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CODP Mémoire présenté au MAML Mise à jour de la Stratégie à long terme de logement abordable

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Commission ontarienne des droits de la personne Mémoire présenté
au 
Ministère des Affaires municipales et du Logement
Mise à jour de la Stratégie à long terme de logement abordable

Le 3 juillet 2015

 

Aperçu

Le logement est un droit de la personne. Par conséquent, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) soumet le présent mémoire[1] dans le cadre de la consultation menée par le gouvernement sur la mise à jour de la Stratégie ontarienne à long terme de logement abordable[2].

La CODP salue le fait que le gouvernement reconnaisse le lien qui existe entre logement, pauvreté et droits de la personne. Aux termes de l’actuelle Stratégie de logement abordable[3], le logement abordable constitue un volet important de la Stratégie ontarienne de réduction de la pauvreté[4].

D’après le Guide de discussion de la consultation (le Guide), la Stratégie de logement abordable mise à jour devrait répondre aux divers besoins des Ontariennes et des Ontariens, y compris des Autochtones, des victimes de violence conjugale, des jeunes quittant une situation de prise en charge, des personnes âgées et des personnes handicapées. Cette approche est conforme à la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté[5] et à la Stratégie de réduction de la pauvreté, lesquelles reconnaissent les risques accrus que courent ces groupes, l’accès au logement étant en effet l’un des déterminants en cause dans la pauvreté.

La Loi sur l’aménagement du territoire[6] de l’Ontario reconnaît également le logement abordable comme une question d’intérêt provincial. La Déclaration de principes provinciale[7] (DPP) publiée en vertu de cette loi définit la notion de logement « abordable » et énonce qu’il est dans l’intérêt de la province d’offrir un éventail complet de logements pour répondre aux besoins actuels et futurs des collectivités. La DPP exige également qu’elle soit mise en œuvre conformément au Code des droits de la personne de l’Ontario et à la Charte canadienne des droits et libertés.

Le Code des droits de la personne[8] et les politiques de la CODP reconnaissent à chacun le droit à un traitement égal en matière d’occupation d’un logement, de services, d’emploi et d’autres domaines, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, l’état d’assisté social ou un handicap.

La protection accordée par le Code contre la discrimination dans le domaine du logement et d’autres domaines doit être interprétée à la lumière de l’engagement pris par le Canada dans le cadre du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[9] (ICESCR)[10]. Les questions relevant de la compétence provinciale constituent une obligation pour le gouvernement provincial[11] et, aux termes de l’article 11, le droit à un logement convenable en fait partie.

La CODP soutient la proposition de modification de l’énoncé de vision de la Stratégie de logement abordable car elle reflète plus fidèlement le droit à un logement convenable : Chaque personne a un logement convenable, abordable et de qualité qui permet d’obtenir un emploi, d’élever une famille et de bâtir des collectivités dynamiques.

Recommandation de la CODP :

  1. Que la Stratégie de logement abordable reconnaisse les obligations de l’Ontario en ce qui concerne le droit à un logement convenable prévu par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Au cours des dernières années, la CODP a engagé des consultations communautaires, a mené des enquêtes publiques et a été partie à des procédures judiciaires; elle a rédigé des politiques et des rapports traitant du droit au logement, en mettant tout particulièrement l’accent sur le logement locatif, les impacts systémiques de la planification municipale et de la délivrance de permis, et la situation des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances ainsi que des communautés autochtones. Les commentaires et recommandations qui suivent, présentées autour des quatre grands thèmes mis en avant par le gouvernement, sont basés sur ce que nous avons appris.

Offre suffisante de logements abordables

Nombre de groupes identifiés comme motifs de discrimination interdits dans le Code sont davantage susceptibles d’avoir besoin d’un logement abordable − logements sociaux, maisons de chambres et autres logements locatifs privés à faible coût, foyers de groupe ou autres logements avec services de soutien notamment. Ces formes de logement sont particulièrement importantes pour les nouveaux arrivants, les personnes handicapées (ceci incluant les personnes aux prises avec des troubles mentaux, des dépendances, des handicaps physiques et (ou) intellectuels), les personnes bénéficiant de l’aide sociale, les groupes racialisés et autochtones, les étudiants, les adultes plus âgés, les personnes transgenres, les femmes, et les parents de familles nombreuses, les jeunes parents ou les parents seuls. Nombre de membres de ces groupes, de même qu’un certain nombre d’intervenants et d’organismes œuvrant dans le domaine du logement et du soutien communautaire, ont fait part à la CODP de leurs préoccupations à propos du fait que le manque de logements abordables et convenables constitue une barrière sociale systémique en Ontario[12].

Le Guide cite des données de Statistique Canada selon lesquelles plus de 7 p. 100 de tous les propriétaires d’un logement de l’Ontario et 30 p. 100 des locataires éprouvent des « besoins impérieux en matière de logement », en raison surtout du manque de logements abordables[13].

Des données de Statistique Canada publiées par la Commission canadienne des droits de la personne montrent que 20,4 p. 100 des ménages autochtones au Canada éprouvent des besoins impérieux en matière de logement, contre 12,4 p. 100 de ménages non autochtones[14].

Des données de Statistique Canada non publiées obtenues par la CODP[15] montrent que 29,1 p. 100 des Ontariennes et Ontariens aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances[16] éprouvaient des besoins impérieux en matière de logement (propriétaires et locataires combinés). C’est environ deux fois la proportion des personnes vivant avec d’autres handicaps (16 p. 100) et sans handicap (14 p. 100) ayant des besoins impérieux en matière de logement.

Dans le cadre de la consultation sur les problèmes de santé mentale et de dépendance menée par la CODP, de nombreux participants ont fait part de leurs préoccupations à propos de l’itinérance. En Ontario, la fermeture d’établissements psychiatriques, combinée au manque de ressources communautaires pour les anciens résidents de ces établissements, a fait bondir les taux d’itinérance des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances. 

Selon l’ACSM – Ontario, les personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances peuvent avoir de la difficulté à conserver un logement sûr et abordable lorsqu’elles sont malades, surtout si elles sont incapables de travailler et subissent une perte de revenu. Par conséquent, beaucoup d’entre elles peuvent uniquement se payer un logement inférieur aux normes.

