assemblées, où les participants seront clairement informés des objectifs
    de l’assemblée et comprendront bien que les commentaires discriminatoires ne seront pas tolérés.
  • Elle a établi un horaire de mise en application graduelle du règlement municipal à l’échelle de la Ville sur une période de quatre ans environ afin de gérer les défis sur le plan administratif.
  • La mise en application du règlement municipal débutera dans les secteurs de la Ville où le plus de plaintes ont été déposées.

En ce qui a trait à l’accès réduit des groupes protégés par le Code à des logements locatifs, la Ville a confirmé ce qui suit :

  • L’exigence en matière de surface de plancher brute ne s’applique pas à l’ensemble de l’immeuble. Si seulement 40 % de la surface du sous-sol et
    du rez-de-chaussée peuvent constituer des chambres à coucher, la totalité des étages supérieurs peuvent être des chambres à coucher.
  • La Ville a instauré des frais d’autorisation qui « ne permettent pas une récupération des coûts à 100 % » pour limiter les préjudices subis par les personnes concernées par le règlement municipal.

La Ville a aussi confirmé que le règlement municipal indique ce qui suit :

9.1 La ville de North Bay pourrait autoriser des dérogations à ce règlement municipal en ce qui a trait au nombre de chambres à coucher si :

9.1.1 dans l’opinion de la Ville, l’intention et l’objectif généraux du règlement municipal sont maintenus;

9.1.2 à l’origine, la maison individuelle a été construite de façon à contenir plus que le nombre maximum de chambres que permet le règlement municipal.

Cela signifie que :

  • Le règlement municipal stipule que les propriétaires peuvent faire application en vue d’obtenir une dérogation à l’exigence concernant le nombre maximal de chambres si la « construction originale » de leur bâtiment prévoyait un nombre de chambres supérieur à cinq.
  • Le règlement municipal stipule que les propriétaires peuvent faire application en vue d’obtenir une dérogation à l’exigence de 40 % de la surface de plancher brute (au rez-de-chaussée et au sous-sol) si la « construction originale » de leur bâtiment prévoyait que les chambres à ces étages occuperaient plus de 40 % de la surface de plancher brute.

Certains logements locatifs sont exemptés du règlement municipal. Des membres de la collectivité ont l’impression que ces exemptions sont uniquement dispensées aux logements occupés par des familles, et non par des étudiants. La Ville a expliqué à la CODP que les exemptions étaient basées sur le nombre de personnes qui habitent le logement et paient un loyer, et non sur le lien de parenté entre les membres du ménage. Cependant, une correspondance plus récente entre un représentant de la Ville et un locateur indiquait que des exemptions seraient offertes aux propriétés louées à des « familles traditionnelles ».

En ce qui a trait aux préoccupations additionnelles soulevées par la CODP, la Ville a indiqué ce qui suit :

  • Dans le cas où le règlement municipal force la fermeture de logements locatifs, la Ville « donnera aux occupants un délai raisonnable pour trouver un nouveau logement (au besoin) et procédera uniquement à l’expulsion immédiate des locataires en cas de risque grave pour la sécurité de la personne ».
  • « La Ville assure l’exécution des règles (comme le respect du présent règlement municipal) auprès du propriétaire des lieux, et intervient auprès des locataires uniquement lorsque cela est approprié (p. ex. infraction aux règles régissant le bruit).
  • La Ville procurera aux locateurs de l’information sur leurs responsabilités aux termes du Code, et ajoutera cette information à son site Web.
  • La Ville poursuivra le travail déjà entrepris « de sensibiliser le public au présent règlement municipal de toutes les façons appropriées et pertinentes ».
  • La Ville surveillera et évaluera le règlement municipal sur une base continue.

Dans le cadre de son travail d’examen du caractère discriminatoire du règlement municipal régissant la délivrance de permis autorisant les logements locatifs de North Bay, la CODP s’est penchée sur les aspects suivants :

  1. Dans quelle mesure les composantes du régime de délivrance de permis autorisant les logements locatifs créent-elles une distinction qui entraîne un préjudice pour certaines personnes?
  2. Dans quelle mesure ce préjudicie provient-il de l’association d’une personne à un motif de discrimination interdit par le Code?

Le règlement municipal prévoit des exemptions fondées sur le nombre de personnes payant un loyer. Ce critère est axé sur la personne plutôt que sur l’immeuble, et entraînera de la discrimination dans certains cas. La Ville devrait éliminer ce critère pour assurer le respect du Code.

Si la correspondance d’un représentant de la Ville (qui indique que les « familles traditionnelles » auront droit à une exemption) reflète le processus de demande d’exemption de la Ville, ce processus est discriminatoire et la Ville devrait le modifier pour assurer le respect du Code.

Selon l’information reçue durant l’enquête, il ne semblerait pas que d’autres aspects du règlement municipal soient discriminatoires.

La CODP félicite la Ville pour ses pratiques prometteuses (dont certaines sont présentées dans le document de la CODP intitulé Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs). Des recommandations sont présentées plus loin dans le présent rapport.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

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2. Méthodologie de l'enquête

L’enquête de la COPD avait pour but de déterminer si toute personne aurait fait l’objet de discrimination liée au Code dans le cadre du régime de délivrance de permis autorisant les logements locatifs en vigueur à North Bay. L’enquête a été menée en vertu des paragraphes 29 c) et e) du Code qui autorise la CODP à « entreprendre, diriger et encourager la recherche portant sur les pratiques discriminatoires et faire des recommandations en vue de leur prévention et de leur élimination » et à « procéder à des examens et à des enquêtes en ce qui concerne les situations de tension ou de conflit ».

Le mandat de la CODP englobe la protection des droits fondamentaux des personnes vulnérables en raison de leur âge, de leur état d’assisté social, de leur handicap, de leur état familial et d’autres facteurs. Les personnes vulnérables qui comptent sur les logements locatifs sont nombreuses. L’enquête visait à recueillir de l’information sur l’expérience de ces personnes face au règlement municipal en matière de délivrance de permis de logements locatifs et sur les processus et politiques en la matière mis en place par la municipalité.

2.1 Sondages et suivi des sondages

La CODP a eu recours à des sondages pour recueillir l’information auprès des locataires, des locateurs et des organismes d’aide aux résidents qui cherchent un logement locatif. Les interventions directes ciblées pour ce projet consistaient à afficher les sondages sur le site Web de la CODP et à faire parvenir les sondages directement par courriel aux organismes d’aide aux groupes vulnérables de la collectivité de North Bay.

Les soumissions anonymes n’étaient pas acceptées, mais la CODP s’est engagée à préserver la confidentialité des réponses. La CODP n’a pas fait part des sondages à des tierces parties.

Le sondage a eu lieu du 8 mars au 30 avril 2012. La CODP a reçu 188 sondages remplis par les locataires, locateurs et organismes de North Bay. La CODP a mené des entrevues de suivi par téléphone et par courriel auprès de certains participants immédiatement après la clôture du sondage et par la suite, au début de 2013.

Nous avions pour objectif de réunir les expériences vécues de la population quant à l’incidence du règlement municipal. Les sondages n’étaient pas conçus pour constituer un échantillon statistiquement représentatif de la collectivité, mais plutôt pour recueillir des données qualitatives. Les réponses ont fourni à la CODP des indications utiles sur les effets réels et potentiels du règlement municipal et sur le vécu des personnes qui ont répondu au sondage.

Dans la majorité des cas, les locataires sondés se sont identifiés comme des étudiants à temps partiel ou à temps plein, au collège ou à l’université. Ils étaient âgés de 16 à 25 ans et louaient une chambre dans des maisons. Les sources de revenus les plus souvent mentionnées par les locataires étaient les prêts du Régime d'aide financière aux étudiantes et étudiants de l'Ontario (RAFEO) et l’emploi.

