Language selector

Social Media Links FR


Facebook CODP Twitter CODP Instagram logo Link to OHRC Instagram page

10. Autres limites à l’obligation d’accommodement

Page controls

Page content

Bien que le Code indique que seulement trois facteurs peuvent être pris en compte lorsqu’on détermine si une mesure d’adaptation est susceptible de causer un préjudice injustifié (coût, sources extérieures de financement et exigences en matière de santé et de sécurité), les tribunaux administratifs et judiciaires ont reconnu dans certains cas que le droit à l’accommodement n’est pas absolu, même lorsque ces trois facteurs ne causent aucun préjudice injustifié[275]. Dans un nombre limité de situations, il peut s’avérer impossible de tenir compte des besoins d’une personne.

Les organisations ne doivent cependant pas sauter à la conclusion qu’un accommodement n’est pas possible ou nécessaire. Elles doivent satisfaire à leur obligation procédurale d’accommodement en examinant les situations au cas par cas et en explorant les mesures d’adaptation de rechange, comme les mesures d’adaptation mise en œuvre graduellement ou provisoirement. C’est aux organisations que reviendra la tâche de démontrer quelles étapes elles ont suivi et les raisons concrètes pour lesquelles l’accommodement n’est pas possible. Entre autres, l’obligation d’accommodement pourrait s’avérer limitée dans les cas suivants :

  1. Il n’existe pas de mesure d’adaptation susceptible de permettre à la personne de combler les exigences essentielles de son poste, de sa location, de l’obtention des services ou autre.

Dans certaines situations limitées, l’organisation peut ne pas être tenue d’adopter une mesure d’adaptation donnée, même s’il a été déterminé qu’il s’agit d’un mode d’accommodement possible ne causant pas de préjudice injustifié sur le plan du coût, de la santé ou de la sécurité. Cela provient du fait que la mesure d’adaptation modifierait fondamentalement la nature de l’emploi, de la location, du service ou autre, ou qu’elle ne permettrait pas plus à la personne « de satisfaire aux exigences essentielles inhérentes à l’exercice du droit »[276]. Ce genre de situation peut se produire même si l’organisation fait l’objet d’une conception inclusive, si les obstacles à la participation ont été éliminés et si on a procédé à l’examen des différentes mesures d’adaptation possibles. Parfois, après avoir mis à l’essai sans succès toutes les mesures d’adaptation possibles, il peut ne rester aucun moyen d’aider la personne à combler les exigences essentielles de la location, de l’obtention des services, de l’emploi ou autres. Si tel est le cas, l’organisation pourrait s’être acquittée de son obligation d’accommodement.

Dans des cas extrêmes, par exemple quand les absences liées à un handicap s’accumulent sur des années, la jurisprudence relative aux droits de la personne impose des limites à l’obligation d’accommodement. Dans de telles situations, il a été déterminé que « l’obligation d’accommodement n’est ni absolue ni illimitée »[277] et ne garantit pas l’accès à un congé indéfini[278].

En contexte d’emploi, l’obligation d’accommodement n’a pas pour objet de complètement transformer l’essence d’un contrat d’emploi, c’est-à-dire le devoir de l’employé d’exécuter certaines tâches contre rémunération. Selon la jurisprudence relative aux droits de la personne, les organisations ne sont pas tenues de fournir des mesures d’adaptation qui modifieraient de façon fondamentale la nature de la relation d’emploi.

Exemple : Selon un employé, son employeur était tenu, en vertu de son obligation d’accommodement, de cesser toute tentative de recouvrement de paiements excédentaires versés en salaire si ces tentatives avaient un effet négatif sur l’employé en raison de son handicap. Le TDPO a indiqué que l’obligation d’accommodement ne prévoyait pas ce genre de mesure, qui « allait à l’encontre du principe bien établi selon lequel l’obligation d’accommodement n’exige pas de rémunérer quelqu’un en échange d’aucun travail rendu »[279].

Exemple : Dans une autre affaire, le TDPO s’est penché sur le caractère discriminatoire de la décision d’un employeur de cesser de permettre à une employée blessée de conserver son emploi modifié à temps partiel, et de lui imposer plutôt un congé d’invalidité sans solde. L’intimé alléguait que son obligation envers la requérante ne s’étendait pas au fait de regrouper en permanence une série de tâches afin de créer un emploi qui n’appuyait en rien les activités de l’organisation. Sans en arriver à une détermination de préjudice injustifié, le TDPO a convenu qu’il ne s’agissait pas d’un accommodement nécessaire étant donné que l’obligation d’accommodement n’exige pas de l’employeur qu’il permette à un employé de satisfaire à une partie seulement des obligations essentielles de son poste. Selon le TDPO, les employeurs ne sont pas tenus, en vertu de leur obligation d’accommodement, d’assigner en permanence les tâches essentielles d’un employé handicapé à d’autres membres du personnel ou d’embaucher une autre personne pour les exécuter à sa place[280].