Le comité appelé Anti-Ableism Committee de la Toronto Community Housing Corporation a fait part de ses préoccupations à propos de l’« entreposage » des personnes aux prises avec des maladies mentales ou des dépendances chroniques dans des communautés de logements publics, en partie dû au manque de logements privés abordables.

Le fait de devoir attendre des années pour obtenir un logement social, coopératif ou avec services de soutien inquiétait également beaucoup de personnes.Si le logement social est une part essentielle du tableau, sa disponibilité est depuis longtemps insuffisante pour répondre aux besoins en matière de logement abordable. Cela signifie que de nombreuses personnes ont été contraintes de trouver un logement sur le marché locatif privé. Un certain nombre de facteurs, tels que la suppression des mécanismes de contrôle des loyers entre les locations, la fréquence des déménagements chez les ménages à faible revenu, et les discriminations fondées sur les motifs visés par le Code, font que beaucoup de ménages à faible revenu sont exposés à un risque accru de devoir payer des loyers qui ne sont pas abordables (tiers inférieur des logements à loyer du marché)[17].

Ceci peut avoir de graves répercussions sur les groupes particulièrement désavantagés, comme les femmes racialisées et autochtones, les mères qui élèvent seules leurs enfants, et les parents et particuliers qui bénéficient de l’aide sociale, notamment du POSPH. Certains mémoires faisaient état de la nécessité d’augmenter les subventions au logement et les taux de l’aide sociale pour favoriser la création d’un plus grand nombre de logements sociaux. La CODP a également entendu dire que certaines oppositions discriminatoires et certains règlements administratifs sont de nature à restreindre les possibilités de logement − social, locatif ou avec services de soutien − abordable (voir ci-dessous).

Selon l’organisme ARCH Disability Law Centre, beaucoup de personnes ayant des handicaps psychosociaux vivent dans des logements dans un état de délabrement notoire, mais peuvent hésiter à se plaindre par crainte de perdre leur logement. Beaucoup de propriétaires et de fournisseurs de logements entretiennent convenablement leurs logements. Cependant, dans le cas des logements sociaux, coopératifs ou avec services de soutien, le manque de financement public peut compliquer l’entretien et la réparation des logements des locataires existants. 

Plusieurs personnes étaient d’avis que les mauvaises conditions de vie dans les logements à loyer modique (logements sociaux et logements locatifs privés) augmentent l’insécurité des personnes et leur vulnérabilité aux mauvais traitements et au harcèlement. Cela peut avoir des répercussions négatives sur la santé physique et mentale, et même forcer certaines personnes à quitter la collectivité de leur choix pour trouver un logement plus abordable. On nous a fait part d’exemples de mauvaises conditions de vie, comme des logements délabrés, des moisissures, des risques d’incendie, des punaises de lit et un chauffage inadéquat.  

Recommandations de la CODP :[18]

  1. Lier l’aide sociale, notamment l’allocation de logement, au coût réel du logement locatif dans les différentes régions de l’Ontario.
  2. Proposer de nouvelles options en matière de logement social et de nouveaux types de subventions au logement, comme une allocation de logement transférable, pour accroître les possibilités qui s’offrent aux personnes à faible revenu sur le marché locatif privé et leur donner plus de flexibilité sur le plan du choix du lieu de vie.
  3. Améliorer la Stratégie de logement abordable en octroyant des fonds suffisants pour accélérer le mouvement visant à éliminer l’itinérance et à assurer l’accès de toutes les Ontariennes et de tous les Ontariens, y compris ceux dont le revenu est limité, à un logement convenable, et ce, sans discrimination aucune.
  4. Réviser et améliorer les taux de financement, les programmes, les lois et les règlements pour faire en sorte que les locataires à faible revenu soient en mesure de s’offrir un loyer moyen, de se nourrir et de satisfaire leurs autres besoins fondamentaux. Une attention spéciale doit être accordée aux mesures suivantes :
  • salaire minimum qui permet au travailleur à plein temps de vivre au-dessus du seuil de pauvreté;
  • évaluation des incidences liées aux mécanismes de contrôle des loyers et à la suppression des mécanismes de contrôle des vacances
  • mesures de récupération de l’aide sociale.

Système équitable d’aide au logement

Dans le cadre de ses consultations, la CODP s’est fait dire que le manque d’unités de logement avec services de soutien à l’échelle de l’Ontario contribuait à l’itinérance. Non seulement les listes d’attente sont longues mais nous avons également appris que la province manquait de logements avec services de soutien pour les personnes à besoins multiples ayant des troubles mentaux. Certains fournisseurs offrent un type de services seulement (p. ex. dans le domaine de la santé mentale, mais non dans ceux de la santé physique ou des dépendances). Cela peut créer des obstacles additionnels pour les membres de certains groupes protégés aux termes du Code et réduire les options qui s’offrent à eux (p. ex. personnes âgées aux prises avec des troubles mentaux qui sont capables de vivre de façon semi-autonome, femmes autochtones aux prises avec des dépendances qui ont récemment été libérées de prison, personnes aux prises avec des troubles de l’alimentation).

Certaines personnes sont placées dans des logements qui ne répondent pas à leurs besoins, par exemple de jeunes personnes aux prises avec des troubles mentaux ou la maladie de Huntington qui se retrouvent dans des établissements de soins de longue durée (ACE).

Certains mémoires soulevaient des inquiétudes par rapport au fait d’axer spécifiquement des logements sur les personnes aux prises avec des troubles mentaux étant donné que cela favorise la ségrégation plutôt que l’intégration. On nous a dit que les personnes ayant des problèmes de santé mentale graves pouvaient avoir des difficultés extrêmes à vivre avec d’autres personnes en milieu communautaire, surtout si elles nécessitent un niveau de soutien différent, et que bon nombre préféraient vivre seules. Par ailleurs, en raison d’un manque de ressources, les personnes habitant dans des logements supervisés peuvent avoir difficilement accès à des mesures de soutien et se retrouver dans des immeubles surpeuplés.

