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Mémoire conjoint au titre de la consultation sur le budget 2020 de l’Ontario: investissements à prévoir au sein du système correctionnel de l’Ontario

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Janvier 21, 2020

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Introduction

Le présent mémoire conjoint détermine les investissements concrets à inscrire au budget de l’Ontario de 2020 afin de préserver la santé et la sécurité des Ontariens et Ontariennes vulnérables et marginalisés qui sont incarcérés dans les établissements provinciaux et du personnel qui y travaille.

Le présent mémoire reflète l’expérience collective de première ligne, juridique, politique et vécue de nombreuses parties prenantes. Il a été élaboré par la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) et le Comité des relations employés-employeur pour les services correctionnels (CREEM pour les services correctionnels) de la SEFPO, avec l’avis des principales parties prenantes ci-dessous :

  • Association canadienne pour la santé mentale (Ontario)
  • Council of Elizabeth Fry Societies of Ontario
  • John Howard Society of Ontario
  • Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario
  • Société de schizophrénie de l’Ontario
  • Howard Sapers, ancien examinateur indépendant des services correctionnels de l’Ontario

Nous avons donné la priorité aux actions concrètes susceptibles d’être réalisées sans réforme législative ni nouvelle infrastructure, mais capables d’amorcer une transformation dans la vie quotidienne des détenus et du personnel des services correctionnels.

 

Insalubrité et insécurité des établissements correctionnels de l’Ontario

Les conditions actuelles observées dans les prisons et centres correctionnels de l’Ontario sont source d’importants risques pour la santé et la sécurité des détenus et du personnel de première ligne.

Les détenus vivent dans des conditions inhumaines, caractérisées par :

  • une surpopulation flagrante, l’installation de trois lits par cellule étant désormais courante
  • l’inadéquation du traitement et du soutien en matière de santé physique et mentale et de lutte contre les dépendances
  • l’absence de véritable accès aux programmes ou services de réadaptation
  • le recours intensif à l’isolement cellulaire sans solutions de remplacement sûres

Bien que les tribunaux du Canada aient reconnu les conséquences profondément néfastes de cette pratique sur le long terme, 23 667 placements en isolement ont été recensés en Ontario l’an dernier. Dans plus de 4 000 cas, l’isolement s’est étendu sur une période de plus de 15 jours. La majorité des personnes placées en isolement avaient une alerte relative à la santé mentale dans leur dossier.

En raison des traumatismes antérieurs dont les femmes et les peuples (autochtones) des Premières Nations, métis et inuits ont souvent été victimes au sein de la collectivité, ces conditions de confinement représentent des défis exceptionnels et nécessitent la mise en place de services adaptés à la culture et au sexe des détenus.

Au sein d’un tel milieu, il n’y a peut-être rien de surprenant à ce que le personnel de première ligne des services correctionnels soit exposé à des risques majeurs en matière de santé et de sécurité. Diverses études commandées récemment par le gouvernement confirment que la majorité des travailleurs de première ligne ne se sentent pas en sécurité : 66 p. 100 d’entre eux craignent d’être agressés par un détenu ou une détenue au moins une fois par semaine. On demande au personnel de première ligne des services correctionnels de travailler dans des conditions difficiles, sans mettre à sa disposition les ressources, la formation ou le soutien nécessaires pour assurer sa sécurité ou celle des détenus. Bon nombre de membres souffrent d’un syndrome de stress post-traumatique directement lié à leur fonction.

 

Investissements à réaliser d’urgence pour résoudre la crise des services correctionnels en Ontario

D’après notre expertise collective de première ligne, juridique et politique, nous sommes d’avis que les services correctionnels de l’Ontario sont en crise au vu des problèmes actuels de santé et de sécurité observés en leur sein, et que le gouvernement doit investir de toute urgence pour y remédier.

À cette fin, nous avons déterminé les actions concrètes susceptibles de résoudre les problèmes immédiats rencontrés par les détenus et le personnel en la matière au travers d’investissements à inscrire au budget de 2020.