Il peut arriver que les caractéristiques d’une maladie, comme de longues absences ou un mauvais pronostic, soient telles qu’elles nuisent de façon excessive au bon fonctionnement de l’organisation ou empêchent un employé de travailler dans un avenir prévisible raisonnable, et ce, malgré des tentatives d’accommodement de la part de l’employeur. L’obligation d’accommodement de l’employeur pourrait prendre fin dès que l’employé n’est plus en mesure de remplir les exigences de base associées à la relation d’emploi dans un avenir prévisible, malgré des mesures d’adaptation[281].

Par conséquent, il n’est pas toujours nécessaire d’offrir une mesure d’adaptation, même lorsque cela n’entraîne pas de préjudice injustifié sur le plan du coût ou de la santé et de la sécurité. Bien que les causes citées ici en exemple aient porté sur le milieu de travail, le principe juridique en jeu serait susceptible d’intervenir également en contexte de logement, d’obtention de services ou autre si la prestation de mesures d’adaptation avait pour effet de modifier fondamentalement la nature du logement, du service ou autre.

  1. La personne en quête d’accommodement ne participe pas au processus d’accommodement.

L’obligation d’accommodement est un processus collaboratif multipartite. Toutes les parties responsables doivent collaborer à l’adoption de solutions en matière d’accommodement[282]. Dans certains cas, une organisation pourrait avoir rempli ses obligations procédurales et de fond en matière d’accommodement parce que la personne qui demande la mesure d’adaptation n’a pas pris part au processus. Par exemple, une personne pourrait être réputée ne pas avoir pris part au processus si elle refuse de collaborer à l’élaboration des mesures d’adaptation ou de donner suite à une demande raisonnable d’information requise pour établir ou combler ses besoins en matière d’accommodement[283].

Avant de conclure qu’une personne n’a pas collaboré, les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient prendre en considération tout handicap ou facteur lié au Code qui pourrait empêcher la personne de prendre part au processus. Ces facteurs pourraient nécessiter la mise en place de mesures d’adaptation. Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également déterminer s’il est nécessaire de modifier la mesure d’adaptation parce qu’elle ne fonctionne pas.

Les organisations peuvent se heurter à des difficultés lorsqu’elles perçoivent qu’une personne a un handicap, et nécessite un accommodement, mais que cette personne nie le fait d’avoir un handicap. En pareil cas, les organisations devraient tout de même tenter d’entamer le processus d’accommodement et continuer de proposer des mesures d’adaptation, selon les besoins. Cependant, la capacité d’accommodement des besoins d’une personne qui ne participe pas au processus a ses limites.

Exemple : Un enseignant commence à avoir des tremblements, des troubles de la parole et des problèmes d’équilibre. Il communique avec son conseil scolaire et demande un congé de maladie. Le conseil scolaire lui demande de la documentation médicale à l’appui de sa demande, qu’il refuse de fournir. Le conseil scolaire explique qu’il a besoin de renseignements médicaux sur les besoins de l’homme liés à son handicap pour pouvoir lui fournir des mesures d’adaptation adéquates. L’homme refuse de rencontrer un médecin ou de fournir quelconque documentation médicale. Sans la participation et la collaboration de l’homme, l’obligation d’accommodement pourrait cesser.

  1. L’obligation d’accommodement se heurte à l’exercice de droits d’autrui.

Habituellement, quand une personne soumet une demande d’accommodement, l’organisation ou l’institution tenue d’adopter des mesures d’adaptation sera en mesure de fournir la mesure d’adaptation sans que cela n’ait de répercussion sur les droits reconnus d’autrui.

Cependant, certaines demandes d’accommodement peuvent se transformer en situations de « droits contradictoires » là où on s’aperçoit, au moment du traitement de la demande, que l’adoption d’une mesure d’adaptation pourrait porter atteinte aux droits d’une autre personne ou d’un autre groupe de personnes.

Cela complique la résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, qui normalement font uniquement intervenir les droits de la personne d’une partie. Dans certains cas, un seul groupe dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête touche aussi les droits de la personne d’une autre ou de plusieurs autres parties.

Exemple : Un fournisseur de services médicaux a une allergie grave aux chiens et refuse de traiter une femme aveugle qui est accompagnée d’un chien-guide. On avise la femme qu’elle devra prendre rendez-vous avec un autre fournisseur de services. Or, cet autre fournisseur travaille dans un petit cabinet et ne pourra pas la recevoir avant un mois au minimum[284].