Des participants nous ont donné des exemples de la façon dont les logements sociaux et les logements avec services de soutien pouvaient appuyer le droit des personnes à un logement et améliorer la vie des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances ainsi que d’autres groupes protégés aux termes du Code. Un fournisseur de logements d’Ottawa a recours à un modèle de réduction des méfaits qui permet aux personnes aux prises avec des dépendances de stabiliser leur situation. Les participants étaient d’avis que la méthode d’indexation des logements sociaux au revenu répondait aux besoins individuels. Certains fournisseurs de logements sociaux et logements avec services de soutien ont déclaré avoir collaboré efficacement avec des locataires aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances afin d’instituer les mesures d’adaptation requises.

Apparemment le manque de logements abordables a un impact considérable sur les personnes âgées, surtout celles ayant des besoins en matière de santé mentale, particulièrement en raison des besoins complexes en matière de santé physique qu’elles peuvent avoir. Le milieu bâti n’est pas assez accessible aux personnes à mobilité réduite, qui peuvent aussi faire l’objet de discrimination sur le marché locatif pour de nombreux motifs interdits par le Code, dont l’âge et le handicap.

Les établissements psychiatriques refusent parfois d’admettre les personnes qui sont âgées et ont besoin d’un niveau de soins élevé en raison des troubles de comportement qu’entraînent les démences, les maladies psychiatriques ou d’autres problèmes neurologiques. Dans le même temps, il semble que des foyers de longue durée refusent d’admettre ces personnes en raison de leurs besoins complexes, ce qui explique qu’elles doivent vivre dans un logement inférieur aux normes ou rester à l’hôpital.

Par ailleurs, on nous a fait part de préoccupations sur la façon dont les logements sociaux ou avec services de soutien sont administrés. Lorsqu’une personne tarde à déclarer un changement dans son revenu, même si c’est parce qu’elle est à l’hôpital en raison de son handicap, cela peut avoir de graves répercussions sur son allocation, voire même entraîner son expulsion. Des fournisseurs de services ont également fait valoir le caractère souvent subjectif de l’exigence selon laquelle la personne doit pouvoir vivre de façon indépendante, ainsi que du besoin de direction quant à la façon d’interpréter cette section dans le contexte des locataires aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances.

Des inquiétudes ont également été exprimées à propos des modalités de prestation de services aux personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances qui résident dans des logements avec services de soutien. Quand les services sont fournis par du personnel et associés au logement, les locataires risquent de perdre leurs services s’ils changent de logement ou sont expulsés.

Pour les personnes consultées, les règles définies par la Loi de 2011 sur les services de logement rendent le travail à temps partiel inintéressant. Ces règles permettent aux fournisseurs de logements sociaux d’augmenter les loyers pour tenir compte de l’augmentation des revenus hors prestations sociales, tels que ceux tirés d’un emploi, quand ces revenus sont au-delà des montants précisés dans la réglementation. Une baisse correspondante des prestations d’aide sociale vient souvent aggraver la situation. Des rapports produits par la Metcalf Foundation décrivent en quoi ces règles ne permettent pas de sortir de la pauvreté, et perpétuent le besoin d’aide sociale.

Recommandations de la CODP :

  1. Passer en revue les politiques et guides provinciaux pour s’assurer que les exigences requises en matière de logement social, de services et de programmes sont légitimes et qu’elles n’ont pas d’incidences négatives sur les personnes handicapées ou d’autres groupes protégés aux termes du Code en les dissuadant de chercher un logement abordable ou en compromettant leur maintien dans le logement.
  2. Obliger ou encourager les fournisseurs de logements avec services de soutien à examiner leur processus de demande pour veiller, d’une part, à ce que les renseignements recueillis soient nécessaires et que, d’autre part, ils ne créent pas, par inadvertance, d’obstacles pour les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, et ne violent pas les droits à la vie privée des personnes. Avant de rejeter la demande d’une personne, chaque fournisseur de logements doit tenir compte de ses obligations aux termes du Code pour évaluer les besoins individuels de la personne et lui offrir les mesures d’adaptation nécessaires sans qu’il y ait de contraintes excessives.

Services de soutien coordonnés et accessibles

Le Guide tient compte de l’objectif important consistant à soutenir les divers besoins des Ontariennes et des Ontariens et exprime bien le fait que l’itinérance et l’insécurité en matière de logement affectent certains groupes plus que d’autres. En particulier, les Ontariennes et Ontariens issus des Premières Nations ou d’origine métisse ou inuite sont plus susceptibles d’éprouver des besoins impérieux en matière de logement et courent un risque plus grand d’itinérance que les Ontariennes et Ontariens non autochtones.

Le Guide reconnaît également que les victimes de violence conjugale, les jeunes quittant une situation de prise en charge, les personnes âgées et les personnes aux prises avec des troubles mentaux, des dépendances, des handicaps physiques ou des troubles du développement ont aussi des besoins particuliers sur le plan du logement et des services de soutien.

Dans le Guide, le terme « familles » est utilisé pour décrire tous les types de ménage et mode de vie commune que l’on retrouve dans la province. Il peut servir à décrire une seule personne, plusieurs familles ou plusieurs personnes sans lien de parenté. Cette utilisation du terme « famille » au sens large cadre avec les résultats des consultations menées par la CODP[19] et avec ses politiques[20] puisque, pour la CODP, la famille inclut les personnes ayant des relations de type enfant-parent et vivant au sein de familles monoparentales ou de familles recomposées, y compris celles où les parents sont de même sexe.

Nombre de personnes issues de ces groupes variés, de même que des membres de communautés racialisées, sont depuis longtemps défavorisées sur le plan socio-économique et continuent d’être victimes de préjugés, de discrimination et de harcèlement lorsqu’elles tentent d’obtenir un logement.

Opposition de type « pas dans ma cour », aménagement du territoire, délivrance de permis en matière de logement

Le Guide s’interroge sur la façon dont le gouvernement peut améliorer les outils règlementaires et législatifs afin de rendre les logements plus abordables. Dans le cadre des consultations et enquêtes publiques qu’elle a menées et des procédures dans lesquelles elle est intervenue, la CODP s’est aperçue que l’aménagement du territoire et le processus décisionnel des municipalités pouvaient être source de discrimination en matière de logement.

