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L'aspect humain du logement locatif

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À chaque étape de la consultation, des personnes ont fait part de leur expérience, de leurs sentiments et de leurs points de vue.Ces opinions personnelles jouent un rôle clé lorsqu’il est question de droits de la personne.Chaque histoire contient la vision d’une personne concernant un enjeu plus vaste, qui touche les Ontariennes et les Ontariens de l’ensemble de la province.

Le syndrome « pas dans ma cour » : un organisme sans but lucratif y livre bataille...

La société Humewood House a participé à la création d’un ensemble résidentiel comprenant des logements avec services de soutien et des logements de transition destinés aux mères adolescentes. Le processus s’est avéré long, ardu et intimidant. Les politiques de clocher en ont bloqué le déroulement à de nombreuses reprises. L’atmosphère était si conflictuelle qu’il était presque dangereux d’inviter les éventuels locataires et les intervenants à venir se représenter eux-mêmes pour parler de leurs besoins en matière de logement sûr et abordable. Si les intervenants ne sont pas en sécurité dans ces réunions, pourquoi en organiser?

À titre de nouveau venu dans le processus de planification, j’avais cru que les questions soulevées lors des réunions de planification ouvertes au public concerneraient le logement et le zonage plutôt que les personnes. Les discussions ont toutes porté sur les femmes qui vivraient dans les logements, leurs amis et leur mode de vie, mais jamais sur le zonage. Je ne crois pas que le processus de planification était censé permettre aux résidents du quartier de déterminer qui seront les futurs locataires des logements et de les juger. Toute personne a droit à un logement.

Le processus stigmatisait également les jeunes familles. Les leaders de la collectivité ont alimenté un tel sentiment de haine lors d’une réunion que les membres du public se sont mis à crier aux jeunes femmes qui assistaient à la réunion de « se trouver un mari ». En tant que professionnel, j’ai été bouleversé d’entendre les insultes et les injures des résidents. Je n’ose pas imaginer ce que ressentaient les femmes qui ont eu le courage de venir prendre la parole. Le ressentiment et la rage qui ont été exprimés lors des réunions publiques a tellement attiré l’attention de la collectivité que les jeunes femmes qui emménageront dans ces logements de transition et avec services de soutien auront un véritable défi à relever pour changer les mentalités. Ce n’est pas la stratégie la plus appropriée pour la création de quartiers inclusifs et de collectivités vivantes et diversifiées.

Le syndrome « pas dans ma cour » : l’histoire d’un bénéficiaire survivant en psychiatrie…

J’ai assisté dernièrement à une séance d’information communautaire sur la santé mentale au cours de laquelle on a proposé la création de logements avec services de soutien pour les survivants en psychiatrie. Le projet respectait toutes les exigences en matière de zonage et était approuvé « de plein droit ». Malgré cela, le conseiller municipal a quand même demandé la tenue d’une rencontre afin d’informer les membres de la collectivité.

Au cours de cette rencontre à laquelle de nombreux résidents ont assisté, bon nombre d'entre eux ont désapprouvé la construction de ces logements. Même si la personne qui présidait l’assemblée prenait soin de ne pas faire de remarques sur les éventuels locataires, les résidents de l’endroit ne se sont pas gênés pour demander quel type de maladie les personnes pourraient avoir, si leur prise de médication serait supervisée ou si ces personnes avaient un casier judiciaire. Un homme d’affaires a même exprimé la crainte de voir son entreprise péricliter en raison de la proximité de ces logements. Bon nombre de personnes ont parlé du fait qu’elles se sont constituées un avoir en devenant propriétaires et ont exprimé leur crainte de voir la valeur de leur propriété diminuer.

J’ai entendu à plusieurs reprises des parents dire que leurs enfants ne pourraient plus marcher seuls dans le quartier, que ceux-ci ne seraient plus en sécurité à l’arrêt d’autobus qui se trouverait près de l’édifice. Et malgré qu’on leur ait dit que le diagnostic des locataires est de nature privée, les gens ont persisté à dire qu’ils avaient le droit de savoir qui emménagerait dans leur collectivité. J’ai entendu plusieurs personnes demander si ce type de logement allait amener des pédophiles dans le quartier.

Il est intéressant de noter que j’ai vécu dans le secteur pendant 15 ans. Lorsque j’y ai emménagé, bien que je sois un bénéficiaire survivant en psychiatrie, personne ne m’a posé de questions sur ma santé, ne s’est informé si j’avais un casier judiciaire ou ne m’a demandé si je prenais des médicaments. Les remarques formulées lors de cette réunion m'ont offensé
et profondément blessé.

