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Énoncé de politique concernant les Francophones, la langue et la discrimination

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Le présent énoncé de politique se fonde sur la Politique concernant la langue et la discrimination de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) et expose le lien entre le Code des droits de la personne de l’Ontario (« le Code »), la discrimination fondée sur la langue et les droits de la minorité francophone en vertu d’autres textes législatifs. Conformément au préambule du Code, le présent énoncé de politique vise à promouvoir le respect envers la dignité inhérente des Franco-Ontariennes et des Franco-Ontariens, ainsi que leur pleine participation au sein de la société sans discrimination fondée sur les motifs du Code liés à la langue.

Cet énoncé reflète les préoccupations faisant état d’un traitement inégal qui ont été soulevées par des groupes francophones. Les personnes francophones[1], qu’elles soient ou non racialisées, déclarent faire parfois l’objet de harcèlement parce qu’elles parlent le français lorsqu’elles font du magasinage ou lorsqu’elles tentent d’accéder à des services gouvernementaux en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Les jeunes francophones racialisés déclarent être pris pour cible par les pratiques disciplinaires à l’école et faire l’objet d’un profilage racial par la police. Certains affirment qu’on les oriente vers des programmes d’éducation de l’enfance en difficulté ou vers des domaines d’étude moins « professionnels » parce qu’ils sont perçus comme ayant une déficience intellectuelle, ou du fait d’hypothèses fondées sur le racisme à l’égard de leur pays d’origine. Les personnes francophones racialisées déclarent que leur accent français et leur niveau à l’écrit, en lien avec leur pays d’origine et leur statut de nouveaux immigrants, accentuent les formes de traitement inégal dont elles font l’objet au sein de la société, voire au sein de la communauté francophone[2].

Langue et discrimination

En soi, la langue n’est pas un motif illicite de discrimination prévu dans le Code. Toutefois, la Politique concernant la langue et la discrimination de la CODP[3] et la jurisprudence reconnaissent que la langue peut être un élément ou un facteur de discrimination[4] fondée sur des motifs apparentés prévus dans le Code, tels que l’ascendance, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la race, la citoyenneté et la croyance.

Nous associons souvent la langue parlée par une personne, ou bien son accent et sa capacité à parler une langue couramment, à son ascendance, son origine ethnique ou son lieu d’origine. Certains associent même la langue parlée par une personne ou un groupe à la race ou à la croyance. Ces mises en corrélation donnent parfois lieu à des hypothèses stéréotypées, des préjugés et des formes de discrimination. Par exemple, des facteurs tels que la langue et la religion peuvent contribuer à instaurer une situation unique et complexe de discrimination raciale et de harcèlement fondée sur l’entrecroisement de plusieurs motifs[5].

Le fait de traiter différemment des personnes en raison de la langue qu’elles parlent, en association avec des motifs illicites, dans les domaines de l’emploi, des services et du logement peut constituer une forme de discrimination aux termes du Code. Le Code prévoit certaines exceptions en matière d’adhésion et d’emploi au sein de groupements sélectifs répondant aux besoins d’une communauté donnée.

Un traitement inégal fondé sur la langue n’est pas jugé discriminatoire s’il n’est lié à aucun motif prévu dans le Code. Par exemple, un organisme peut démontrer que la compétence dans une langue donnée est une exigence légitime pour occuper un poste et/ou assurer un service[6].

Francophones et discrimination

Comme d’autres groupes linguistiques, la communauté francophone peut être victime de discrimination si elle fait l’objet d’un traitement négatif fondé sur des hypothèses relatives à sa langue qui sont en corrélation ou qui s’entrecroisent notamment avec des motifs tels que l’ascendance, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la race ou la croyance. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a accepté des plaintes invoquant la langue à titre de facteur apparenté à un ou plusieurs motifs prévus dans le Code. Dans une affaire, un tribunal a jugé que des employés s’étaient rendus coupables de harcèlement répété envers un collègue de travail du fait que ce dernier parlait le français et était une personne noire d’origine haïtienne[7].

La communauté francophone, au même titre que d’autres groupes non anglophones, peut être victime d’autres formes de désavantage social et de discrimination systémique aggravées par la langue, par exemple : profilage racial au sein du système de justice pénale; harcèlement et violence à l’égard des femmes; traitement inégal envers les nouveaux arrivants et obstacles à l’emploi comme l’exigence d’une expérience professionnelle au Canada imposée aux travailleurs formés à l’étranger[8]. Les préjugés et la discrimination peuvent également naître de tensions historiques qui perdurent entre les communautés linguistiques et en leur sein.