En présence d’une opposition discriminatoire au logement abordable pour les groupes protégés aux termes du Code (syndrome « pas dans ma cour »), il devient très difficile de créer des logements sociaux ou des logements avec services de soutien, et de maintenir ou augmenter l’offre de logements locatifs abordables ou l’accession à la propriété à faible coût. Dans Le droit au logement[21], rapport de consultation sur les droits de la personne et le logement locatif, la CODP a recommandé que les gouvernements et les organisations surveillent ce type d’opposition discriminatoire et luttent contre elle.

L’opposition de type « pas dans ma cour » fait référence à l’opposition à l’égard des projets domiciliaires fondée sur des stéréotypes ou des attitudes négatives envers les personnes qui habiteront les logements en question. Les stéréotypes ou attitudes en cause ont souvent directement trait à un ou plusieurs motifs de discrimination interdits par le Code. Ce type d’opposition peut prendre la forme d’attitudes ou d’actions, de lois ou de politiques élaborées par une municipalité.

Comme on l’a vu, nombre de groupes protégés aux termes du Code sont davantage susceptibles d’avoir besoin d’un logement abordable, qu’il s’agisse d’un foyer de groupe, d’une maison de chambres, d’un logement social ou d’un autre logement locatif à faible coût. Lorsque l’offre de logements de ce type est restreinte – lorsqu’on limite leur nombre ou leur emplacement par exemple ou qu’on impose des exigences en matière de conception ou de construction plus strictes que celles imposées pour les logements occupés par leurs propriétaires ou imposées par les normes de santé et de sécurité, ces groupes sont touchés de manière disproportionnée.

Nous avons par exemple appris que la création de logements avec services de soutien destinés aux personnes aux prises avec des troubles mentaux faisait souvent l’objet d’opposition de type « pas dans ma cour » parce que les membres de la collectivité craignent que cela fasse chuter la valeur des propriétés et augmenter la criminalité.

Nous avons également eu connaissance de l’existence de restrictions en matière de zonage pour les foyers de groupe et les maisons de chambres – leur exclusion des quartiers résidentiels ou l’instauration de distances de séparation minimales entre ces types de logements par exemple. Ces restrictions réduisent de façon significative les possibilités et se traduisent souvent par des coûts plus élevés pour la construction de foyers de groupe destinés aux personnes ayant des déficiences sur le plan du développement ou des problèmes de santé mentale ou aux jeunes pris en charge, et limitent l’offre de logements à très faible coût dont ces personnes et bien d’autres groupes visés par le Code ont besoin.

On nous a aussi parlé d’opposition de type « pas dans ma cour » aux refuges pour sans-abri et centres de traitement des dépendances, deux types de services utilisés par les personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances et d’autres groupes protégés aux termes du Code. Certaines municipalités ont adopté ou tenté d’adopter des règlements pour supprimer ou limiter les services destinés aux personnes ayant des dépendances.

Les règlements relatifs à la délivrance de permis sont souvent rédigés d’une façon qui va à contre-courant des objectifs de logement abordable. Nombre de municipalités délivrent des permis de logements locatifs et de maisons de chambres selon des modalités qui ciblent ou touchent de manière disproportionnée les groupes visés par le Code, et qui semblent limiter l’offre de logements abordables.  

En particulier, nous avons observé l’existence de règlements sur la délivrance de permis ciblant les zones à forte population estudiantine, ou certaines formes de logement, comme les maisons « individuelles » à faible densité dans certains quartiers.

La délivrance de permis est souvent liée à des restrictions de zonage discriminatoires. Par exemple, la réglementation requalifie les maisons louées en « maisons de chambres » sans se préoccuper de savoir si les occupants constituent ou non un foyer, puis les assujettissent à des restrictions de zonage ou à des exigences plus lourdes en matière de santé et de sécurité que celles applicables à des maisons similaires dans le quartier.

Par ailleurs, certains systèmes de délivrance de permis appliquent des règles et des exigences, des limites du nombre de chambres à coucher et des exigences liées à la surface de plancher par exemple, qui ne semblent justifiées par aucun motif légitime, comme les codes du bâtiment ou de prévention des incendies, les normes relatives aux propriétés, les enjeux liés à l’aménagement du territoire, et qui ne visent pas à résoudre des problèmes documentés particuliers. En fait, ils semblent plutôt limiter de façon arbitraire le nombre de maisons ou de pièces disponibles aux fins de location ou le nombre de locataires autorisés à occuper le logement.

La tendance générale consistant à établir des limites, plutôt qu’à faciliter le logement locatif comme forme de logement abordable, peut réduire la disponibilité globale et augmenter le coût des logements dont la population a tant besoin.

Ces types de pratiques, qui s’apparentent à une forme de « zonage de personnes », sont depuis longtemps jugés problématiques et hors du champ d’application de la Loi sur l’aménagement du territoire[22]. En raison de leur incidence sur les groupes marginalisés protégés aux termes du Code, de tels règlements municipaux peuvent entraîner de la discrimination même s’ils ne mentionnent pas explicitement les caractéristiques des personnes qui occuperont les logements.

Des participants ont aussi indiqué à la CODP que la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO), qui intervient dans des différends liés à l’aménagement du territoire et a l’autorité d’appliquer le Code des droits de la personne, constitue une importante tribune pour contester l’opposition de type « pas dans ma cour » et assurer le respect des droits de la personne.

La CODP est intervenue dans deux affaires dans lesquelles la CAMO a annulé des décisions qui ont été prises par les villes de Hamilton[23] et de Kitchener[24] pour tenter de restreindre l’installation de foyers de groupe et la mise en place de services destinés aux personnes handicapées par le biais de distances de séparation minimales.

Certains se préoccupent maintenant du fait que les permis autorisant le logement, qui ne peuvent pas faire l’objet d’appels devant la CAMO, semblent parfois servir au « zonage de personnes ». Dans certaines municipalités, la délivrance de tels permis peut être liée à des règlements de zonage d’exclusion ou peut sembler cibler certains groupes protégés aux termes du Code ou formes de logements abordables, ce qui peut avoir un effet discriminatoire. Les municipalités ont le droit de délivrer des permis autorisant le logement locatif, mais devraient le faire à des fins légitimes seulement, par exemple pour résoudre des préoccupations de santé, de sécurité, d’aménagement du territoire et d’entretien véritables.