La stigmatisation et le syndrome « pas dans ma cour » sont deux attitudes qui sévissent dans ma ville. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale n’ont pas à être traitées comme des citoyens de seconde zone en raison de la nature de leur handicap. Depuis quand l’état de santé mentale et le revenu d'une personne sont-ils devenus des critères à l'emménagement dans un quartier?

Je trouve aberrant de penser que ces personnes croient fermement avoir le droit d'obtenir une réponse à leurs questions. Cela me déçoit et me dégoûte de savoir que ce type de préjugé est aussi courant. La lutte en faveur du logement avec services de soutien en 2007 n’est pas tellement différente de celle que les gens de couleur ont menée dans les années 1950 et 1960.

Le syndrome « pas dans ma cour » est déguisé en plaintes adressées au conseil municipal pour son manque de transparence dans le processus et son absence de communication. Les personnes qui adoptent cette attitude font semblant de se préoccuper du sort des futurs locataires. Ces prétentions sont viles. Le syndrome « pas dans ma cour » est associé à un comportement manipulateur, méprisant, avilissant, péjoratif, condescendant et offensant. Il contribue à perpétuer les mythes et la stigmatisation des personnes ayant des problèmes de santé mentale. Le syndrome « pas dans ma cour » constitue une violation des droits de toute personne ayant une maladie mentale.

Une décision d’une coopérative qui rappelle de mauvais souvenirs

J’ai récemment quitté une coopérative située dans l’Ouest de l’Ontario, où j’ai vécu pendant cinq ans. Durant tout ce temps, j’ai fait l’objet de discrimination raciale et religieuse pratiquement chaque jour. La coopérative semblait avoir des comités pour traiter de toutes sortes de questions sauf le multiculturalisme ou la jeunesse, et la composition du conseil
n’a jamais reflété la diversité des personnes qui y habitaient. Le manuel des règlements de la coopérative mesurait bien 12 cm d’épaisseur, mais seulement une ligne et demie abordait la question des droits des locataires.

Les personnes qui détenaient un certain pouvoir dans ce complexe ne disposaient d’aucune compétence en matière de multiculturalisme. Je sentais beaucoup de tension entre les locataires et une certaine oppression silencieuse envers les locataires marginalisés et vivant sous le seuil de la pauvreté.

En 2005‑2006, il y a eu des problèmes de vandalisme dans le complexe. Le Comité des règles et les membres du conseil ont alors décidé, sans consultation auprès des membres, d’instaurer un couvre-feu. Le comité a désigné des membres, qui agissent généralement à titre d’hommes de main dans le complexe, pour surveiller les lieux de la coopérative entre minuit et six heures du matin.

Cette pratique a suscité un sentiment d’inquiétude chez moi et ma famille, ainsi que parmi de nombreux membres de la coopérative qui sont des nouveaux immigrants. La plupart d’entre nous venons d'un pays ravagé par la guerre, où le couvre-feu constitue une mesure d'oppression, de manipulation et de contrôle de la part des dictateurs. Ici, au Canada, la mise en place de cette règle ne nous visait pas particulièrement, mais elle a contribué à nous faire revivre des expériences et des traumatismes très pénibles.

Le Canada étant un endroit où nous pouvons vivre en sécurité, nous ne devrions jamais nous sentir persécutés ou espionnés. Je crois que les leaders de ce complexe devraient être en mesure de trouver d'autres stratégies et pratiques.

« C’est tranquille et c’est gratuit. »

D. participait au programme Ontario au travail et il terminait un recyclage professionnel. Vivant dans un logement de transition où la durée de séjour des résidents est prédéterminée, il devait bientôt quitter l'endroit.

C’est alors que D. s'est cherché un nouveau chez‑soi. Il a trouvé un appartement à 450 $ par mois et en a parlé à son agent d’Ontario au travail pour savoir s’il pouvait y emménager. L’agent lui a appris que le logement était trop dispendieux pour lui étant donné sa situation. D. a fait valoir qu’il avait seulement besoin d’aide pendant une certaine période puisqu’il avait trouvé un emploi et qu’il commencerait bientôt à travailler. Il recevrait son salaire d’ici un mois ou deux et pourrait alors payer son loyer.

L’agent n’a pas voulu et a refusé de lui fournir une allocation de logement, et D. n’a pas pu obtenir l'appartement. C’est ainsi que lorsqu’est venu le temps de quitter son logement de transition, il s’est retrouvé à la rue. Devenu itinérant, il n'avait plus d'adresse, ce qui lui a valu d’être éliminé du programme Ontario au travail.

