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Recommandations visant à renforcer la Stratégie nationale en matière de logement

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Le 18 mai 2018

L’honorable Jean-Yves Duclos
Ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)  K1A 0A6

Evan Siddall
Président et premier dirigeant
Société canadienne d’hypothèques et de logement
700, chemin Montréal
Ottawa (Ontario)  K1A 0P7

OBJET : Recommandations visant à renforcer la Stratégie nationale en matière de logement

Monsieur le ministre Duclos,
Monsieur le président Siddal,

J’espère que vous vous portez bien. La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) s’engage à apporter de nouvelles perspectives sur les droits de la personne au gouvernement et dans le cadre de stratégies communautaires de lutte contre la pauvreté, l’itinérance et la faim. Je vous écris aujourd’hui pour féliciter le gouvernement d’avoir présenté la première Stratégie nationale en matière de logement du Canada et pour formuler des recommandations destinées à garantir sa pertinence ainsi que son efficacité. Par ailleurs, celles-ci doivent permettre de veiller à ce que cette stratégie respecte l’obligation du Canada de garantir progressivement le droit de la personne fondamental au logement.
 

Le Canada doit garantir progressivement le droit au logement

Le droit au logement a été reconnu par le Canada il y a quasiment 70 ans – au moment de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948. Par ailleurs, en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) il y a plus de 40 ans, le Canada s’est à nouveau engagé à reconnaître ce droit et à prendre les mesures nécessaires pour le garantir progressivement, en exploitant toutes les ressources dont il dispose, notamment en légiférant. Tous les ordres de gouvernement – fédéral, provincial, territorial et municipal – sont liés par les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne.

Le droit au logement a été affirmé dans une multitude de traités internationaux relatifs à ces droits, dont le Canada fait partie. En outre, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que le Canada a récemment adoptée et qu’il s’est engagé à mettre en œuvre, énonce que les peuples autochtones ont le droit d’être activement impliqués dans l’élaboration, la définition et l’administration de programmes de logement à leur intention.
 

La crise du logement canadienne exige une approche fondée sur les droits, en particulier sur ceux des peuples autochtones

Malgré ces engagements juridiques contraignants, la protection juridique du Canada en matière de droits du logement est une mosaïque disparate d’éléments concernant la protection des locataires, la santé et la sécurité, les droits de la personne ainsi qu’un grand nombre d’autres lois, règlements et programmes. Les organismes de logement et la société civile du pays n’ont de cesse de défendre une approche nationale complète, stratégique et axée sur les résultats.

Il est évident qu’une nouvelle approche est nécessaire afin de garantir les droits des Canadiennes et des Canadiens à un logement convenable. Bien qu’il compte parmi les pays les plus riches au monde, le Canada est en effet confronté à une grave crise du logement et de l’itinérance. Selon des estimations régulières du Secrétariat des partenariats de lutte contre l’itinérance, quelque 150 000 à 300 000 personnes sont en situation d’itinérance au Canada au cours d’une année donnée. Statistique Canada indique qu’en 2014, 8 p. 100 des Canadiennes et des Canadiens âgés d’au moins 15 ans déclaraient avoir dû vivre temporairement chez des parents, chez des amis ou dans un lieu tel que leur voiture à un moment donné de leur vie car ils n’avaient nulle part d’autre où vivre – une situation désignée sous le nom d’itinérance « invisible ». Les personnes victimes de maltraitances dans leur enfance, bénéficiant d’un moindre niveau de soutien social ou ayant un handicap ainsi que les Autochtones étaient plus susceptibles d’avoir été en situation d’itinérance invisible.

Un trop grand nombre de Canadiennes et de Canadiens sont sous-logés, itinérants ou pauvres. La persistance de la faim et de l’itinérance prouve l’échec du Canada à garantir progressivement les droits économiques, sociaux et culturels, notamment celui au logement, protégés par le droit international. Cette situation est particulièrement préoccupante en ce qui concerne les droits de la personne car de nombreux individus sans accès à un logement stable et abordable répondent aux motifs énoncés dans les lois relatives aux droits de la personne. Au sein de quasiment toutes les villes, les personnes atteintes d’une déficience mentale ou d’une accoutumance sont sur-représentées dans la population itinérante. Les femmes, les personnes âgées, les enfants et les jeunes (en particulier LGBTQ), les transgenres ainsi que les individus racialisés sont confrontés à une discrimination et une marginalisation sans pareilles qui ont une influence sur leur capacité à trouver un logement sûr.