Nous avons appris que certaines municipalités auraient recours au paragraphe 17 (24.1) de la Loi sur l’aménagement du territoire pour empêcher que les aspects des plans officiels et des modifications de zonage pouvant être assimilés à des pratiques d’exclusion puissent faire l’objet d’appel, et ce, malgré les conseils de la CODP et (ou) du ministère. Ainsi, Oshawa a autorisé la création de deuxièmes unités dans toute la ville, sauf dans les zones autour des collèges et universités, ce qui a des répercussions négatives sur les étudiants sur la base de leur âge.

La Dream Team,[25] un groupe d’intervenants présentant des troubles de santé mentale, a joué un rôle déterminant pour contester les pratiques de zonage discriminatoires adoptées par les municipalités de l’Ontario. En 2010, le groupe a déposé des requêtes pour violation des droits de la personne contre les municipalités de Toronto, Sarnia, Smiths Falls et Kitchener auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario afin de contester les distances de séparation obligatoires et autres restrictions de zonage concernant les foyers de groupe destinés aux personnes handicapées en Ontario. La Dream Team était représentée par le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, et la CODP est intervenue dans ces affaires. À la suite du règlement des affaires en 2014, chaque municipalité a modifié ses règlements administratifs en supprimant les restrictions discriminatoires[26]. Dans le cadre de son examen du problème, la cité de Toronto a publié un rapport d’experts indépendants; il en ressort que les distances de séparation applicables aux foyers de groupe ne sont justifiées par aucun motif lié à l’aménagement du territoire, et leur suppression est recommandée[27].

Recommandations de la CODP :

  1. Inclure des dispositions dans la Loi de 2001 sur les municipalités et la Loi de 2006 sur la cité de Toronto énonçant que le processus de délivrance de permis doit être conforme au Code des droits de la personne; et publier des lignes directrices, du matériel pédagogique et des communications à cet effet.
  2. Donner des orientations claires aux municipalités afin d’identifier et de supprimer les obstacles liés au zonage, notamment en leur demandant de supprimer les distances de séparation minimales et autres interdictions et restrictions liées au zonage pour les foyers de groupe qui limitent l’accès à un logement raisonnable sans justification valable liée à l’aménagement du territoire ou à la santé et la sécurité; qui établissent des distinctions entre logements de taille similaire et aménagement du territoire sur la base des personnes qui vivent dans le logement; et en autorisant les foyers de groupe, les maisons de chambres, les logements avec services de soutien et les maisons en copropriété appartenant à plusieurs propriétaires. 
  3. Adopter une démarche préventive d’élimination des obstacles en lien avec la planification municipale à l’échelle de la province qui ont des répercussions négatives sur les droits de la personne.
  4. Obliger les municipalités de l’ensemble de la province à passer en revue leurs règlements de zonage et règlements sur les permis autorisant les logements locatifs et à supprimer les exigences non légitimes qui créent des obstacles au logement et aux services qu’utilisent les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances (comme les foyers de groupes ou centres de traitement des dépendances).
  5. Faire en sorte que le système d’aménagement prévoie des mesures incitatives et d’autres mesures pour veiller à ce que les règlements de zonage et plans officiels municipaux et régionaux se conforment aux politiques et priorités de la province, ainsi qu’au Code des droits de la personne.
  6. Obliger, autoriser ou encourager l’adoption de mesures inclusives de zonage, c’est-à-dire des lois et règlements municipaux qui obligent les promoteurs et municipalités à réserver un pourcentage des nouvelles unités au logement abordable ou aux personnes handicapées ou ayant d’autres besoins liés à leur appartenance à des catégories visées par le Code étant donné que ces personnes ont – de façon disproportionnée – tendance à avoir des besoins sur le plan du logement; et prendre d’autres mesures pour faire progresser le logement inclusif à travers la province.
  7. Trouver des solutions pour continuer d’appliquer l’exemption d’appel prévue par la Loi sur l’aménagement du territoire tout en limitant la possibilité pour les municipalités de l’utiliser pour protéger des restrictions ou des règles susceptibles de contrevenir au Code ou de contourner les propres objectifs du ministère en matière de logement abordable.

Location

La CODP a déjà fait état de traitements discriminatoires dans le domaine du logement locatif affectant divers groupes protégés aux termes du Code à l’étape de sélection et pendant la location, traitements pouvant parfois mener à l’expulsion, voire à l’itinérance.

Nombre de personnes mentionnent que les locateurs du secteur privé refusent de leur louer un logement parce qu’elles appartiennent à des communautés autochtones ou racialisées, parce qu’elles élèvent seules leurs enfants ou en raison de leur pays d’origine, de leur identité sexuelle, de leur handicap, etc. Elles sont nombreuses à dire qu’elles se voient régulièrement refuser un logement parce qu’elles touchent l’aide sociale, malgré l’interdiction de cette forme de discrimination prévue dans le Code. Même lorsqu’elles sont acceptées comme locataires, ces personnes peuvent être victimes de harcèlement de la part des locateurs et des autres locataires. Certains participants ont également dit que leur locateur ou fournisseur de logements avait à plusieurs reprises ignoré leurs demandes concernant des réparations à effectuer dans leur logement.

Beaucoup de personnes ont dit s’être fait refuser un logement dans le marché locatif privé après avoir révélé qu’elles avaient un problème de santé mentale ou une dépendance, ou après que le locateur a perçu un tel problème. Dans le cadre d’une étude effectuée par le Centre pour les droits à l’égalité au logement, on a déterminé qu’un locataire éventuel sur trois qui divulgue une maladie mentale fera l’objet de discrimination au sein du marché locatif de Toronto. 

