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5. Capacitisme, attitudes négatives, stéréotypes et stigmatisation

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Les systèmes de croyances fondés sur le capacitisme s’articulent souvent autour d’attitudes, de stéréotypes et de stigmates négatifs à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux. Le « capacitisme » fait référence à des attitudes sociétales qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes handicapées. Le capacitisme est :

… semblable au racisme, au sexisme ou à l’âgisme, selon lequel une personne handicapée est moins digne d’être traitée avec respect et égard, moins apte à contribuer et à participer à la société ou moins importante intrinsèquement que les autres. Le capacitisme peut s’exercer de façon consciente ou inconsciente et être inscrit dans les institutions, les systèmes ou la culture d’une société. Il peut restreindre les possibilités offertes aux personnes handicapées et réduire leur participation à la vie de leur collectivité[46].

La discrimination à l’égard des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance est souvent liée aux attitudes préjudiciables[47], aux stéréotypes négatifs[48], ainsi qu’à la stigmatisation générale[49] des troubles mentaux et des dépendances. Tous ces concepts sont interreliés. Par exemple, les stéréotypes, préjugés et stigmates peuvent mener à de la discrimination. Les stigmates associés aux troubles mentaux et aux dépendances peuvent aussi être le résultat de la discrimination, de l’ignorance, des stéréotypes et des préjugés.

Lorsque la stigmatisation, les attitudes négatives et les stéréotypes mènent à de la discrimination, ils contreviennent au Code. Le Code interdit aux organisations et membres de la collectivité de faire de la discrimination à l’endroit des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance, et les oblige à mettre fin à toute discrimination qui survient. Ces obligations s’appliquent aux situations de discrimination directe qui sont le résultat de stéréotypes et de préjugés internes. Elles s’appliquent aussi à la discrimination indirecte qui peut avoir cours au sein et à l’échelle d’organisations, en raison de lois, de politiques et de pratiques adoptées inconsciemment.

La stigmatisation, les attitudes négatives et les stéréotypes peuvent entraîner l’évaluation erronée des caractéristiques personnelles des gens. Ils peuvent aussi mener à l’adoption de politiques, de procédures et de pratiques décisionnelles qui excluent ou marginalisent les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances.

Exemple : Dans une affaire, un tribunal des droits de la personne a reconnu que la décision de ne pas examiner une allégation d’acte criminel pouvait s’avérer discriminatoire si elle reposait sur l’idée que l’allégation « était fondée sur l’état psychique de la personne plutôt que sur un incident réel »[50].

Exemple : Dans une affaire, une serveuse de bar a développé un trouble anxieux et s’est mise à avoir des crises de panique après avoir été agressée gravement par deux clients. Son employeur a tenu compte de ses besoins en lui permettant de s’absenter du travail quand elle était trop malade pour travailler. Malheureusement, son gérant a été remplacé par une nouvelle personne qui n’appréciait pas ses absences. Un tribunal a déterminé que le nouveau gérant avait exercé de la discrimination à l’égard de la serveuse en limitant ses quarts de travail et en formulant des commentaires sur son état de santé devant d’autres personnes, par exemple en disant que « ça n’allait pas dans sa tête », qu’elle « avait besoin de médication » et qu’elle n’avait pas l’air « très stable »[51].

Il existe bon nombre de stéréotypes courants à l’égard des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances. Par exemple, les personnes ayant des troubles mentaux sont souvent qualifiées de personnes violentes.

Exemple : Un homme aux prises avec un trouble mental vit dans un terrain de caravaning avec sa mère. Le trouble de l’homme entraîne des comportements « étranges », mais « inoffensifs ». La propriétaire du terrain s’est mise à craindre l’homme en raison de sa perception du trouble mental, allant même jusqu’à avertir les autres résidents de se protéger et de ne pas le provoquer. Les résidents ont commencé à méprendre des gestes inoffensifs pour des menaces. Par exemple, la propriétaire a reçu une lettre du locataire lui demandant de réparer une fuite potentielle de gaz. Plutôt que d’enquêter, la propriétaire a jugé qu’il était « fou » et dangereux, et qu’il allait peut-être faire exploser sa caravane.

En fin de compte, l’homme et sa mère ont été expulsés. Un tribunal des droits de la personne a conclu qu’il n’y avait « aucune preuve fiable » permettant de croire que le requérant représentait une menace. L’intimé a cherché à expulser l’homme et sa mère en raison de sa perception erronée du trouble mental du locataire. Elle s’est basée sur des idées stéréotypées non fondées pour conclure que le locataire représentait une menace à sa sécurité et à celle de ses autres locataires. Cela a été jugé discriminatoire[52].

Les stéréotypes liés à la violence persistent malgré le nombre d’études démontrant que la plupart des personnes aux prises avec des troubles mentaux ne sont pas plus susceptibles d’adopter des comportements violents que le reste de la population[53]. Les recherches démontrent d’ailleurs que les personnes qui ont des troubles mentaux graves sont plus susceptibles d’être victimes de violence que les membres de la population générale[54].

Les personnes qui ont des problèmes de santé mentale sont parfois également jugées inaptes à prendre des décisions dans leur propre intérêt, même lorsque ce n’est pas le cas. Elles sont souvent perçues comme des « enfants » ayant besoin d’aide[55]. Ces perceptions peuvent se transformer en attitudes et pratiques paternalistes et créer des obstacles. 