Contrairement à d’autres groupes linguistiques non anglophones, la communauté francophone jouit de droits conférés aux minorités parlant une langue officielle par la Constitution et d’autres lois fédérales et provinciales[9]. La reconnaissance juridique des droits des minorités parlant une langue officielle a considérablement progressé après une longue marginalisation et une lutte en faveur de la survie linguistique et communautaire. Cet héritage continue d’avoir un impact aujourd’hui et, parallèlement à la diversification et à l’urbanisation croissantes de la communauté francophone, influe sur les formes de discrimination dont ses membres peuvent être victimes[10].

L’instauration d’un traitement inégal peut être liée à des idées reçues au sujet des droits linguistiques d’une minorité ou à des événements socio-politiques comme les pourparlers constitutionnels et les référendums. Elle peut également être le fait d’un entrecroisement de la législation en matière de droits de la minorité francophone et de droits de la personne lorsque les membres de la communauté francophone tentent de faire valoir ces droits simultanément. À titre d’exemple, il a été rapporté que des élèves handicapés au sein du système d’enseignement francophone rencontraient des difficultés pour accéder à des services d’éducation de l’enfance en difficulté et des spécialistes dans leur langue conformément à la Loi sur l’Éducation et à la Loi sur les services en français[11]. Les personnes francophones déplorent également qu’une pénurie de services de santé mentale et de lutte contre les dépendances assurés en français puisse accentuer leur déficience et diminuer leur chance de défendre leurs propres droits et de bénéficier d’un traitement[12].

Droits et responsabilités

Les organismes sont tenus au regard de la loi de maintenir un milieu exempt de discrimination et de harcèlement, y compris lorsque la langue parlée peut être un facteur lié à des motifs illicites prévus dans le Code. Il leur incombe d’examiner les plaintes et de prendre des mesures visant à prévenir les violations du Code et à y répondre.

Les personnes qui pensent être victimes de discrimination ou de harcèlement fondé(e) sur la langue sont invitées à porter l’affaire à la connaissance de l’organisme concerné. Elles peuvent demander conseil au Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne ou déposer une plainte (appelée « requête ») auprès du TDPO dans l’année qui suit le dernier incident allégué[13].


[1] Définition de francophone : se dit d’une personne, d’une région, d’un établissement, d’un groupe dont le français est la langue d’usage (langue maternelle ou langue seconde). Termium, en ligne : http://www.btb.termiumplus.gc.ca/tpv2alpha/alpha-fra.html?lang=fra&i=1&srchtxt=francophone&index=alt&codom2nd_wet=1#resultrecs.

[2] La CODP a entendu parler de ces préoccupations lors d’une rencontre avec des organismes francophones au cours de sa consultation de planification stratégique 2016. Parmi les autres inquiétudes mentionnées, citons le facteur aggravant lié à la barrière linguistique et au racisme à l’égard des femmes victimes de harcèlement et de violence. Les membres de la communauté métis font état d’une discrimination liée à leur héritage autochtone et francophone singulier. Les immigrants francophones de la communauté LGBQT font des témoignages de discrimination, en particulier dans le domaine du logement. Bon nombre de ces facteurs contribuent à l’instauration d’une pauvreté « racialisée » touchant particulièrement les nouveaux arrivants francophones. Le manque d’éducation en droits de la personne et de sensibilisation concernant l’entrecroisement singulier entre les formes de préjudice, la langue et la discrimination entravent les démarches des personnes francophones cherchant à rétablir leurs droits ainsi que les efforts de promotion et de défense des droits au sein des organismes.

[4] La discrimination peut se manifester notamment par des commentaires ou des gestes relevant du harcèlement, ainsi que par la mise en place au sein d’un organisme de règles ou de pratiques ayant des répercussions négatives. Si la situation n’est pas maîtrisée, cela peut également créer une atmosphère empoisonnée.

[5] Se reporter au document Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale de la CODP, ainsi qu’à la Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur la croyance de la CODP.