Nous avons aussi entendu parler de personnes ayant des antécédents psychiatriques qu’on avait étiquetées à tort comme locataires irresponsables ou même dangereux, ou de personnes incapables de prendre soin d’elles-mêmes. Certaines personnes ont aussi dit avoir dû présenter un co-signataire ou un garant, ou fournir un dépôt supérieur à un mois de loyer. Les personnes avaient souvent dû répondre à des questions indiscrètes ne sachant pas qu’elles n’étaient pas tenues de divulguer des renseignements sur leurs handicaps à un locateur éventuel.

Des personnes ont raconté avoir perdu leur logement locatif privé ou logement social ou avoir été menacées d’expulsion en raison d’un trouble mental ou d’une dépendance, ou connaître quelqu’un à qui cela est arrivé. Dans certains cas, la personne se serait retrouvée sans abri.

Les décideurs du milieu juridique ont reconnu le fait que les personnes sans abri comptent parmi les membres de la société les plus vulnérables et qu’elles sont souvent aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances[28] ; ils ont également analysé des données qui montrent l’incidence de l’itinérance sur la santé physique et mentale[29].

Nous avons appris que certaines personnes pouvaient être expulsées ou menacées d’expulsion pour avoir affiché des comportements associés à leur handicap qui perturbaient « la jouissance raisonnable de l’ensemble d’habitation » par les autres locataires. En vertu de la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation, il s’agit là d’un motif d’expulsion. Mais certaines personnes ont décrit comment des locateurs expulsaient des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances sans même essayer de prendre le temps de résoudre les situations qui survenaient, le cas échéant.  Or, l’obligation d’accommodement sans qu’il y ait de contraintes excessives s’applique à ces situations.

Dans certains cas, il peut être difficile pour les locateurs et les fournisseurs de logements de concilier les droits de la personne aux prises avec un handicap qui a besoin de mesures d’adaptation et les droits des autres locataires. On nous a fait part de différentes stratégies qui ont permis à des locataires et fournisseurs de logements d’utiliser le processus d’accommodement avec succès.

Par exemple, si la personne a des besoins complexes, il pourrait s’agir de communiquer avec des fournisseurs de soutien externes ou d’adopter une approche fondée sur le travail d’équipe avec le consentement de la personne.

La discrimination en ce qui concerne l’accès à un logement locatif et le maintien dans le logement fait que, bien souvent, les groupes les plus vulnérables et ceux au revenu le plus faible sont contraints de payer des loyers bien supérieurs à ce qui est considéré comme abordable. Ceci augmente alors le risque d’itinérance, de faim, de manque d’hébergement, de harcèlement et d’autres types de discrimination liés au logement étant donné que les locataires ont très peu de possibilités qui s’ouvrent à eux.

Recommandations de la CODP :

  1. Sensibiliser les fournisseurs de logements sociaux, coopératifs et privés aux obligations que leur confère le Code des droits de la personne.
  2. Appuyer les fournisseurs de logements sociaux, coopératifs et privés pour veiller à ce qu’ils respectent leur obligation d’accommodement. Cela pourrait inclure le fait d’assurer que suffisamment de tierces parties sont disponibles pour aider à combler les besoins des locataires en matière d’accommodement.
  3. Aider les fournisseurs de logements sociaux, coopératifs et à but lucratif à se doter d’une expertise en matière de droits de la personne afin de pouvoir procurer des conseils en matière de droits liés au logement, enquêter sur les plaintes et agir à titre de médiateurs lorsque cela est approprié, et vérifier que leurs politiques et procédures ne créent pas d’obstacles.

Vérifications des dossiers de police

La vérification du casier judiciaire devient de plus en plus courante sur le marché locatif privé. Cette pratique a des répercussions négatives sur certains groupes, tels que les communautés autochtones et racialisées ainsi que les personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances. Ces groupes sont plus souvent confrontés au système de justice pénale et sont plus souvent victimes de discrimination telle que le profilage racial contraire au Code des droits de la personne de l’Ontario. 

Par exemple, d’après le bureau de l’ACSM de Sudbury-Manitoulin, les personnes qui sont aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, et qui ont un casier judiciaire, ont beaucoup de difficultés à trouver un fournisseur qui acceptera de leur louer un logement.

En avril 2015, la CODP a présenté un mémoire dans le cadre d’une consultation menée par le gouvernement de l’Ontario relativement à l’imposition de normes en matière de vérification des dossiers de police[30]. Le gouvernement a depuis présenté un projet de loi pour obtenir l’opinion du public[31]. La CODP a fait part de ses préoccupations à propos des éventuels effets discriminatoires des vérifications des dossiers de police sur certains groupes, lesquelles peuvent constituer des obstacles à l’accès à l’emploi, au logement et à d’autres services. La CODP a souligné que l’actuelle protection limitée relative au casier judiciaire prévue par le Code s’applique seulement à l’emploi mais pas aux domaines du logement, des services ou de l’adhésion aux associations professionnelles.

Recommandation de la CODP :

  1. Examiner de quelle manière les nouvelles normes proposées en matière de vérification des dossiers de police et d’autres protections relatives au casier judiciaire s’appliqueraient au logement également.

Services à l’enfance et à la famille

Dans son mémoire au gouvernement concernant l’examen de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, la CODP a fait part d’inquiétudes relatives au fait qu’encore aujourd’hui, en Ontario, des parents renoncent à leurs enfants ou que des sociétés d’aide à l’enfance retirent des enfants de leur famille parce qu’ils ne disposent pas d’un logement adéquat[32].

En 2012, la Commission de promotion de la viabilité des services de bien-être de l’enfance signalait par ailleurs que « les familles qui recevaient des services de bien-être de l’enfance étaient souvent aux prises avec un ensemble complexe de difficultés : logement mais aussi pauvreté, toxicomanie, racisme, problèmes de santé, chômage et isolement social ».

Les observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU dans le cadre de son rapport de 2006 sur le Canada exprimaient des préoccupations similaires. Le comité constatait que les familles à faible revenu, les familles dont le chef est une mère célibataire et les familles autochtones et afro-canadiennes étaient surreprésentées parmi les familles dont les enfants étaient placés dans des structures d’accueil. Il s’inquiétait également de ce que des femmes continuaient d’être obligées de placer leurs enfants dans des familles d’accueil parce qu’elles ne disposaient pas d’un logement décent. Le comité recommandait au gouvernement de recueillir des données statistiques afin de bien mesurer l’étendue du problème. Il recommandait en outre aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir un tel placement, y compris des mesures de soutien financier, le cas échéant.