2.2 Commentaires additionnels

La CODP avait affiché ses coordonnées sur son site Web pour quiconque aurait des questions ou des commentaires au sujet de l’enquête. Nous avons reçu cinq soumissions de propriétaires qui soulignaient leur point de vue et leurs préoccupations.

2.3 Documents divulgués par la municipalité

En vertu de l’alinéa 31(7)a) du Code, la CODP a demandé que la municipalité produise les documents à sa disposition qui ont trait à l’objectif du règlement municipal et à son application. La CODP a étudié les documents fournis par la municipalité, notamment des documents liés aux consultations publiques, des rapports, des plaintes liées au règlement municipal, des procès-verbaux de réunions du conseil municipal et des courriels envoyés par les employés de la Ville et à ces derniers.

2.4 Correspondance avec la municipalité

La CODP a correspondu avec la municipalité pour réclamer plus de détails, le cas échéant, afin de veiller à ce que la position de la municipalité soit fidèlement représentée dans ce rapport.

2.5 Autre information

La CODP a analysé l’information recueillie dans les sondages et les commentaires additionnels, par suite aux divulgations de documents et lors des discussions avec la municipalité. Elle s’est aussi penchée sur les données obtenues d’autres sources, dont des sources primaires et secondaires et des recherches en droit et en science sociale. Le rapport repose également sur de l’information recueillie durant les travaux antérieurs de la CODP en matière de logement, y compris des consultations à l’échelle de la province auprès de planificateurs, de groupes de locataires et un vaste éventail de représentants et d’organismes du secteur du logement.

Le présent rapport est fondé sur toutes les soumissions et toute l’information revues par la CODP durant l’enquête.

3. Généralités

3.1 Survol du règlement municipal de North Bay régissant la délivrance de permis autorisant les logements locatifs

Le règlement municipal est mis en application graduellement, la date d’application complète étant fixée à 2016. La première vague d’application du règlement municipal ciblait les quartiers à forte densité étudiante, c’est-à-dire les quartiers adjacents à l’Université de Nipissing et au Collège Canadore.

Pour obtenir un permis autorisant les logements locatifs de la ville de North Bay, un locateur doit s’assurer que les chambres situées au rez-de-chaussée ou au sous-sol d’une maison n’occupent pas plus de 40 % de la surface de plancher brute. Le paragraphe 9.1 du règlement municipal stipule que les propriétaires peuvent faire application en vue d’obtenir une dérogation à cette exigence de 40 % de la surface de plancher brute (au rez-de-chaussée et au sous-sol) si la « construction originale » de leur bâtiment prévoyait que les chambres à ces étages occuperaient plus de 40 % de la surface de plancher brute[1].

Le nombre maximal de chambres à coucher permises dans un logement locatif est fixé à cinq, mais la Ville peut, en vertu du paragraphe 9.1 du règlement municipal, autoriser une dérogation permettant de dépasser cette limite, si les plans originaux de la maison prévoyaient plus de chambres à coucher.

Les maisons qui louent six chambres à coucher ou plus et qui n’ont pas reçu de dérogation doivent obéir aux règlements visant les « maisons de chambre », conformément au règlement municipal de zonage de la municipalité. Les maisons de chambre sont autorisées seulement dans les zones où ce type de logement est permis; elles ne sont pas autorisées dans les zones à « faible densité ».

Les droits d’obtention d’un permis sont de 300 $ et les renouvellements, tous les deux ans, s’élèvent à 300 $. Les droits d’obtention d’un permis incluent les frais d’inspections par le Service de la construction, le Service d’incendies et le Service de planification de la Ville. Une inspection par l’Office de la sécurité des installations électriques (OSIE), dont le coût est de 300 $, est également exigée[2].

Pour obtenir un permis, le locateur doit fournir à la municipalité un dossier contenant les documents suivants : plans d’étage, d’entretien et de stationnement; preuve d’assurance; déclarations de conformité du chef du Service d’incendies, du directeur départemental de la construction, de l’administrateur du zonage et de l’OSIE; relevé des condamnations en vertu du règlement municipal relatif au bruit du coordonnateur de l’application des règlements municipaux de la Ville, et reçus de paiement de toutes les amendes reçues.

Les locateurs qui ne suivent pas le règlement municipal sont sujets à la perte ou à la suspension de leur permis, ou à une amende pouvant s’élever à 25 000 $ pour une première infraction (personne) ou à 50 000 $ pour une première infraction (corporation). Les infractions subséquentes sont accompagnées d’amendes plus élevées.

3.2 Motifs du règlement municipal

D’après le règlement municipal, les permis autorisant les logements locatifs à North Bay visaient à :

  • Protéger la santé et la sécurité des locataires
  • Assurer que les services essentiels tels que la plomberie, le chauffage et l’eau courante soient fournis aux locataires
  • Assurer que les logements locatifs « ne soient pas une nuisance pour les maisons voisines ni pour le quartier »
  • Protéger le confort, la réputation et la stabilité des zones résidentielles[3].

Il semble qu’une série de plaintes déposées par les propriétaires au sujet des logements locatifs aient été à la source du règlement municipal. Ainsi, un rapport du conseil municipal rédigé en 2011 souligne ce qui suit :

La ville de North Bay reconnaît le besoin de composer avec divers problèmes qui existent dans la ville de North Bay liés aux logements locatifs. Cela découle d’une série de plaintes reçues depuis de nombreuses années portant sur les conflits au sujet de problèmes liés ou non aux étudiants qui vivent dans les quartiers résidentiels de la Ville, et de leur résolution[4].

La CODP a pris connaissance de plaintes soumises à la municipalité. Les plaintes étaient de nature variée, mais la majorité portait sur le bruit et l’entretien des propriétés louées par les étudiants.

Les préoccupations citées par les propriétaires dans leur soumission à la CODP et dans la correspondance avec le personnel de la ville de North Bay étaient notamment :

  • Stationnement : « L’absence d’espaces de stationnement représente un danger éventuel de santé et de sécurité, car le surplus de véhicules bloque
    la rue, empêchant par le fait même le passage des véhicules d’urgence[5]. » 
  • Vol : « … vol des luminaires de jardin ou des lumières de Noël[6]… »
  • Bruit : « … bruit des courses de chariots d’épicerie ou musique tonitruante ou cris et jurons à toutes heures du jour ou de la nuit et au petit matin[7]... »
  • Ordures et consommation d’alcool en public : « J’ai même vu ces personnes marcher dans la rue en buvant de l’alcool sans considération pour l’endroit
    où ils jetaient leurs bouteilles vides, me laissant la “responsabilité” de ramasser les bouteilles de bière vides et brisées sur mon terrain[8]. »
  • Mauvais entretien de la propriété : « Les portes de garage sont brisées, les pelouses sont pleines d’ornières et les dommages externes divers sont
    le lot de beaucoup de ces propriétés[9]… »
  • Préoccupations selon lesquelles les quartiers « familiaux » se convertissent en ghettos étudiants : « Nous, les propriétaires/résidents, qui avons investi nos économies de toute une vie dans nos maisons n’avons aucunement l’intention de déménager, car nous avons encore espoir que ce quartier ne se transforme pas en ghetto étudiant. Nous nous attendons à ce que la ville de North Bay prenne des mesures plus musclées pour mettre un terme à la prolifération de
    ce type de résidences et pour remettre le quartier aux familles[10]. »

Alors que certains étudiants ayant répondu au sondage n’ont pas entendu de commentaires négatifs dans la collectivité au sujet des étudiants locataires, ou ont entendu des commentaires positifs, d’autres ont partagé leur inquiétude quant aux commentaires négatifs qu’ils ont entendus.