En raison des stéréotypes qui leur sont associés, certains types de handicaps font l’objet de plus de stigmatisation que d’autres. Les personnes aux prises avec la schizophrénie ou une dépendance aux drogues peuvent se heurter à des attitudes particulièrement négatives de la part d’autrui en raison de croyances relatives à leur dangerosité ou comportements antisociaux, ou à des risques leur étant associés. Les personnes ayant des dépendances peuvent se heurter à des comportements particulièrement négatifs en raison de présomptions à propos de leur criminalité ou responsabilité envers leur handicap[56].

En raison de la stigmatisation extrême des troubles mentaux et des dépendances, nombre de personnes pourraient craindre de faire part de leur handicap à autrui. Ces personnes peuvent craindre d’être étiquetées, de se heurter aux attitudes négatives d’autrui, de perdre leur emploi ou logement, ou encore de faire l’objet de traitements inégaux en matière de services après avoir divulgué un problème de santé mentale ou une dépendance. La peur de la discrimination peut aussi empêcher certaines personnes d’obtenir du soutien pour un problème de santé mentale ou une dépendance[57].

Les attitudes négatives, stéréotypes et stigmates peuvent aussi faire place à du harcèlement à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux sous forme de commentaires négatifs, d’isolement social ou de gestes malvenus (dont du profilage relatif à la santé mentale) de la part d’employeurs, de locateurs, de collègues ou de fournisseurs de services. La consultation de la Commission du droit de l’Ontario sur les handicaps a montré comment les attitudes négatives et les stéréotypes peuvent se traduire en gestes qui accroissent la marginalisation des personnes aux prises avec des troubles mentaux:

[D]e nombreuses personnes ayant des déficiences mentales, particulièrement celles qui ont vécu l’itinérance, ont fait part d’expériences qui démontraient qu’elles avaient été victimes de jugements cinglants et de préjugés lorsqu’elles avaient eu affaire avec les systèmes judiciaires. Le manque de services de soutien pour les personnes ayant des déficiences mentales, combiné à la stigmatisation et à la peur de ces incapacités, peut entraîner une augmentation des contacts avec la police et la criminalisation de ces personnes, un problème très préoccupant pour de nombreux participants.[58]

Les organisations doivent prendre des mesures pour éliminer les attitudes négatives, stéréotypes et stigmates, et veiller à ce qu’ils ne donnent pas lieu à des comportements négatifs à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux.


[46] Commission du droit de l’Ontario, Promouvoir l’égalité des personnes handicapées par l’entremise des lois, des politiques et des pratiques : cadre provisoire, mars 2012, p. 3. Accessible en ligne à l’adresse : www.lco-cdo.org/disabilities-draft-framework_FR.pdf.

[47] Dans ce contexte, le terme « préjugés » fait référence à des perceptions et sentiments négatifs profonds à l’égard des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance.

[48] Les stéréotypes sont des généralisations faites à propos de personnes en raison des qualités présumées du groupe auquel ces personnes appartiennent. La Cour suprême du Canada a récemment indiqué ce qui suit : « L’application d’un stéréotype est une attitude qui, tout comme un préjugé, tend à désavantager autrui, mais c’est aussi une attitude qui attribue certaines caractéristiques aux membres d’un groupe, sans égard à leurs capacités réelles ». Québec (Procureur général) c. A [2013] 1 R.C.S. 61, au par. 326.

[49] Supra, note 4.

[50] Christianson v. Windsor Police Service, 2010 HRTO 229 (CanLII), au par. 11. Mais voir aussi Aberdeen v. Governing Council of the University of Toronto, 2013 HRTO 138 (CanLII).

[51] Turner v. 507638 Ontario, 2009 HRTO 249 (CanLII).

[52] Petterson v. Gorcak (No. 3) (2009), 69 C.H.R.R. D/166, 2009 BCHRT 439. Voir aussi Devoe v. Haransupra, note 35.

[53] ACSM – Ontario, Violence and Mental Health: Unpacking a Complex Issuesupra, note 18.

[54] Idem

[55] Gerald B. Robertson. Mental Disability and Canadian Law, 1993, supra, note 12.

[56] Par exemple, un modèle psychiatrique des dépendances couramment adopté entre les années 1940 et 1970 attribuait la dépendance d’une personne à des « défauts » de personnalité. Caroline J. Acker. « Stigma or Legitimation? A Historical Examination of the 27 Social Potentials of Addiction Disease Models », J. of Psychoactive Drugs 202, 1993, vol. 25, no 3, tel que cité dans Centre de toxicomanie et de santé mentale,The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literaturesupra, note 4, à 7. 

[57] Neasa Martin et Valerie Johnston. A Time for Action: Tackling Stigma and Discrimination: Report to the Mental Health Commission of Canada (2007), supra, note 4, à 11.

[58] Commission du droit de l’Ontario. Cadre du droit touchant les personnes handicapées : Promotion d’une égalité réelle pour les personnes handicapées par les lois, les politiques et les pratiques, Toronto, septembre 2012, à 42. Accessible en ligne à l’adresse : www.lco-cdo.org/fr/disabilities-final-report.

 

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