Au cours des consultations menées sur le logement, la CODP a également appris que les taux de pauvreté affichés par les peuples autochtones, les Afro-Canadiens, les personnes handicapées et d’autres groupes influaient de manière disproportionnée sur leur accès à un logement convenable.

Le Rapporteur spécial sur le logement convenable des Nations Unies a fait état, suite à sa mission au Canada en 2007, du fait que les femmes, notamment les femmes autochtones, qui tentaient de fuir des relations de violence avaient très peu de possibilités en termes de logement et couraient le risque de se voir retirer leurs enfants par des organismes de protection de l’enfance. Le Rapporteur spécial recommandait de « veiller à accorder aux mères un revenu et une aide au logement suffisants pour leur permettre de se procurer un logement convenable et de conserver la garde de leurs enfants ».

Recommandations de la CODP :

  1. Examiner la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, et/ou les politiques et guides interprétatifs, afin de s’assurer que le logement non convenable ou la pauvreté ne constituent pas les seuls critères visant à déterminer si le bien-être de l’enfant est menacé.
  2. Rendre compte de la proportion d’enfants et de familles ayant un faible revenu et un logement non convenable qui bénéficient de services en vertu de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, notamment en recueillant et en contrôlant des données d’ensemble ventilées en fonction des groupes défavorisés identifiés dans la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté.

Données probantes et pratiques exemplaires

Sur la base des études réalisées, des consultations publiques et des enquêtes menées, et des procédures judiciaires dans lesquelles elle est intervenue, la CODP approuve ce que dit le Guide à propos du fait que nous manquons de données, ce qui limite notre capacité à comprendre les progrès accomplis au regard de l’objectif global, à savoir que chaque personne dispose d’un logement abordable, convenable et de qualité, ainsi que notre capacité à effectuer un suivi de ces progrès.  

En 2013, la CODP a présenté un mémoire sur l’examen, par le gouvernement, de sa Stratégie de réduction de la pauvreté[33] préconisant de ventiler ses indicateurs de réussite, notamment la mesure relative au logement, afin de démontrer l’impact de la stratégie sur les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes racialisés qui se retrouvent d’une façon disproportionnée dans des situations de pauvreté.

La Stratégie de réduction de la pauvreté lancée par le gouvernement en 2014 tient compte en partie de la recommandation de la CODP, en prenant l’engagement de mesurer le taux de pauvreté au sein de ces groupes vulnérables.

Dans le même temps, les médias ont relayé les préoccupations du public relatives au fait que le gouvernement n’a pas été en mesure d’atteindre son objectif de réduction de la pauvreté des enfants et de leurs familles de 25 p. 100 pendant les cinq années de sa première stratégie. Certaines personnes s’inquiètent également de constater que le gouvernement n’a pas encore fixé d’objectif relativement à sa nouvelle orientation visant l’itinérance.

Recommandations de la CODP :

  1. Établir des rapports annuels à propos de diverses mesures, notamment : taux de pauvreté, taux de ménages éprouvant des besoins impérieux en matière de logement (non abordable, de qualité non convenable ou de taille non convenable) et progrès accomplis au regard de l’objectif de réduction de l’itinérance pour les enfants et leurs familles, ainsi que pour les autres groupes désavantagés visés par la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté et la Stratégie de réduction de la pauvreté (immigrants, mères célibataires, personnes handicapées, Autochtones et groupes racialisés).
  2. Fournir des renseignements, de l’éducation et des ressources sur les « pratiques exemplaires » en matière de droits de la personne aux fournisseurs de services de logement et aux personnes responsables de programmes et services connexes, notamment en élaborant et (ou) en actualisant des guides provinciaux qui s’appuient sur les politiques et les guides de la CODP.   

La CODP a rédigé plusieurs politiques et guides afin de promouvoir les pratiques exemplaires dans les domaines des droits de la personne et du logement :

Autres mémoires de la CODP concernant le lien entre pauvreté, logement et inégalités


[1] La CODP a présenté un mémoire initial en 2009 dans le cadre de la consultation préalable à la première Stratégie à long terme de logement abordable (2010). En ligne : http://www.ohrc.on.ca/fr/m%C3%A9moire-de-la-commission-ontarienne-des-dr...

[5] La disposition 3 du paragraphe 2 (2) de la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté reconnaît que « tous les groupes sociaux ne courent pas le même risque face à la pauvreté ». La stratégie de réduction de la pauvreté doit reconnaître le risque accru couru par des groupes tels que les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes racialisés. La disposition 3 du paragraphe 2 (3) de la Loi reconnaît aussi que le « logement » constitue l’un des principaux déterminants de la pauvreté et exige, par conséquent, des comptes rendus annuels sur les indicateurs afin de mesurer le degré de réussite de la stratégie.

[10] La Cour suprême du Canada a indiqué que la législation nationale (qui inclut le Code et la Charte) doit être interprétée de façon à respecter les engagements internationaux du Canada (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817, au paragr. 69). Les tribunaux en Ontario ont reconnu qu’il existe un lien entre le statut socioéconomique et les motifs de discrimination prévus par le Code [voir Kearney c. Bramalea Ltd. (N° 2), (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. enq. Ont.); confirmant Shelter Corp. c. Ontario (Comm. Des droits de la personne) (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour. sup. de just. de l’Ont.), affaire qui mettait en cause l’application, par plusieurs locateurs, de critères de revenu minimal ou de rapports loyer-revenu dans l’évaluation des demandes de logement, ce qui constitue une pratique discriminatoire].

[11] Article 28 du Pacte : Les dispositions du présent Pacte s'appliquent, sans limitation ni exception aucune, à toutes les unités constitutives des États fédératifs.

[12] Le droit au logement et l’état du logement abordable disponible en Ontario et au Canada sont étudiés de façon approfondie dans le document publié par la CODP intitulé Les droits de la personne et le logement locatif en Ontario : Document de référence (2007), dans son rapport de consultation sur le logement intitulé Le droit au logement (2008), et dans sa Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif (2009), ainsi que dans le rapport Parce qu’on importe! Rapport de la consultation sur les droits de la personne, les troubles mentaux et les dépendances (2012) et dans sa Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances (2014); en ligne : www.ohrc.on.ca/fr.