Par exemple, une étudiante locataire a rapporté qu’elle avait entendu « [u]n point de vue péjoratif typique sur la présence d’étudiants dans les “quartiers familiaux” ». Un autre étudiant a rapporté que « beaucoup de résidents du quartier voient les étudiants comme une nuisance pour le quartier ».

Un étudiant a rapporté : « Beaucoup de personnes n’aiment pas les étudiants à cause d’une faible minorité qui ont causé des problèmes de bruit et d’autres perturbations dans le passé. » Un autre étudiant a indiqué à la CODP :

Certains voisins ont une antipathie pour les étudiants, on nous voit strictement comme des fêtards, alors que ce n’est pas vrai. Il y a des voisins qui ne nous adressent pas la parole à cause de leurs idées préconçues. C’est difficile de rencontrer et de connaître nos voisins.

Certains étudiants étaient d’avis qu’ils étaient la cible spécifique du règlement municipal. Ainsi, un étudiant a indiqué que le règlement municipal « est injuste et conçu pour limiter les logements locatifs aux étudiants... » Un autre étudiant a indiqué à la CODP :

… ce règlement municipal est une façon dont la Ville veut faire plaisir aux propriétaires, mais je pense qu’il existe déjà des règlements municipaux que la Ville choisit de ne pas appliquer. On a donc opté pour créer un nouveau règlement municipal qui cible un groupe en particulier : les étudiants, afin « d’atténuer » le problème plutôt que d’appliquer simplement les règlements municipaux existants relatifs au bruit, aux ordures et au stationnement. C’est une injustice, surtout parce que le règlement municipal aura une incidence négative sur North Bay alors que moins d’étudiants et moins de locateurs choisiront de vivre ici parce qu’ils sont incapables de trouver un logement abordable, ou le locateur ne peut se permettre d’acheter une maison seulement pour héberger quelques étudiants.

Certains étudiants qui ont répondu au sondage ont signalé que la ville de North Bay semblait ignorer leur contribution à la vie communautaire. Un répondant a indiqué :

La population étudiante consiste en un grand nombre de personnes dans une très petite municipalité… nous dépensons notre argent ici, nous faisons du bénévolat, nous contribuons au bien de la collectivité en faisant toutes sortes de choses.

Un autre étudiant a tenu les propos suivants :

Il faut changer la perception selon laquelle les étudiants ne sont qu’un groupe d’enfants terribles; nous travaillons et étudions fort, nous avons des emplois et faisons du bénévolat de toutes sortes dans la collectivité, tout cela alors qu’on assiste à des cours et prenons le temps de profiter de notre vie universitaire ou collégiale.

Comme mentionné plus haut, la municipalité a reçu des lettres de propriétaires préoccupés par la transformation des quartiers à maisons « unifamiliales » en « ghettos étudiants ». Les préoccupations de ce genre ne doivent pas constituer le fondement des règlements municipaux en matière de logements locatifs. Les municipalités doivent plutôt encourager le zonage inclusif et tenter de changer les stéréotypes au sujet d’un groupe, ou de groupes, en particulier.

En réponse à une lettre de la CODP qui demandait à la municipalité de commenter l’esprit du règlement municipal en matière de logements étudiants, la Ville a énoncé ce qui suit : 

L’esprit du règlement municipal est de réglementer les logements locatifs. Le règlement municipal ne cible pas les étudiants en particulier ni d’ailleurs aucun groupe protégé par le Code. Le concept du règlement municipal pourrait découler de plaintes au sujet de logements loués par des étudiants, toutefois, cela ne signifie en rien que l’esprit du règlement municipal consiste à réglementer les logements loués par les étudiants. Ces types de logements ne sont qu’un type dans le marché global de l’immobilier de notre région. Le règlement municipal entend compléter les autres règlements adoptés par la ville de North Bay et aider à maintenir la réputation des quartiers résidentiels[11].

La CODP reconnaît que la municipalité a répété à plusieurs reprises qu’elle ne pouvait cibler les étudiants. Ainsi, les représentants de la Ville ont expliqué dans leurs réponses aux plaintes reçues par courriel des locateurs que la municipalité ne pouvait pas empêcher les étudiants de vivre dans un quartier donné et qu’elle ne pouvait pas adopter de règlements municipaux empêchant un groupe d’étudiants de louer une maison[12].

3.3 Solutions de rechange au règlement municipal

Comme décrit précédemment, la Ville a déterminé que les objectifs de son règlement municipal étaient de protéger la santé et la sécurité des locataires, de prévenir la nuisance et de protéger le confort, la réputation et la stabilité des zones résidentielles.

Des outils autres que le règlement municipal existent pour atteindre ces objectifs. Ainsi :

  • Des dispositions existent déjà dans le Code de prévention des incendies et dans le Code du bâtiment pour protéger la santé et la sécurité des locataires.
  • En 2009, la municipalité a appuyé une initiative entre la communauté universitaire et la population locale qui organisait des inspections volontaires des logements offerts sur les sites Web de logements hors-campus de l’Université de Nipissing et du Collège Canadore. Le plan consistait à mener des inspections volontaires dont les résultats pouvaient être affichés en ligne (pour que les étudiants puissent choisir les logements les plus sûrs), mais l’initiative n’a jamais décollé[13].
  • Un représentant de la Ville a noté qu’en 2009, la municipalité avait reçu « un nombre sensiblement réduit de plaintes » relatives aux services et aux normes du bâtiment, et que « cette réduction était due significativement à la sensibilisation du public – la présence dans la Ville des agents chargés de l’application des règlements municipaux n’était pas passée inaperçue. » Ce représentant de la Ville a poursuivi en disant que la création d’un « bon comité de logements de quartier » avait aussi eu une « incidence très positive sur les problèmes de logements loués aux étudiants dans la collectivité »[14].
  • Les patrouilles à bicyclette des Services policiers de North Bay en septembre 2011 semblent avoir réduit les problèmes de bruit. Des documents divulgués par la municipalité révèlent que son personnel a reçu des commentaires positifs des locateurs au sujet de cette initiative[15].
  • Un conseil étudiant a proposé la mise sur pied de fêtes de quartier ou d’autres événements visant à rapprocher les propriétaires et les étudiants (comme des comités étudiants/propriétaires) pour atténuer la tension[16].

La municipalité a cependant répondu que le règlement municipal était nécessaire à son régime réglementaire en matière de logements locatifs. Elle a d’ailleurs déclaré :

Le règlement municipal vient compléter les autres règlements adoptés par la ville de North Bay dans le but d’aider à maintenir la réputation des zones résidentielles bien établies. Nous avons appliqué les règlements déjà en place et continuons de communiquer avec le public afin de le renseigner sur ce règlement municipal[17].

La municipalité est d’avis que son règlement municipal produit des résultats positifs. Elle fait d’ailleurs le commentaire suivant : 

Par l’administration de ce règlement municipal, la ville de North Bay protège les droits d’accès des locataires à certains services, en vertu du Code du bâtiment de l’Ontario, y compris un niveau acceptable de prévention des incendies dans le bâtiment, de santé et de sécurité dans l’utilisation du bâtiment, de conditions de vie à l’intérieur, d’intimité et de vue à l’extérieur et de conservation du bâtiment. Ces objectifs sont tous clairement définis par le Code du bâtiment de l’Ontario que l’on peut trouver dans le Tableau 2.2.1.1, Division A, Partie 2… du Code du bâtiment de l’Ontario et constituent le fondement des exigences obligatoires[18].