Ces actions sont largement fondées sur les recommandations formulées par le conseiller indépendant pour la réforme des services correctionnels de l’Ontario et par le Comité consultatif d’experts pour le renouvellement des soins de santé dans les établissements correctionnels. Nous avons donné la priorité aux investissements ne nécessitant ni réforme législative ni nouvelle infrastructure correctionnelle.

Nous avons identifié ces actions d’après nos propres domaines d’expertise et d’après les conclusions issues de la consultation des principales parties prenantes représentant les intérêts des détenus et des travailleurs de première ligne au sein des services correctionnels. Si ces parties prenantes ont des points de vue différents sur les objectifs de la réforme des services correctionnels à long terme, ces actions sont considérées à l’unanimité comme prioritaires à ce jour.

 

Investissement en faveur d’actions concrètes visant à améliorer la santé et la sécurité des détenus et du personnel

Nous demandons au gouvernement de prévoir au budget de 2020 de l’Ontario les ressources nécessaires pour soutenir les actions ci-après :

 

Diminuer la surpopulation

  1. Diminuer la surpopulation dans les établissements correctionnels de l’Ontario en collaborant avec le ministère du Procureur général, ainsi qu’avec les partenaires de la justice et de la collectivité, pour s’assurer que la détention dans un établissement correctionnel est une solution de dernier recours uniquement. Cela passe par :
    1. la mise en place de formes de détention avant le procès excluant le placement en établissement, y compris des solutions sûres et viables, autres que l’incarcération, qui sont utilisées dans d’autres provinces ou territoires
    2. l’identification des services et programmes communautaires existants pouvant servir à promouvoir la libération graduelle et sûre d’un détenu ou d’une détenue
    3. l’augmentation de la disponibilité et de l’utilisation des libérations conditionnelles

 

Soutenir le personnel de première ligne

  1. Instaurer de nouveaux indicateurs de recrutement pour la dotation en personnel :
    1. des établissements correctionnels de l’Ontario, d’après l’historique des vérifications, l’analyse des besoins en personnel concernant les autres types d’unités et la charge de travail à chaque poste
    2. des services de probation et de libération conditionnelle, en se fondant sur l’augmentation de la disponibilité et de l’utilisation des libérations conditionnelles
  2. Fournir au personnel des établissements correctionnels la formation et le soutien dont il a besoin pour exercer ses fonctions de manière sécuritaire et efficace, tout en respectant les obligations inhérentes aux droits de la personne, avec notamment :
    1. l’élaboration d’une stratégie complète en faveur de la santé mentale du personnel pour l’aider à surmonter le stress et les préjudices liés à sa profession
    2. l’examen du Modèle de recours à la force en vigueur et de l’efficacité de la formation sur le recours à la force au regard des pratiques exemplaires factuelles en milieu correctionnel
    3. la mise à jour du Programme de formation et d’évaluation des agents des services correctionnels (FEASC) s’adressant aux nouvelles recrues et la prestation de programmes de formation équivalents auprès du personnel en poste dans les établissements correctionnels, de façon à :
      1. tenir compte des compétences essentielles qui reflètent la double nature du travail en milieu correctionnel, à savoir la sécurité et les soins
      2. souligner l’importance de promouvoir une culture du placement en établissement caractérisée par la légalité, la dignité et le respect
      3. renforcer la formation sur les interventions orales et d’autres méthodes de désescalade, y compris la formulation de conseils circonstanciels favorisant la prise en charge des détenus vulnérables ou ayant des besoins importants
      4. inclure une formation sur les lois régissant les services correctionnels, les droits de la personne et la procédure criminelle
    4. le renforcement du contenu des formations initiale et continue du personnel portant sur les droits de la personne
    5. la participation de tous les membres du personnel à une formation obligatoire sur la sécurité culturelle des Autochtones, qui serait conçue et dispensée en collaboration avec divers peuples autochtones

 

Garantir le droit des détenus à bénéficier de soins de santé et de solutions de réadaptation