[13] Une personne est réputée avoir des besoins impérieux en matière de logement si son logement n’est pas abordable, convenable ou de qualité, et si elle serait obligée de consacrer plus de 30 p. 100 de son revenu pour accéder à un autre logement au loyer médian du marché local. Voir aussi : Jacqueline Luffman, « Mesurer l’abordabilité du logement » (2006), vol. 7, n° 11, novembre. Perspectives sur l’emploi et le revenu, Statistique Canada, n° 75-001-XIF au catalogue. En ligne : Statistique Canada www.statcan.gc.ca/pub/75-001-x/11106/9519-fra.pdf (consulté le 22 avril 2015), p. 17.

[14] Rapport sur les droits à l’égalité des Autochtones, Commission canadienne des droits de la personne 2013, en ligne : www.chrc-ccdp.gc.ca/sites/default/files/rapport_egalite_autochtones.pdf

[15] Adapté du document de Statistique Canada intitulé Enquête sur la participation et les limitations d'activités, 2006, adultes de 15 ans et plus (totalisation personnalisée pour la CODP).

[16] Dans l’enquête, ce groupe était défini comme personnes ayant des « déficiences affectives ».

[17] Mémoire intitulé « Submission to the Ontario Human Rights Commission on Human Rights and Rental Housing in Ontario », présenté par le Centre for Equality Rights in Accommodation, et le Social Rights Advocacy Centre avec le National Working Group on Women and Housing in Canada, 2007; et Human Rights, Access and Equity: CERA’s recommendations for the Homelessness Action task Force, novembre 1998.

[18] Adapté des rapports de la CODP Parce qu’on importe et Le droit au logement. Voir la note 12 ci-dessus.

[19] Le coût de la prestation de soins: Rapport de consultation sur la discrimination fondée sur l’état familial (CODP), en ligne : http://www.ohrc.on.ca/fr/le-co%C3%BBt-de-la-prestation-de-soins-rapport-...

[20] Politique et directives concernant la discrimination au motif de l'état familial (CODP), en ligne : www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-la-discrimination-a...

[22] L’analyse de la notion de « zonage de personnes » vient de la décision de la Cour suprême du Canada R. c. Bell (S.C.C.), (1979), 98 D.L.R. (3rd) 255, dans laquelle la Cour a invalidé un règlement municipal limitant les occupants du logement aux membres de la famille, en déclarant que cela s’apparentait à du « zonage de personnes » et que cela ne relevait pas du champ d’application de la Loi sur l’aménagement du territoire ».

[23] À la suite du rejet par la ville de Hamilton de la demande du Lynwood Charlton Centre visant à déplacer un logement pour huit adolescentes ayant des problèmes de santé mentale, la CODP est intervenue dans l’appel de la décision, qui a été accueilli, devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO). La CAMO a accepté les arguments de la CODP selon lesquels la proposition du centre vise à supprimer les obstacles liés à l’utilisation du sol et à améliorer l’accès à un logement convenable pour les personnes handicapées, et ce, conformément à la Déclaration de principes provinciale (DPP) et aux autres dispositions législatives en matière d’aménagement du territoire du gouvernement de l’Ontario. La CAMO a également convenu que la disposition de la DPP exigeant que les offices d’aménagement autorisent et facilitent l’offre de logements pour les personnes ayant des besoins particuliers est une « directive efficace traduisant un grand intérêt pour la politique provinciale ». La ville de Hamilton n’a pas interjeté appel de la décision et a annoncé qu’elle effectuera « un examen complet des établissements de soins résidentiels dans le cadre de la Déclaration de principes provinciale, en ce qui a trait aux besoins particuliers, aux distances de séparation et au Code des droits de la personne ». Hamilton (City) Zoning By-law 6593 (Re), (2013) 78 O.M.B.R. 253.

[24] En 2010, la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO) a affirmé dans une décision que les municipalités doivent prendre en considération les besoins de toute la population – y compris ceux des personnes handicapées ou recevant de l’aide sociale – lorsqu’elles adoptent des règlements municipaux. Deux règlements municipaux ont empêché la construction de nouveaux logements sans but lucratif et avec services de soutien dans le quartier Cedar Hill du centre-ville de Kitchener. Le Centre ontarien de défense des droits des locataires et d’autres groupes s’y sont opposés, et la CODP est intervenue pour faire valoir que la CAMO était tenue d’appliquer le Code dans son examen de l'affaire. Voir Kitchener (City) Official Plan Amendment No. 58 (Re) (2010), 64 O.M.B.R. 283.

[27] Agrawal, Sandeep, Opinion on the Provisions of Group Homes in the City-wide Zoning By-law of the City of Toronto. Voir le rapport du Comité sur l’aménagement du territoire et la gestion de la croissance de la cité de Toronto, 28 février 2014, annexe 1, pages 33 à 83. Accessible en ligne (en anglais) à : www.toronto.ca/legdocs/mmis/2013/pg/bgrd/backgroundfile-56473.pdf

[28] Voir Victoria (City) v. Adams, 2009 BCCA 563 (CanLII) au paragr. 75; Victoria (City) v. Adams, 2008 BCSC 1363 (CanLII); Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Association and another (No. 6), 2012 BCHRT 23 (CanLII).

[29] Victoria (City) v. Adams, 2009, ibid. at para. 26; Victoria (City) v. Adams, 2008, ibid., au paragr. 44.

[42] Voir également les Observations de la CODP à l’attention de la réunion publique réglementaire au sujet de l’ébauche de règlement de zonage applicable à toute la ville de Toronto (2013) sur www.ohrc.on.ca/fr/observations-de-la-commission-ontarienne-des-droits-de....

[43] www.ohrc.on.ca/fr/examen-de-la-déclaration-de-principes-provinciale-relative-%C3%A0-l%E2%80%99aménagement-du-territoire-menée-par.

[48] Voir la note 1 ci-dessus.