La municipalité a fourni à la CODP les résultats d’inspections qui ont été effectuées à ce jour dans le cadre du programme de délivrance de permis autorisant les logements locatifs. Ces inspections ont relevé des résultats non conformes dans plus du quart des bâtiments inspectés. Parmi ces lacunes, soulignons la non-conformité aux normes établies par l’Office de la sécurité des installations électriques, des appartements illégaux soulevant des problèmes de zones de protection, l’absence ou un nombre insuffisant de détecteurs de fumée et de monoxyde de carbone, des problèmes de sécurité liés à des chambres situées au sous-sol, des problèmes d’aération, l’absence de main courante ou main courante brisée, des problèmes de coupe-froid, des terrasses ou escaliers extérieurs dangereux, l’absence d’un dispositif de fermeture automatique entre la résidence et le garage adjacent et des problèmes structuraux[19].

3.4 Application du règlement municipal

Dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, la CODP recommande que les municipalités qui envisagent d’adopter un règlement municipal pour la délivrance de permis autorisant les logements locatifs organisent des consultations auprès des groupes qui seront probablement touchés par un règlement municipal de cette nature, par la voie d’assemblées générales accessibles et bien publicisées et d’interventions directes ciblées sur les groupes vulnérables ou marginalisés[20].

La municipalité a organisé des consultations avant que le règlement municipal n’entre en vigueur. Les étudiants se sont dits préoccupés par le moment choisi pour tenir ces consultations (les assemblées ont eu lieu en mai et en juin, alors que de nombreux étudiants avaient quitté North Bay pour l’été) et la faible participation des étudiants au processus. Bien qu’un grand nombre de locataires interrogés fussent au courant du règlement municipal avant son adoption, beaucoup ignoraient l’existence du processus de consultation organisé par la municipalité à l’égard de celui-ci.

La CODP a reçu une soumission d’un propriétaire qui affirmait ce qui suit :

Le règlement municipal a été créé en consultation avec les locateurs de logements locatifs, les locataires, le Collège, l’Université, le Service d’incendies, les Services policiers, les conseils étudiants et les propriétaires. La contribution de toutes les parties a été prise en compte. À toutes les étapes, la ville de North Bay a organisé des assemblées générales pour informer toutes les parties des options envisagées et des objections, et les améliorations suggérées étaient évaluées et prises en compte…

Les documents divulgués à la CODP par la municipalité montrent que, entre environ 2008 et 2011, celle-ci a tenu des séances de consultation sur le règlement municipal. Dans une lettre datée du 28 mars 2012 à la CODP, la municipalité décrit ses séances de consultation comme étant étendues[21] et indique qu’elle a rencontré « une grande variété de groupes d’intérêt, dont des locateurs de logements locatifs, des locataires, des résidents de quartiers, des cliniques d’aide juridique, le Conseil d’administration des services sociaux du district de Nipissing, les Services policiers de North Bay, l’administration et le syndicat étudiant du Collège Canadore, l’administration et le syndicat étudiant de l’Université de Nipissing et divers Services municipaux responsables d’appliquer les règlements municipaux »[22]. La Ville a également indiqué qu’elle avait tenu des assemblées publiques pour discuter du règlement municipal, et que tous les membres de la collectivité y avaient été les bienvenus[23]. De plus, la municipalité a indiqué que : « l’élaboration du règlement municipal faisait l’objet d’une grande couverture dans les médias locaux et quiconque sentait que le règlement municipal allait le toucher pouvait s’adresser à un membre du personnel de la Ville ou au conseil municipal directement »[24].

Il semble que la publicité et le moment choisi par la Ville pour tenir les assemblées publiques n’étaient pas optimaux, mais l’étendue de la sensibilisation était appropriée.

Dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifsla CODP recommande que les règlements municipaux sur la délivrance de permis soient mis en application uniformément et sans discrimination[25].

La municipalité a introduit son règlement municipal dans les zones de la municipalité à forte densité étudiante. Elle a prétendu que le processus ne vise pas les étudiants, mais que l’approche graduelle a été plutôt choisie pour permettre l’allocation appropriée des heures de travail et des ressources, et pour veiller à la bonne transition du règlement municipal dans la collectivité. La municipalité a signalé avoir reçu le plus grand nombre de plaintes des quartiers où le règlement municipal a été appliqué en premier.

Le règlement municipal est entré en vigueur le 1er mai 2012, mais un rapport des médias daté du 14 septembre 2012 énonce :

Entre 45 et 50 permis ont été délivrés ou seront bientôt délivrés. Cependant, la Ville a indiqué que plus de 200 locateurs devraient maintenant avoir reçuleur permis[26].

Un rapport des médias daté du 13 janvier 2013 indiquait que 84 permis avaient été délivrés ou seraient bientôt délivrés[27].

L’absence d’observance immédiate ou généralisée des locateurs a empêché, pour le moment, la CODP de mesurer avec exactitude l’impact du règlement municipal.

3.5 L’environnement actuel des logements locatifs

Dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifsla CODP indique :

Conformément à l’énoncé de principe provincial de 2005[28], les municipalités doivent permettre une diversité appropriée de types de logement et de densités requises pour satisfaire les exigences projetées de résidents actuels et futurs, notamment en établissant et en faisant appliquer des cibles minimales pour la prestation de logements abordables à la fois pour les foyers à faible revenu et à revenu moyen[29].

Locataires et organismes sont intervenus durant l’enquête de la CODP; ils ont soutenu que l’environnement actuel des logements locatifs est difficile; les loyers sont à la hausse et le parc des logements locatifs est à la baisse. Ainsi, un organisme a fait observer que le marché des logements locatifs est « continuellement problématique, le coût des loyers étant élevé et le nombre de logements à louer étant bas ».

Un autre organisme a fait remarquer que les locataires « paient 650 $ par mois pour une chambre avec salle de bain partagée avec 5 ou 6 autres chambres ». L’organisme a soutenu qu’il était difficile de louer un logement en fonction « d’un handicap, du statut d’assisté social et de la race » et que « les locateurs préfèrent faire leur argent auprès des étudiants qu’auprès des personnes handicapées ».

Une étudiante chef de famille monoparentale a émis le commentaire suivant :

À North Bay, les locateurs sont très difficiles à l’égard des personnes qu’ils acceptent comme locataires... Un locateur m’a dit qu’il ne voulait pas me louer son logement parce que j’avais un adolescent. Il a dit que les adolescents « se regroupent dehors trop longtemps et sont bruyants ».

Quand je suis arrivée à North Bay, j’étais temporairement bénéficiaire de l'aide sociale de l’Ontario. Personne ne voulait me louer un appartement parce que je faisais partie du système. J’ai donc loué un logement que je n’aimais pas. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai cherché un meilleur logement et j’ai trouvé que les locateurs étaient beaucoup plus enclins à me louer parce j’avais un revenu d’emploi. »

Une étudiante chef de famille monoparentale a avancé :

Presque tous les logements locatifs offerts s’adressent aux étudiants (une seule chambre dans une résidence ou un appartement partagé).

D’un autre côté un étudiant a dit que « [l]e taux d’inoccupation dans cette Ville est très faible » et un autre a confié à la CODP :

Je suis déménagé à cause de la hausse du loyer. Mon locateur a augmenté notre loyer de 400 $ et a exigé que nous ajoutions une autre chambre. On n’a pas pu trouver une autre personne, alors on s’est séparé et on est déménagé ailleurs. Ma portion du loyer était de 525 $ et elle est maintenant de 795 $ pour mon nouvel appartement...

Certains étudiants ont souligné la difficulté de trouver un logement abordable près de l’école. Par exemple, un étudiant locataire a soutenu :

Il n’y a pas beaucoup de résidences près de l’école et lorsqu’il y en a, elles sont trop chères, à moins que ce ne soit des logements à faible revenu ou que beaucoup d’étudiants l’occupent.