Les organisations et institutions qui mènent des activités en Ontario sont tenues, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires et régler celles qui surviennent. La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP[285] propose un cadre d’analyse et de résolution des situations de droits contradictoires. Elle présente aussi des mesures proactives concrètes que peuvent prendre les organisations pour réduire les conflits relatifs à des droits de la personne et situations de droits contradictoires éventuels.

Les revendications qui touchent uniquement des activités d’affaires (p. ex. considérations relatives au caractère approprié de la mesure ou au préjudice injustifié) relèvent de l’obligation d’accommodement. Il ne s’agit pas de revendications de droits de la personne contradictoires.

Exemple : Une employée se plaint de discrimination quand son employeur refuse sa demande de modification de son horaire de travail en vue d’assister à des consultations médicales nécessaires se rapportant à son handicap. Sa demande ne semble pas avoir d’incidence sur les droits légaux d’autres personnes. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une situation de droits contradictoires, mais plutôt d’une demande de mesures d’adaptation relatives aux droits de la personne. Pour limiter son obligation d’accommodement, l’employeur pourrait tenter d’alléguer que les répercussions financières d’une telle mesure causeraient un préjudice injustifié à son entreprise.

Les organisations doivent faire la distinction entre les situations qui ne touchent que des activités d’affaires, qui relèvent donc de l’obligation d’accommodement, et les situations de droits contradictoires qui font intervenir les droits d’autres personnes et groupes.


[275] Voir Hydro-Québec, supra, note 120McGillsupra, note 129.

[276] L’article 17 du Codesupra, note 7.

[277] McGillsupra, note 129, au par. 38. Voir aussi Keays c. Honda Canada, [2008] 2 R.C.S. 362, dans
le cadre duquel la Cour suprême a renversé la décision d’une cour inférieure d’accorder des dommages-intérêts punitifs dans une affaire de congédiement injustifié parce que l’employeur avait exigé qu’un employé handicapé participe à un programme de gestion de l’assiduité. La Cour a déterminé que le comportement de l’employeur n’était pas excessif et a accepté que le suivi du dossier des employés qui s’absentent régulièrement soit une exigence de travail de bonne foi, étant donné la nature même du contrat d’emploi et l’obligation qui incombe à l’employeur de gérer ses ressources humaines. Ces déclarations de la Cour suprême sont significatives, mais doivent être interprétées dans le contexte du type de requête devant le tribunal. La question était de savoir si le comportement de l’employeur était assez « dur, vengeur, répréhensible et malicieux » pour justifier l’octroi de dommages-intérêts punitifs dans le contexte d’une poursuite pour congédiement injustifié. Selon la cour, la mise sur pied d’un programme de gestion de l’invalidité comme celui considéré en l’espèce ne peut être assimilée à l’intention malveillante de faire preuve de discrimination. La conduite de l’employeur n’était pas inacceptable ou scandaleuse au point de mériter des dommages-intérêts punitifs.

[278] Gourleysupra, note 122. Voir aussi, Ontario Public Service Employees Union (Bartolotta) v Ontario (Children and Youth Services), 2015 CanLII 19329 (ON GSB) and Toronto (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 416 (Toronto Civic Employees' Union) (Tucker Grievance), [2014] O.L.A.A. No. 75.

[279] Arends v. Children’s Hospital of Eastern Ontario, 2012 HRTO 1574 (CanLII), au par. 29.

[280] Briffasupra, note 155, aux par. 52 à 54 et 60. Voir aussi Communications, Energy and Paperworkers Union of Canada, Local 41-0 v. Nestle Purina Petcare, 2012 CanLII 65216 (ON LA).

[281] Hydro-Québec, supra, note 120McGillsupra, note 129.

[282] Pazhaidam v. North York General Hospital, 2014 HRTO 984 (CanLII); Remtulla v. The Athletic Club (Trainyards) Inc., 2014 HRTO 940 (CanLII) [Remtulla].

[283] Rodgers v. SCM Supply Chain Management, 2010 HRTO 653 (CanLII); Sugiono v. Centres for Early Learning – Seneca Hill, 2013 HRTO 1976 (CanLII) (rejet de la demande de réexamen sur la base de nouveaux éléments de preuve dans Sugiono v. Centres for Early Learning – Seneca Hill, 2014 HRTO 72 (CanLII)); Tiano v. Toronto (City), 2014 HRTO 1187 (CanLII); Cohen v. Law School Admission Council, 2014 HRTO 537 (CanLII); Remtullaidem.

[284] Exemple fondé sur des renseignements obtenus d’un mémoire écrit soumis à la CODP par les Utilisateurs de chiens-guides du Canada (avril 2015). Voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP pour obtenir des renseignements sur la façon de résoudre cette situation
et d’autres situations de droits contradictoires.

Book Prev / Next Navigation