Finalement, D a trouvé un endroit qu’il appelle « chez moi » : une crypte dans le cimetière local. Même si l’endroit donne un peu la chair de poule, il peut y demeurer sans problème jusqu’à ce qu’il reçoive son premier chèque de paye. « C’est un peu humide, mais je ne suis pas forcé par les policiers de quitter l’endroit. C'est tranquille et c'est gratuit. »

Jeune, Noir et expulsé

En juin 2003, j’ai remis à mon locateur un avis de 30 jours lui indiquant que je quittais mon appartement le 1er août. Celui-ci a confirmé la réception de l’avis et accepté les conditions de mon départ.

Je suis ensuite parti en visite chez des parents. Lorsque je suis revenu, la dernière semaine de juillet, j’ai vu que le locateur avait illégalement verrouillé les portes de mon appartement. Quand j’ai rencontré le personnel responsable de l’édifice, on m’a indiqué qu’ils avaient disposé de mon logement et qu’ils avaient considéré que mon appartement était « abandonné » pour cause de non‑paiement de loyer.

J’étais indigné, car le locateur avait, sans procédure établie ni demande auprès du Tribunal du logement de l’Ontario, illégalement disposé de mon logement malgré l’entente signée que je lui avais signifiée et qui indiquait que je quittais les lieux le 1er août.

Je crois que c’est un cas de discrimination fondée sur l’âge et la race. À l’époque, j'avais 23 ans et je suis d'origine somalienne (de race noire). Je crois que le locataire (de logements sociaux) a présumé que, selon son expérience des personnes de mon âge et de ma race, j’avais abandonné le logement. Il a émis des hypothèses fondées sur des stéréotypes, comme le prouve le fait qu’il se soit empressé de reprendre possession du logement.

Un arbitre du Tribunal du logement de l’Ontario a rendu une ordonnance déclarant que le locateur avait interféré avec la « jouissance raisonnable du logement », mais il m'a uniquement accordé 200 $ au lieux des 5 000 $ que je réclamais pour remplacer mes biens détruits. Je me suis senti trahi par l'institution même qui aurait dû protéger mes droits.

Après avoir appris qu'on avait rejeté l’appel de cette décision, j’ai pensé m’adresser à la Cour divisionnaire, mais je n'ai pas pu trouver d’avocat pour me représenter. J’ai alors cherché une jurisprudence pour savoir si je pouvais poursuivre le locateur devant la division des petites créances et obtenir une compensation pour mes biens personnels perdus. J’ai alors trouvé quelques cas qui appuyaient cette réclamation. L'affaire était prête à être entendue, mais j’ai décidé de régler à l’amiable pour 2 000 $, car j’étais épuisé mentalement par tout ce processus que j’avais dû engager sans l’aide de qui que ce soit.

On n’est jamais aussi bien que chez soi… mais pas toujours!

Les effets de la polysensibilité chimique grave ressemblent souvent à des lésions cérébrales. Intermittentes et souvent prolongées, elles s’emparent d’une personne sans avertir, simplement à la suite d’une exposition à des substances que la majorité des gens utilise quotidiennement. Pour une personne malade à la suite d'une exposition à des substances chimiques, les choses ne tournent pas aussi rond qu’elles le devraient. La compréhension de concepts simples devient difficile, voire impossible. Des comportements autistiques se manifestent. Le niveau d’énergie chute rapidement. Des douleurs et une difficulté à respirer se développent. Les fonctions motrices et cognitives se détériorent.

Le seul moyen de reprendre des forces et de jouir d’une certaine qualité de vie consiste à éviter l’exposition aux substances chimiques. Pourtant, chaque fois que je commence à aller mieux, une personne de mon entourage utilise un produit qui me fait retomber. Ce qui a commencé par une sensibilité aux parfums et aux produits nettoyants a augmenté et dégénéré de sorte que je suis forcée de vivre complètement isolée, uniquement parce que j'ai été incapable de me trouver un logement qui me protégerait.

La maison où je vis doit bientôt être démolie (en fait, tout le bloc passera sous le pic des démolisseurs) et les réparations nécessaires n’ont pas été faites depuis plusieurs années, ce qui a créé des problèmes de moisissure en raison des fuites dans les tuyaux et le toit. Nous avons pu obtenir de quitter la maison plus tard que la date originale prévue, mais je n’ai toujours pas trouvé d’endroit sûr et abordable où me réinstaller.

Étant chef de famille monoparentale, handicapée et dépendante de l’aide sociale pour élever mes enfants, je n’ai aucune chance de trouver le type de logement que ma santé requiert. Je ne peux pas vivre dans un immeuble d’habitation ordinaire, car il est m’impossible de contrôler ce que les autres résidents utilisent dans leur logement, et l’air circule sur de grandes distances.