La municipalité a fait observer que :

Nous avançons que [toute hausse des loyers et du taux d’inoccupation des logements locatifs] n’est pas liée à l’application du règlement municipal sur les logements locatifs. Le taux d’inoccupation dans la municipalité, tel que rapporté par la S.C.H.L., est passé de 2,3 % en avril 2010 à 1,1 % en avril 2011, puis à 2,4 % en avril 2012… Cela signifie qu’il serait plus facile de trouver un logement locatif après l’application du règlement municipal. Au bout du compte, il sera toujours difficile de trouver un logement locatif dans les quartiers enviables, simplement en raison de l’offre et de la demande et de la possibilité qu’ont les locateurs d’exiger des loyers plus élevés pour cette raison[30].


 

[1] Confirmé par une lettre du conseil municipal à la CODP, 2 avril 2013.

[2] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[3] La Corporation de la ville de North Bay, règlement municipal no 2012-55, règlement municipal sur les permis autorisant les logements locatifs, p. 2.

[4] Rapport numéro CSBU 2011-36 au conseil municipal, 28 février 2011, p. 1.

[5] Courriel d’un résident de North Bay à la CODP, 13 mars 2012.

[6] Courriel d’un résident de North Bay à la CODP, 16 mars 2012.

[7] Courriel d’un résident de North Bay à la CODP, 16 mars 2012.

[8] Courriel d’un résident de North Bay à la CODP, 14 mars 2012.

[9] Courriel à la Ville, 29 avril 2011.

[10] Correspondance d’un résident au conseil municipal et au maire de North Bay, réacheminé par courriel le 3 octobre 2010.

[11] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[12] Courriels du personnel de la Ville, 1er octobre 2010.

[13] Procès-verbal de la réunion entre la communauté universitaire et la population locale, 14 septembre 2009, p. 2-3; Lettre à la CODP, 28 septembre 2012.

[14] Courriel du personnel de la Ville, 27 janvier 2010.

[15] Courriels au personnel de la Ville, 5 septembre 2011 et 13 septembre 2011.

[16] Lettre du conseil étudiant à la Ville, non datée.

[17]Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[18] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[19] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[20] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 2.

[21] Lettre du directeur municipal de la Ville au directeur exécutif de la CODP datée du 28 mars 2012.

[22] Dans une lettre datée du 13 août 2012 à la CODP, la Ville a réitéré qu’elle tenait « régulièrement » des rencontres  avec le Collège Canadore et l’Université de Nipissing au sujet des logements locatifs aux étudiants et du règlement municipal.

[23] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[24] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[25] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 4.

[26] Gord Young, North Bay Nugget, “City enforcing housing bylaw…” 14 septembre 2012.

[27] Gord Young, North Bay Nugget, “Recent bylaw moves into second phase…” 13 janvier 2013.

[28] Énoncé de principe provincial, Gouvernement de l’Ontario, 2005, section 1.4 (Logements).

[29] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 5.

[30] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

 

4. Impacts rapportés

Durant l’enquête, la CODP a entendu les préoccupations des locataires et des locateurs, entre autres, à propos de ce qui suit :

  • Assemblées au sujet du règlement municipal
  • Nombre maximal de chambres à coucher
  • Exigences en matière de surface de plancher brute
  • Coût liés au règlement municipal
  • Exemptions au règlement municipal.

4.1 Assemblées

Certains étudiants qui ont répondu au sondage ont mentionné certains commentaires qui auraient été faits par des participants aux assemblées publiques organisées par la ville de North Bay le 11 mars 2012. Un étudiant présent a communiqué ce qui suit :

J’étais un des deux étudiants présents à l’assemblée et à mon avis nous avons été attaqués verbalement. Chaque commentaire que nous avons fait au sujet du règlement municipal, ou sur le fait qu’il contrevenait aux droits, a été la risée. C’était très impoli et j’ai honte de vivre dans une Ville et de faire tourner son économie sans que personne n’ait aucun respect pour les étudiants. Ce ne sont pas tous les étudiants qui sont « chien et cochon » comme ils disent. Ils disent que les étudiants les terrifient, que nous avons tous perdu le contrôle... Cette assemblée était très négative et j’étais personnellement choqué et très en colère en retournant chez moi.

Dans une communication à la CODP, la municipalité a expliqué que les commentaires « n’étaient pas tolérés par le personnel de la Ville... [et] que celui-ci s’est entretenu précisément avec les étudiants présents pour les [assurer] de ce fait[31]. » 

En réponse à une recommandation préliminaire de la CODP selon laquelle la Ville devrait « établir les règles de base avant le début des assemblées, où les participants sont clairement informés des objectifs de l’assemblée, et comprennent bien que les commentaires discriminatoires ne seront pas tolérés », la Ville a indiqué que « ce processus est continuellement en place à toutes les assemblées publiques »[32].

Comme mentionné dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, la CODP demande aux municipalités, y compris North Bay, d’établir des règles de base dès le début des assemblées pour indiquer que le langage discriminatoire ne sera pas toléré et s’opposer activement à ce type de langage en l’interrompant lorsqu’il survient[33]. Cela doit être fait en public, devant tous les participants, pour bien faire comprendre à tout l’auditoire que le langage discriminatoire est inacceptable.

4.2 Nombre maximal de chambres à coucher

Dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, la CODP recommande aux municipalités d’éviter d’inclure des exigences sur le nombre de chambres maximales au règlement municipal régissant la délivrance de permis.[34]

À l’origine, la ville de North Bay a proposé de limiter à quatre le nombre de chambres permises, mais a augmenté cette limite en raison des commentaires reçus lors de ses consultations. Lors d’une assemblée publique du conseil de la municipalité qui a eu lieu le 29 juin 2011, le personnel de la Ville a expliqué que la décision de faire passer le nombre maximal de chambres de quatre à cinq avait « en partie pour but de minimiser le nombre de personnes perdant leur logement en raison du règlement municipal ».

Le personnel « a estimé à 250, environ, le nombre de personnes pouvant perdre leur logement, un chiffre qui doublerait probablement si le nombre maximal de chambres passait à quatre »[35]. Dans une lettre à la CODP, la Ville indiquait qu’en faisant passer
le nombre maximal de chambres de quatre à cinq :

[L]a Ville tentait de réduire les répercussions perçues du règlement municipal sur le logement locatif tout en gérant aussi son incidence sur les locateurs. Le changement apporté n’avait pas simplement pour but de régler la question de la perte de logement. La Ville cherchait plutôt à accroître les possibilités en matière d’hébergement locatif sûr[36].

En réponse à une demande de clarification de la raison d’être du nombre maximal de cinq chambres de la part de la CODP, la Ville a indiqué ce qui suit :

À mesure que les immeubles construits à l’origine en vue de servir de maisons unifamiliales sont convertis en ce qui constitue par définition des maisons de chambre et des pensions, la ville de North Bay doit veiller à ce que le niveau de rendement de ces immeubles soit optimal[37].

D’un autre côté, les réponses au sondage indiquent que l’établissement d’un nombre maximal de cinq chambres pourrait avoir un effet néfaste sur certains locataires. Un locataire sondé a parlé du fait d’avoir à composer avec l’incertitude :

Beaucoup de logements près de l’école avaient auparavant plus de cinq chambres. Certains endroits louent encore plus de cinq chambres. Par mesure de précaution, je refuse d’envisager d’aménager dans un logement loué à plus de cinq étudiants parce que je ne voudrais pas me retrouver sans logement. Pour cette raison, j’ai eu de la difficulté à trouver un logement près de l’école.