  1. Évaluer l’approche holistique de prestation des soins de santé, y compris le traitement des maladies ou des blessures, les soins de la vue, les soins dentaires, les pertes auditives et les autres services et traitements préventifs et connexes, au regard des normes et options conformes aux pratiques exemplaires permettant de satisfaire au mieux les besoins médicaux des détenus
  1. Créer des liens entre tous les établissements correctionnels et leurs équipes Santé Ontario respectives afin de renforcer et de coordonner la prestation des services de santé aux détenus pendant leur incarcération et au moment de leur libération
  1. Garantir le droit des détenus à bénéficier de soins de santé adaptés, notamment :
    1. Prévoir la présence à temps plein de professionnels de la santé dans l’ensemble des établissements correctionnels, y compris la prestation de soins infirmiers 24 heures sur 24
    2. Rendre opérationnel le service médical du Centre Vanier pour femmes
    3. Étendre la disponibilité des lits réservés en milieu psychiatrique dans les hôpitaux locaux
    4. Créer des lits réservés en milieu psychiatrique médicolégal pour les femmes ayant des troubles de santé mentale, de façon qu’elles bénéficient d’une prise en charge équivalente à celle proposée aux hommes dans l’Établissement de traitement et Centre correctionnel de la vallée du Saint-Laurent
  2. Allouer les ressources et les soutiens appropriés pour garantir la planification régulière de programmes de réhabilitation factuels et adaptés au sexe et leur mise à disposition uniforme dans chaque établissement sur la base d’évaluations individualisées des risques/besoins
  1. Continuer de mettre à exécution l’entente de règlement Jahn v MCSCS et l’ordonnance Ontario Human Rights Commission v Ontario, et mettre en œuvre l’ensemble des recommandations formulées par l’experte indépendante, Kelly Hannah-Moffat, et figurant dans le rapport final de l’examinateur indépendant, le juge David Cole, attendu prochainement
  1. Répondre aux besoins particuliers des détenus (autochtones) des Premières Nations, métis et inuits, en prenant notamment les mesures suivantes :
    1. Nommer un sous-ministre adjoint ou une sous-ministre adjointe responsable d’une Division des politiques et des programmes pour les Autochtones qui soit dotée de ressources et d’effectifs suffisants pour s’acquitter efficacement de sa tâche au sein des Services correctionnels
    2. Intégrer véritablement les facteurs énumérés au rapport Gladue à l’ensemble des décisions ayant des incidences sur la liberté de toute personne autochtone, y compris en ce qui concerne son isolement
    3. Garantir que chaque établissement permette aux détenus de rencontrer régulièrement des Aînés en un lieu approprié et offre un lieu désigné pour la tenue de cérémonies
    4. Mettre en place des unités de soutien aux programmes pour les Autochtones dans chaque établissement correctionnel
    5. Élargir et renforcer le rôle de l’agent ou de l’agente de liaison pour les détenus autochtones afin de lui autoriser l’accès complet à l’ensemble des détenus
  2. Veiller à répondre aux besoins identifiés des détenus avant leur libération, y compris les vêtements, les médicaments, le transport, la facilitation du retour de leurs effets personnels par l’établissement et les références requises pour les soutiens et services communautaires

 

Renforcer la surveillance et la responsabilité

  1. Créer un poste d’inspecteur général ou d’inspectrice générale assurant une surveillance indépendante des établissements correctionnels de l’Ontario
  1. Veiller à ce que l’examen des cas d’isolement soit mené par des décideurs indépendants du gouvernement

 

Moderniser l’infrastructure correctionnelle et les systèmes de gestion de l’information

  1. Moderniser l’infrastructure correctionnelle existante pour favoriser le recours à des solutions appropriées en remplacement de l’isolement, notamment :
    1. Réaliser un examen des défaillances des établissements d’ici à la fin de l’exercice financier 2019–2020
    2. Mettre efficacement en place d’autres types d’unités standard pour mieux répondre aux besoins des détenus actuellement placés en isolement
    3. Créer des établissements à niveaux de sécurité multiples permettant le placement des détenus en fonction du risque
  2. Continuer de moderniser les protocoles de collecte de données désagrégées et de partage des renseignements

Initialement présenté en novembre 2019