Les Premières Nations, les Métis et les Inuits sont également sur-représentés dans la population itinérante urbaine. Lorsque les Autochtones trouvent un logement, il est souvent insalubre. Selon Statistique Canada, en 2016, quasiment un quart (24,2 p. 100) des Autochtones canadiens vivaient dans un logement nécessitant d’importantes réparations. La proportion des Premières Nations qui vivaient dans un tel logement à l’intérieur d’une réserve était plus de trois fois supérieure à celle des personnes concernées vivant à l’extérieur d’une réserve (44,2 p. 100 contre 14,2 p. 100). Le droit des Autochtones à un logement convenable et celui d’être impliqué dans la définition, l’élaboration et l’administration de ce logement doivent être garantis – non seulement dans le Nord et dans les réserves, mais également à l’extérieur de celles-ci, dans les collectivités rurales et urbaines canadiennes.
 

La Stratégie nationale en matière de logement est une occasion sans précédent de garantir le droit au logement

La mise en œuvre par le Canada de sa Stratégie nationale en matière de logement est une occasion sans précédent de garantir progressivement le droit au logement. Si elle est correctement appliquée et associée à une stratégie nationale en matière de logement pour les Autochtones, elle aboutira à des progrès réels et durables contribuant à mettre fin à l’itinérance, à fournir des logements convenables et à réduire la pauvreté.

Le rapport de janvier 2018 du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le logement convenable expose les principes fondamentaux d’une stratégie en matière de logement axée sur les droits. Nous recommandons d’intégrer ces principes fondamentaux à la Stratégie nationale en matière de logement. Nous appuyons également les recommandations de l’Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres présentées dans son mémoire de janvier 2018 sur la Stratégie nationale en matière de logement.

Recommandations de la Commission ontarienne des droits de la personne

Pour assurer une approche entièrement fondée sur les droits et garantissant celui au logement au Canada, nous recommandons que la Stratégie nationale en matière de logement et les mesures de mise en œuvre connexes prennent en compte les recommandations suivantes :

  1. Reconnaitre explicitement le droit au logement convenable tel qu’il est défini par le droit international.
     
  2. Faire référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de la personne et visant à garantir le droit au logement.
     
  3. Énoncer clairement l’obligation de tous les ordres de gouvernement de garantir progressivement et en temps opportun le droit au logement.
     
  4. S’engager à lutter contre les inégalités systémiques en matière de logement sur la base d’un handicap, du sexe, de la race, de l’identité sexuelle ou de l’âge, en accordant la priorité aux plus démunis.
     
  5. Établir une procédure publique accessible et efficace visant à évaluer, à juger et à résoudre les problèmes systémiques associés au logement.
     
  6. Fixer des objectifs mesurables, des indicateurs ainsi que des calendriers et assurer un suivi rigoureux et indépendant des progrès effectués à l’aide d’une entité ayant l’autorité nécessaire pour résoudre les problèmes systémiques et réclamer des comptes au gouvernement.
     
  7. S’engager en faveur d’un processus d’élaboration d’une stratégie nationale en matière de logement pour les Autochtones – comprenant une stratégie en matière de logement pour les Autochtones vivant en milieu urbain – et commencer à y travailler, en partenariat avec des responsables autochtones, des fournisseurs de services de logement et des organismes communautaires.

Nous vous encourageons à vous assurer que la Stratégie nationale en matière de logement résout ces problèmes et intègre les recommandations de diverses communautés autochtones, du Centre pour la défense de droits sociaux (Social Rights Advocacy Centre), du Centre ontarien de défense des droits des locataires, de l’avocate-chercheuse Emily Paradis, de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance et du caucus autochtoche de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine.

La Stratégie nationale en matière de logement présente le potentiel nécessaire pour réaliser d’importants progrès en vue de freiner la crise de la pauvreté, de l’itinérance et du logement abordable et promouvoir les droits des personnes les plus vulnérables de la société. Nous nous réjouissons de constater l’engagement du gouvernement en faveur d’une approche fondée sur les droits de la personne et nous vous exhortons à adopter nos recommandations dans leur intégralité afin que la Stratégie nationale en matière de logement réalise son potentiel pour garantir progressivement les droits protégés par les lois internationales relatives aux droits de la personne.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne
Renu Mandhane, B.A., J.D., LL.M.

c. : L’honorable Jane Philpott, ministre des Services aux Autochtones du Canada

L’honorable Peter Milczyn, ministre du Logement de l’Ontario

L’honorable Yasir Naqvi, procureur général de l’Ontario

Commissaires de la CODP