Des étudiants ont dit craindre de perdre leur logement en raison de l’exigence relative au nombre maximal de chambres à coucher, et de voir leurs colocataires perdre leur logement. Par exemple, un étudiant locataire a soutenu :

En ce qui concerne le règlement municipal, six personnes vivent dans notre maison. Le règlement municipal obligerait l’un d’entre nous à déménager et peut-être nous empêcherait même d’utiliser toutes les chambres de la maison. Tout cela causerait du stress à des étudiants à temps plein qui sont déjà très occupés à tenter de poursuivre des études.

Comme l’a affirmé un étudiant :

Un étudiant/colocataire devra quitter le logement afin que nous puissions respecter le nouveau règlement municipal. Nous sommes tous de bons amis et ne laisserions pas l’un d’entre nous quitter seul. Deux personnes seront donc obligées de quitter.

La CODP a tenté sans succès d’obtenir des renseignements à jour sur la situation dans ces logements pour savoir si des personnes avaient été obligées de quitter les lieux en bout de ligne.

Des personnes ont aussi fait part à la CODP de leurs préoccupations selon lesquelles l’établissement d’un nombre maximal de chambres pourrait réduire l’offre en matière de logements dans North Bay. Un étudiant locataire a affirmé ce qui suit :

Bien que j’apprécie et approuve le fait que les logements locatifs ont maintenant besoin d’être inspectés et approuvés avant que les locateurs puissent les louer, je me préoccupe des limites imposées sur le nombre de chambres par maison. J’ai vue beaucoup de logements locatifs à North Bay qui comptent plus de cinq chambres à coucher (les logements à six chambres sont relativement courants) de bonne taille et assez d’espaces communs. Le nombre de locataires devra maintenant être réduit dans ces logements. Plus d’étudiants seront donc à la recherche d’un logement, ce qui augmentera la demande en matière de logements étudiants, déjà trop forte. Cette demande accrue ne pourra pas être comblée.

D’autres personnes ont réitéré cette préoccupation. Ainsi, un locateur sondé a formulé les propos suivants dans un premier temps :

Pour respecter le règlement municipal, je dois cesser de louer une chambre, c'est-à-dire réduire mon nombre d’étudiants de 30 è 25. En raison du règlement municipal, cinq étudiants perdraient l’accès à un logement abordable de grande qualité… Si je dois réduire de un le nombre de locataires dans mes cinq logements, le nombre de places offertes dans des unités locatives diminuera et je devrai augmenter le loyer des locataires restants pour compenser ma perte de revenus. Et si je ne peux pas compenser cette perte, je vendrai les logements.

Cependant, durant un récent suivi, ce locateur a rapporté à la CODP avoir demandé et obtenu une dérogation relativement au nombre maximal de chambres. Aucune place n’a donc été perdue dans ses logements.

Il semblerait que les facteurs suivants puissent atténuer les répercussions de l’exigence concernant le nombre maximal de chambres :

  • Des dérogations sont offertes pour les propriétés comptant à l’origine plus de cinq chambres
  • Les propriétés comptant plus de cinq chambres peuvent conserver leur nombre de chambres actuel « si elles sont situées dans un secteur où sont permises les maisons de chambres »[38]
  • Le règlement municipal ne limite pas le nombre de personnes pouvant occuper une chambre.

L’information présentée jusqu’à présent à la CODP ne permet pas d’établir que le nombre maximal de chambres prévu a causé à certaines personnes un préjudice en raison de leur association à un motif de discrimination interdit aux termes du Code.

4.3 Exigences en matière de surface de plancher brute

Comme l’indique Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, les municipalités devraient éviter d’imposer des exigences arbitraires qui sont plus strictes que les règlements du Code du bâtiment et pourraient contrevenir au Code des droits de la personne[39].

Deux étudiants locataires sondés ont indiqué que leur locateur leur avait dit qu’ils devaient cesser d’utiliser une chambre du logement en raison de l’exigence du règlement municipal en matière de surface de plancher brute. Les deux locataires ont quitté le logement pour des raisons non liées au règlement municipal et n’ont donc pas, en bout de ligne, subi les contrecoups du règlement municipal.

De nous expliquer un autre étudiant :

Le règlement municipal de North Bay indique que pas plus de 40 % de la surface de plancher brute totale d’un logement située au rez-de-chaussée et au sous-sol ne peut être consacrée à des chambres à coucher. En raison de ce facteur, un (1) des cinq (5) locataires de notre maison devra quitter sa chambre au sous-sol. Malheureusement, en plus de perdre un ami qui devra se trouver un nouveau logement, les quatre (4) locataires restants verront leur loyer augmenter de 25 % pour compenser la perte du 5e locataire. Cela accroîtra de beaucoup le coût de nos loyers respectifs et pourrait nous faire perdre le logement parce que nous ne serions plus en mesure d’en payer le loyer.

La CODP a été incapable de faire un suivi auprès de cet étudiant pour confirmer qu’un locataire avait bel et bien dû quitter le logement[40].

Dans le sondage, certains locateurs ont indiqué avoir eu à réduire le nombre de chambres ou d’unités à louer dans leurs immeubles, à accroître le loyer de l’une ou l’autre de leurs chambres ou unités locatives, ou à prendre ces deux types de mesures, en raison de l’exigence en matière de surface de plancher brute du règlement municipal.

Par contre, le fait que les immeubles prévoyant au moment de leur construction des chambres à coucher sur plus de 40 % de la surface du rez-de-chaussée et du sous-sol peuvent obtenir une dérogation, et que cette exigence ne touche pas les étages supérieurs, vient contrer les arguments des étudiants et locateurs.

En bref l’enquête n’a pas produit d’information permettant d’établir que l’exigence en matière de surface de plancher brute a causé à certaines personnes un préjudice en raison de leur association à un motif de discrimination interdit aux termes du Code.

4.4 Coûts liés au règlement municipal

Dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, la CODP aborde la question des coûts liés au règlement municipalPlus précisément, elle souligne la nécessité d’établir un lien raisonnable entre le coût du service et les frais imposés, et exhorte les municipalités à se rappeler que le fait de refiler aux locataires les frais associés à la délivrance de permis pourrait occasionner une hausse des loyers[41].

Certains locateurs sembleraient augmenter leurs loyers en raison du règlement municipal. Comme l’expliquait le locateur d’un logement, « je m’attends à augmenter le loyer de 25 $ à 50 $ par locataire pour couvrir les coûts associés à l’obtention du permis ». Un locateur possédant plusieurs propriétés a récemment rapporté que le coût moyen de l’obtention du permis pour une propriété allait de 1 000 $ à 1 200 $, selon sa propre expérience et celle d’autres locateurs qu’il connaît à North Bay.

Selon la Ville, « si un locateur tente de récupérer les frais associés au règlement municipal, soit 300 $ pour la Ville et 300 $ pour l’OSIE, le coût total refilé aux locataires ne devrait pas s’élever à plus de 5 $ par mois, par locataire (en supposant qu’il y a un locataire par chambre) [600 $/12 mois = 25 $/mois /5 chambres à coucher = 5 $ par chambre à coucher] ».La Ville fait remarquer qu’« il y a peut-être d’autres façons d’expliquer les hausses des loyers, y compris l’inflation, le désir des locateurs de tout simplement accroître leurs profits, l’offre et la demande, et les coûts associés au respect du Code de prévention des incendiesCode du bâtiment et autres lois provinciales, sur lesquels la ville de North Bay n’exerce aucun contrôle »[42].

La Ville a dit avoir pris des précautions pour s’assurer que les frais associés au règlement municipal étaient raisonnables et qu’ils ne causeraient pas de « préjudice injustifié ». Elle a aussi indiqué que l’imposition de ces frais ne permettait pas de recouvrir la totalité des coûts associés à la mise en application du règlement municipal.