Il n’existe actuellement aucun logement social qui accueille les personnes ayant une polysensibilité chimique. Aucun office du logement n’offre une allocation directe pour les personnes ayant ce problème et qui louent un appartement d’un locateur privé, même si nous y sommes admissibles.

La plupart des logements supposément abordables sont situés en périphérie de quartiers industriels dont le taux d’émission de produits chimiques est élevé, bordent des autoroutes où circulent des véhicules lourds fonctionnant au diésel, avoisinent des sites d’enfouissement ou des champs agricoles où l’on répand des fertilisants et des pesticides, se trouvent près de lignes à haute tension, de tours de téléphonie cellulaire, etc. Tous ces endroits sont à éviter pour les personnes ayant une polysensibilité à des substances chimiques ou à des facteurs environnementaux.

Tout comme bon nombre d’autres personnes, ma santé ne me permet pas d’habiter ailleurs que dans un logement sain. La pénurie de ce type de logement nous met dans un état d’urgence constant et, malgré cela, on nous refuse les soins de santé de base. S’il n’y a pas de logement sûr de disponible, la moindre brise nous fait vivre un nouvel enfer.

Si je vivais dans un logement sûr, je pourrais éventuellement me lever du lit chaque jour, je serais capable de lire des documents composés d’encre et de papier sans tomber malade, je pourrais encore marcher dehors et fréquenter d’autres personnes. Je pourrais même reprendre le travail, faire ma part dans la société et ne plus être un fardeau. Ces rêves sont possibles, mais seulement si un changement important se produit d’ici un mois ou deux. Autrement, je vais sûrement joindre les sans-abri et les morts.

 « Il est étrange, ce garçon. »

S. a le trouble bipolaire, mais depuis de nombreuses années, il mène une vie régulière, dans un logement, et a une médication stable. Puis, un jour, l’édifice qui abrite son logement avec services de soutien est la proie d’un incendie. En une seule nuit, S. voit sa stabilité et sa confiance en soi s’envoler en fumée.

Pour la première fois depuis plus de huit ans, S. a dû se chercher un logement. Il a vu l’annonce d’un appartement à louer dans le bulletin d’information d’un organisme communautaire local. Le prix indiqué était de 450 $ par mois, mais quand S. a appelé le locateur, il s’est fait dire que le loyer s’élevait maintenant à 495 $ par mois.

Il est quand même allé voir l'appartement. Le locateur le lui a fait visiter sans allumer les lumières, puis il a haussé le loyer à 550 $ par mois. Malgré ses craintes, et puisqu’il souhaitait ardemment retrouver un peu de stabilité, S. a accepté les conditions et emménagé dans l'appartement.

Une fois installé, il s’est rendu compte qu’il n’y avait aucun système de ventilation dans la cuisine ni dans la salle de bain et que les moisissures y proliféraient. Toutefois, il était disposé à subir ces inconvénients. S. affirme que les problèmes ont réellement commencé lorsque le locateur a su, par un ancien locataire, qu’il avait déjà vécu dans un logement avec services de soutien pour personnes ayant un problème de santé mentale. Le locateur a alors commencé à le harceler et à le traiter de fou. Puis, il lui a ordonné de quitter l’appartement sous prétexte qu’il n’était « pas normal ».

C’est ainsi que trois mois après avoir emménagé dans son nouvel appartement, S. est parti. Il est à la recherche d’un logement depuis ce temps. S. est maintenant un itinérant. Il vit dans la rue et dort dans les parcs l’été. Durant les mois les plus froids, il demeure dans un refuge où il ne peut rester que pendant une courte période.

Cette fois-ci, S. n'est pas aussi motivé à se trouver un nouveau logement. « Je ne cherche pas de logement et je n’en veux pas, explique‑t‑il. Je souhaite seulement ne pas revivre une autre mauvaise expérience comme celle‑là. Tant que j’ai un endroit où dormir, je ne veux pas d’appartement. ».

« On m’a indiqué deux ou trois endroits où aller voir, mais nous sommes au milieu du mois et je n’y vais pas. Quand j’essaie de louer un logement, je dois mentir ou bien avouer que je bénéficie de l’aide du gouvernement. Personne n’est vraiment intéressé à louer à quelqu'un qui reçoit des prestations d’invalidité. »

« Il me faut un locateur compréhensif, qui ne considère pas la dépression comme une tare. Je suis calme et je ne dérange personne, mais les gens ne voient pas cela. Tout le monde me regarde et se dit : "Il est étrange, ce garçon." »