[6] Dans diverses affaires, le TDPO a jugé que le désavantage découlant d’une incapacité à communiquer dans une langue donnée n’est pas un fondement suffisant au titre d’une plainte pour discrimination. Dans l’affaire Arnold v. Stream Global Services, portant sur le fait qu’une employée ne parlait pas couramment le français, le TDPO a constaté que Mme Arnold, auto-déclarée « Canadienne anglophone », n’avait pas établi de lien suffisant entre le fait qu’elle ne parlait pas couramment le français et son lieu d’origine, son origine ethnique ou son ascendance pour fonder une violation présumée du Code (Arnold v. Stream Global Services, 2010 HRTO 424). Le TDPO a maintenu à plusieurs reprises qu’il incombe au requérant de fournir les preuves permettant de conclure que l’intimé s’est fondé sur la langue en remplacement d’un motif prévu dans le Code, par exemple que les actions de l’intimé étaient le reflet d’une opinion négative sur l’origine ethnique du requérant (Tesseris v. Pellark Dental Centre, 2014 HRTO 101, par. 26.)

[7] Etienne v. Westinghouse of Canada Ltd. (1997), 34 C.H.R.R. D/45 [C. d’enquête de l’Ontario). Dans une autre affaire, un tribunal a conclu que le fait par un locateur de refuser un chèque libellé en français par un locataire francophone constituait une forme de discrimination fondée sur l’ascendance du locataire (A. v. Colloredo-Mansfeld (No. 3) (1994), 23 C.H.R.R. D/328 [C. d’enquête de l’Ontario). Plusieurs conclusions similaires, selon lesquelles la discrimination fondée sur la langue parlée par une personne peut être liée à l’ascendance, au lieu d’origine ou à l’origine ethnique de cette dernière, ont été adoptées[7], telle que la décision rendue par le TDPO en 2015 dans l’affaire Christie v. Trent University (2015 HRTO 937). Plus récemment, dans Landriault c. Champlain (Canton), le TDPO a indiqué qu’en cas d’incapacité du plaignant à établir que la langue qu’il parle est « intrinsèquement rattachée » à son ascendance, son lieu d’origine ou son origine ethnique, le traitement inégal fondé sur la langue n’est pas illicite aux termes du Code (Landriault c. Champlain (Canton), 2016 HRTO 846).

[8] Au cours de sa consultation de planification stratégique, la CODP a entendu les témoignages de personnes francophones racialisées qui font face à des obstacles à l’emploi liés à la culture professionnelle, aux exigences d’une expérience professionnelle au Canada, au fait d’être « surqualifiées » et à la reconnaissance des titres de compétences étrangers. Les membres de la communauté francophone déclarent également ne pas obtenir certains emplois en raison de leur bilinguisme, perçu comme un avantage injuste, ou se voir refuser des changements de poste au motif qu’on a besoin de leurs compétences dans les deux langues.

[9] La communauté francophone de l’Ontario et d’autres provinces du Canada jouit de droits inscrits dans la législation fédérale et dans certains textes législatifs à l’échelon provincial. À titre d’exemple, la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît que les minorités parlant une langue officielle, comme les personnes francophones en Ontario, ont le droit de recevoir une instruction dans leur langue et dans des établissements d’enseignement de leur minorité linguistique aux niveaux primaire et secondaire. La Loi sur l’Éducation de l’Ontario confirme ces droits. La Loi sur les services en français de l’Ontario prévoit que les personnes francophones peuvent prétendre à recevoir des services en français de la part des organismes gouvernementaux et de certains organismes du secteur public dans les régions désignées de la province.

[10] Se reporter au document Comprendre l’expérience française en Ontario, Fiducie du patrimoine ontarien, 2012. En ligne : http://www.heritagetrust.on.ca/corporatesite/media/oht/pdfs/hm-se-may-2012-fre.pdf.

[11] La CODP a entendu parler de ces préoccupations au cours de sa consultation de planification stratégique 2016. Se reporter également à l’affaire Lang v. Ontario (Community and Social Services), 2003 HRTO 8, dans laquelle une décision provisoire étudiant l’interaction entre la Loi sur les services en français et le Code des droits de la personne a été rendue. L’affaire a finalement été classée sans audience ni décision finale.

[12] Se reporter au chapitre 9 de Parce qu’on importe, le rapport de la consultation sur les droits de la personne, les troubles mentaux et les dépendances publié en 2012 par la CODP : www.ohrc.on.ca/en/minds-matter-report-consultation-human-rights-mental-health-and-addictions.

[13] Le TDPO est un organisme quasi judiciaire (équivalent d’un tribunal) indépendant qui tient des audiences et rend des décisions portant sur les plaintes pour discrimination. Il peut imposer une compensation financière ou d’autres réparations.