Dans un rapport de 2011 au conseil municipal, le personnel de la Ville a indiqué :

En ce qui a trait à la réduction des conséquences pour les locataires, la Ville a consulté le CASSDN [Conseil d’administration des services sociaux du district de Nipissing]. D’après ce qu’on nous dit, le CASSDN juge que le règlement municipal aura peu de répercussions sur les loyers ou l’offre de logements. D’ailleurs, sans l’accroissement artificiel des revenus provenant de l’offre excessive de places à louer dans une même maison, les loyers pourraient même se stabiliser[43].

Si certains locataires ont soulevé des préoccupations par rapport à l’incidence du règlement municipal sur les loyers, d’autres étaient du même avis que la Ville. Par exemple, selon un étudiant locataire : « J’habiterai à quelques portes d’où j’habitais l’année dernière, à un loyer moins élevé.

Une locataire ayant répondu au sondage a affirmé être qu’elle appuyait le règlement municipal et espérait qu’il aiderait à réduire les coûts de location à North Bay :

J’espère que ce règlement municipal aidera à rendre le logement un peu plus accessible à ceux et celles qui, comme moi, ne sont pas des étudiants célibataires. Je paie beaucoup trop pour un petit deux chambres à coucher pour mes filles et moi parce que des locateurs louent de minuscules placards à des étudiants désespérés pour 600 $. S’il y a des limites au nombre de locataires que ces locateurs peuvent placer dans un même logement, peut-être créera-t-on d’autres possibilités de logement pour aider les étudiants de tout genre.

Les municipalités ont le droit d’imposer des frais pour la délivrance de permis, tant que ces frais sont proportionnels aux charges du programme. La Ville semble avoir respecté cette proportionnalité, n’assurant même pas le recouvrement complet des coûts du règlement municipal. Aucune information n’a été présentée à la CODP indiquant que les frais de délivrance du permis de la Ville sont discriminatoires envers des personnes en raison de leur association à un motif de discrimination interdit par le Code.

4.5 Exemptions au règlement municipal

Le règlement ne concerne pas les immeubles à logements et projets domiciliaires, ni d’autres types de logements, définis de la façon suivante :

  • Une unité locative occupée par un (1) locataire, dans laquelle pas plus d’une (1) autre chambre est occupée par un locataire
  • Une unité locative occupée par le propriétaire de l’unité locative, dont il s’agit de la seule résidence, dans laquelle pas plus de deux (2) chambres à coucher sont occupées par des locataires.

Dans le cadre du règlement, un « locataire » est « une personne qui paie un loyer ou procure des services en remplacement du paiement d’un loyer, en échange du droit d’occuper une unité locative. »  

Le matériel transmis par la Ville montre que le 9 mars 2011, le personnel de la Ville a fait la déclaration suivante au cours d’une séance d’information à l’intention des locateurs : « ça va pour les familles si elles ont plus de quatre chambres à coucher. Le règlement vise les locataires. »[44]

En réponse à une demande de clarification de cette déclaration, la Ville a affirmé ce qui suit :

Si une ou deux personnes louent un logement et sont responsables d’en payer le loyer pour l’ensemble du ménage (qu’il y ait ou non un lien de parenté entre les membres du ménage), le règlement ne les concerne pas. Il concerne les locataires qui paient un loyer individuel pour leur propre chambre, soit directement au locateur ou à une personne chargée de collecter les loyers[45].

Selon cette interprétation, une maison de quatre chambres à coucher occupée par quatre personnes – dont l’une seulement paie le loyer – n’est pas soumise au règlement. Par contre, la même maison de quatre chambres à coucher occupée par quatre personnes– contribuant toutes au paiement du loyer – est soumise au règlement. Cela semble arbitraire, et entraînera aussi de la discrimination dans certains cas à l’endroit des personnes plus susceptibles de partager un loyer avec d’autres – comme les personnes célibataires protégées aux termes du motif d’état matrimonial du Code et les étudiants qui pourraient être protégés aux termes du Code au motif de l’âge, de l’état matrimonial ou de l’état d’assisté social.

La CODP se préoccupe du fait que le système d’exemptions n’est pas seulement arbitraire et, dans certains cas, discriminatoire, mais qu’il est aussi appliqué d’une façon discriminatoire qui contrevient au Code. La Ville a envoyé un courriel à un locateur de North Bay le 7 mars 2013, qui indiquait ce qui suit :

…Si votre logement n’est pas admissible à un permis en raison du fait qu'il est loué à des familles traditionnelles, ou parce qu’il compte moins de trois chambres à coucher, veuillez nous l’indiquer et nous en prendrons note dans le système. [Les caractères gras ont été ajoutés.]

Si ce courriel reflète le mode d’application du règlement de la Ville, il semblerait qu’une maison de quatre chambres à coucher, occupée par une « famille traditionnelle » n’est pas soumise au règlement municipal, tandis que la même maison de quatre chambres à coucher, occupée par un groupe de célibataires ou une « famille non traditionnelle » le serait.

Ce type d’exécution du règlement municipal n’est pas nécessaire, ni justifiable du point de vue de l’aménagement du territoire. Par exemple, en 1979, la Cour suprême du Canada a conclu, dans Bell c. R. que des immeubles ne pouvaient pas faire l’objet d’une réglementation plus stricte simplement parce que des personnes sans lien de parenté y résidaient[46]. Plus tard, le gouvernement de l’Ontario a ajouté la disposition suivante au paragraphe 35(2) de la Loi sur l’aménagement du territoire :

Aucune distinction sur la base des liens Le pouvoir d’adopter un règlement municipal en vertu de l’article 34, du paragraphe 38(1) ou de l’article 41 ne s’étend pas au pouvoir d’adopter un règlement municipal qui a pour effet de faire une distinction entre les personnes apparentées et celles qui ne le sont pas à l’égard de l’occupation ou de l’utilisation d’un bâtiment ou d’une construction, y compris l’occupation ou l’utilisation de ceux-ci comme logement unifamilial.

Selon l’opinion de la CODP, ce genre d’application du règlement municipal contreviendrait au Code parce qu’il serait discriminatoire envers les étudiants, les personnes célibataires et les membres de certains groupes confessionnels ou ethniques, ainsi que d’autres personnes protégées aux termes du Code qui pourraient ne pas évoluer dans une « famille traditionnelle ».

Cette façon d’appliquer le Code pourrait aussi mener à d’autres violations du Code. Par exemple, cela pourrait pousser les locateurs à poser des questions discriminatoires. Un locateur sondé s’est dit préoccupé à l’idée de devoir poser des questions sur la vie personnelle et familiale d’un locataire éventuel en raison de toute la confusion entourant l’état familial et le permis de logement locatif.

… il [le règlement municipal] semble indiquer que nous devons poser des questions personnelles aux locataires à propos de leurs relations et liens de parenté avec les autres personnes qui habiteront dans le logement, ce que je refuse de faire étant donné que ça me semble inapproprié et illégal.

Un autre locateur a récemment indiqué à la CODP que ses locataires avaient commencé à recevoir des appels de représentants de la Ville en décembre, dont
deux appels dans la semaine précédente d’employés de la Ville qui voulaient savoir, en autres, s’ils avaient un conjoint, où habitait leur famille et s’ils avaient des adresses à l’extérieur de North Bay. Selon le locateur, les locataires s’étaient sentis harcelés par la Ville en raison des questions sur leurs relations[47]. Le même locateur a rapporté qu’un inspecteur lui avait dit, durant une inspection, que « si vous n’avez pas une famille traditionnelle, c’est-à-dire mère, père, enfants et petits-enfants, vous devez obtenir un permis »[48].

Quelques locateurs sondés ont établi un lien direct entre le fait de louer leurs logements à des étudiants et le besoin d’obtenir un permis. Ces locateurs disaient qu’ils n’avaient pas besoin de permis parce que leurs locataires étaient des familles ou, à l’inverse, se plaignaient du fait que le règlement s’appliquait à leur propriété parce qu’ils la louait à des étudiants, tandis qu’il ne visait aucunement les locateurs louant leurs logements à des familles. Certains locateurs ont affirmé qu’ils ne loueraient pas de logements à des étudiants parce qu’ils ne veulent pas faire de demande de permis.

Le fait de questionner des personnes sur la composition de leur ménage – particulièrement pour déterminer qui dort à quel endroit – peut avoir une incidence négative liée à des motifs de discrimination interdits par le Code, comme l’état matrimonial, l’état familial et l’orientation sexuelle, et refléter le désir de refuser l’accès au logement sur la base de ces motifs. La CODP est d’avis que les gens devraient pouvoir prendre des décisions personnelles à propos de leur ménage – comme qui partagera une chambre – sans que leur locateur ou la Ville ne s’en mêle.

4.6 Conclusion

Des renseignements obtenus dans le cadre de l’enquête montrent que certaines composantes du règlement municipal régissant la délivrance de permis, et l’application de ce règlement, entraîneront de la discrimination dans certains cas. La Ville devrait retirer toute distinction faite en fonction du nombre de personnes contribuant au loyer et son processus d’exemption ne devrait pas favoriser les « familles traditionnelles ».

Il est essentiel que la Ville continue de sensibiliser les gens au règlement municipal et aux principes de droits de la personne étant donné que :

  • Des étudiants ont rapporté avoir été la cible de commentaires désobligeants durant une assemblée publique. Comme l’aborde plus en profondeur le rapport de la CODP intitulé Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, les étudiants sont protégés par le Code lorsqu’ils subissent de la discrimination en raison de leur association à des motifs de discrimination interdits par le Code comme l’âge, l’état matrimonial ou l’état d’assisté social
  • Les gens se demandent encore dans quel contexte les exemptions s’appliquent à des groupes de locataires qui occupent le même logement
  • Des étudiants sondés ont indiqué que, selon leurs locateurs, le règlement municipal ne permettait pas de loger plus de cinq personnes dans une même unité locative, alors qu’en vérité le règlement s’applique uniquement au nombre de chambres à louer
  • Des locataires se sont dits préoccupés du fait de perdre leur logement puisqu’ils n’étaient pas certains qu’un permis avait été délivré à leur logement. Certains ont dit craindre de signer un nouveau bail, ne sachant pas si la propriété (surtout si elle avait plus de cinq chambres) avait obtenu un permis.

La Ville doit aussi surveiller le marché du logement pour faire en sorte que le règlement municipal régissant la délivrance de permis ne limite pas l’accès à des logements locatifs abordables et maintenir la combinaison de types et de densités d’habitation nécessaire pour répondre aux besoins des résidents actuels et futurs.


 

[31] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[32] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[33] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, p. 14.

[34] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 6.

[35] Compte rendu de l’assemblée publique du conseil, 29 juin 2011, page 1.

[36] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[37] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[38] Brochure intitulée The City of North Bay – Residential Rental Licensing By-law. Accessible en ligne à l’adresse : www.cityofnorthbay.ca/common/pdf/RRHL%20-%20Information%20Borchure.pdf.

[39] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 7.

[40] Certains répondants au sondage, comme cette personne, n’ont pas consenti à ce que la CODP effectue un suivi auprès d’eux.

[41] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, recommandation 13.

[42] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[43] Rapport CSBU 2011-74 au conseil municipal, 26 juillet 2011, page 4.

[44] Compte rendu de la séance d’information à l’intention des locateurs du 9 mars 2011.

[45] Lettre du conseil municipal à la CODP, 28 septembre 2012.

[46] Dans l’arrêt Bell c. R., [1979] 2 S.C.R. 212, à la page 223, le tribunal a conclu que « …le prétendu zonage établi en fonction des liens qui unissent les occupants d’un logement plutôt qu’en fonction de l’usage du bâtiment est ultra vires de la municipalité aux termes des dispositions de The Planning Act ». Voir aussi la décision de la Cour suprême de l’Ontario (affirmée par la Cour d’appel de l’Ontario avec refus d’en autoriser l’appel devant la Cour suprême du Canada) dans Smith et al. v. Township of Tiny (1980), 27 O.R. (2d) 690 (Div. Ct.); affd. 29 O.R. (2d) 661 (ON C.A.).

[47] Conversation avec un locateur, le 27 mars 2013.

[48] Courriel au personnel de la CODP, 27 mars 2013.

 

5. Recommandations

5.1 Éliminer l’exemption fondée sur le nombre de personnes qui participent au paiement du loyer

Dans son processus de demande de permis et d’exemptions, la Ville devrait éliminer toute distinction faite en fonction du nombre de personnes participant au paiement du loyer. Le processus d’exemption ne devrait pas favoriser les « familles traditionnelles ».

5.2 Surveillance

Dans le cadre de ses communications avec la CODP, la Ville s’est engagée à mettre en application, à surveiller et à évaluer le règlement municipal sur une base continue. La CODP recommande à la Ville de mettre en œuvre un programme de suivi de cinq ans qui surveille l’incidence de son règlement régissant la délivrance de permis sur les groupes protégés aux termes du Code, conformément aux principes mis de l’avant dans le document de la CODP intitulé Comptez-moi! Collecte de données relatives aux droits de la personne et dans la recommandation 12 du document Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs. La CODP serait heureuse d’aider la Ville à ce chapitre.

Les exemptions au règlement municipal devraient aussi être surveillées pour veiller à ce qu’elles soient accordées de façon non discriminatoire.

5.3 Application

Comme l’a fait remarquer la CODP dans Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, les règlements municipaux régissant la délivrance de permis devraient clairement indiquer que les propriétaires, et non les locataires, seront tenus responsables de toute infraction en matière de permis[49]. La Ville a affirmé que lorsqu’elle devra fermer une unité locative, elle donnera aux locataires des délais raisonnables pour se trouver un nouveau logement (au besoin) et procédera uniquement à une expulsion immédiate en cas de risque grave à la sécurité de la personne. La CODP recommande à la Ville d’inclure cette disposition dans toute politique d’application du règlement, ou dans le règlement lui-même. La CODP a aussi recommandé à la Ville de sensibiliser les locataires et propriétaires par rapport à toute politique d’application du règlement ou modification au règlement.

5.4 Sensibilisation

Dans le cadre de ses communications avec la CODP, la Ville a indiqué qu’elle continuera de « sensibiliser le public au présent règlement municipal de toutes les façons appropriées et pertinentes ». La Ville prendra aussi les mesures suivantes :

  • Continuer de sensibiliser le public au fait que le règlement ne s’applique pas uniquement aux logements d’étudiants
  • Fournir aux locateurs de l’information sur leurs responsabilités aux termes du Code
  • Afficher sur son site Web des informations sur le Code.

La CODP recommande que la Ville offre à tout son personnel une formation sur le processus d’exemption du règlement. La Ville devrait aussi sensibiliser le public à ce chapitre.

La COD recommande que la Ville crée une foire aux questions sur son site Web et produise une brochure qu’elle transmettra à tous les locataires d’unités locatives inscrites, pour aborder ces questions et d’autres questions propres au règlement qui touchent également le Code.

La CODP aimerait remercier toutes les personnes qui ont participé à l’enquête et plus particulièrement les locataires qui ont fait part de leurs opinions et vécu. La CODP remercie également de leur coopération le personnel et les représentants de la ville de North Bay. La CODP demeure à la disposition de la Ville pour l’aider dans ses activités de surveillance et d’éducation publique liées au règlement municipal et à son rapport avec le Code des droits de la personne de l’Ontario.


[49] Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs, CODP, p. 19.