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Mémoire de la CODP à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement convenable

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Mémoire de la Commission ontarienne des droits de la personne
à la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit à un logement convenable
concernant l’enquête sur les responsabilités des gouvernements sous-nationaux
relatives au droit à un logement convenable

31 octobre 2014

Mécanismes en place au Canada

Le Canada est un État fédéral où la compétence législative en matière de droits de la personne, y compris dans le domaine du logement, est répartie entre plusieurs ordres de gouvernement – le gouvernement fédéral, dix gouvernements provinciaux et trois gouvernements territoriaux. Les administrations municipales ont été créées par la législation provinciale/territoriale. Il incombe aux trois ordres de gouvernement de mettre en œuvre les normes en matière de droits de la personne, notamment le droit au logement.

Cela fait longtemps que le Canada a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), dont l’article 11 reconnaît le droit à un logement « suffisant »[1] (ci-après le « droit à un logement convenable »). Le PIDESC ne fait pas partie de la législation canadienne et le droit à un logement convenable ne fait l’objet d’aucune protection explicite dans la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la « Charte ») en vertu de la Constitution canadienne[2]. L’article 15 de la Charte stipule que la loi « ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination ». La Charte s’applique à tous les ordres de gouvernement.

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada ont adopté une législation sur les droits de la personne. Dans les provinces et territoires, cette législation s’applique à la fois aux secteurs public et privé. À l’instar d’autres lois provinciales et territoriales, le Code des droits de la personne de l’Ontario (ci-après le « Code ») reconnaît notamment le droit à « un traitement égal en matière d’occupation d’un logement, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, l’état d’assisté social ou un handicap », qui constituent les motifs prévus au Code[3]. Le Code ne contient aucune disposition explicite sur un droit plus large à un logement convenable.

En outre, la plupart des instances canadiennes ont créé par voie législative des commissions et/ou des tribunaux des droits de la personne. En Ontario, trois organismes de défense des droits de la personne ont été créés en vertu du Code des droits de la personne : la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), dont le vaste mandat consiste à promouvoir et à appliquer le Code dans des affaires d’intérêt public; le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, auprès duquel il est possible de porter plainte pour discrimination; et le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, qui fournit des conseils aux requérants et qui peut, dans certains cas, les représenter devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

La majorité, si ce n’est la totalité, des gouvernements provinciaux et territoriaux ont nommé des ministres chargés de surveiller la législation, les politiques, les stratégies et les programmes traitant des problèmes de logement.

Défis

Compte tenu de la répartition constitutionnelle des pouvoirs au Canada, les gouvernements au niveau national et sous-national ont tous un rôle important à jouer pour faire appliquer le droit à un logement convenable. Dans un pays vaste et peu densément peuplé comme le Canada, ceci permet d’adapter les politiques et les programmes de logement abordable afin de répondre aux besoins en logement spécifiques à l’échelle régionale et locale, ce qui constitue un avantage. Dans le même temps, la fragmentation des visions, des plans, des stratégies, de la coopération, des résultats et de la responsabilisation présente un inconvénient.

La CODP convient que des stratégies et des plans doivent être élaborés et coordonnés à tous les échelons gouvernementaux. Dans son rapport de consultation de 2008, intitulé « Le droit au logement »[4], la CODP formule les recommandations suivantes :

  • Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada doivent rendre exécutoire le PIDESC, notamment l’article 11 sur le droit à un logement « suffisant ».
  • Le gouvernement du Canada doit adopter une stratégie nationale en matière de logement, en consultation avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales, qui comprend des objectifs mesurables et qui fournit des fonds suffisants pour accélérer le mouvement visant à mettre fin à l’itinérance et à assurer l’accès de tous les Canadiens et Canadiennes, y compris celles et ceux dont le revenu est limité, à un logement convenable, et ce, sans discrimination.
  • Le gouvernement de l’Ontario, en l’absence d’une stratégie nationale en matière de logement, doit adopter une stratégie provinciale dans ce domaine, qui prend également en compte les besoins des groupes vivant dans la pauvreté et désignés par les motifs prévus au Code des droits de la personne de l’Ontario, incluant les Autochtones, les personnes handicapées, les femmes victimes de violence conjugale, les parents seuls et les nouveaux arrivants.
  • L’Assemblée législative de l’Ontario doit adopter une loi pour reconnaître le droit à un logement convenable comme un droit de la personne universel.
  • Le gouvernement de l’Ontario doit examiner et améliorer les taux de financement, les programmes, les lois et les règlements pour s’assurer que les locataires à faible revenu sont en mesure de payer un loyer moyen, de se nourrir et de satisfaire leurs autres besoins fondamentaux.
  • L’action du Comité du Conseil des ministres pour la réduction de la pauvreté relevant du gouvernement de l’Ontario doit être guidée par le PIDESC, par les préoccupations et les recommandations des comités internationaux sur les droits de la personne et par les considérations liées à la race, au handicap/à la maladie mentale, au sexe et à l’état familial, qui ont été soulevées durant la consultation de la CODP.
  • Le gouvernement de l’Ontario doit collaborer avec les organismes communautaires et les municipalités pour trouver des moyens d’adopter une approche fondée sur les droits de la personne en matière de réduction et de prévention de l’itinérance dans la province.
  • Tous les organismes, établissements et particuliers qui s’occupent d’élaborer, de planifier ou d’approuver des initiatives de logement abordable destiné aux groupes bénéficiant d’une protection contre la discrimination en vertu du Code des droits de la personne, ou qui participent à ce processus, doivent prendre des mesures afin de surveiller les situations d’opposition discriminatoire de quartier de type « pas dans ma cour » et modifier leurs politiques, leurs pratiques et leurs actions pour prévenir et éliminer ce phénomène.

La CODP estime qu’il est important de prendre en compte le lien entre la pauvreté et le logement convenable et de reconnaître les groupes qui font l’objet de discrimination en matière de logement en vertu du Code des droits de la personne.

En mai 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC) a publié son examen sur l’application du PIDESC au Canada[5]. Le CODESC critiquait le fait que 11,2 p. 100 de la population canadienne vivait encore dans la pauvreté en 2004, en dépit de la prospérité et des ressources économiques du pays. Le CODESC constatait avec préoccupation que le taux de pauvreté demeurait très élevé chez les personnes et les groupes défavorisés et marginalisés, comme les Autochtones, les Afro-Canadiens, les immigrants, les personnes handicapées, les jeunes et les femmes, en particulier les mères seules, et que le statut socio-économique d’une personne a un effet sur sa capacité d’accéder à un logement convenable.

La CODP a fait part des préoccupations formulées lors de sa consultation publique sur le logement au Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement convenable qui était en poste à l’époque, M. Miloon Kothari, lors d’une réunion tenue à l’occasion de sa visite au Canada, en 2007. Dans le rapport de suivi qu’il a adressé au Canada, le Rapporteur spécial a notamment recommandé l’élaboration d’une stratégie nationale en matière de logement[6].

Dans son rapport de 2010 au Parlement du Canada, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées[7] a appuyé la recommandation du Rapporteur spécial des Nations Unies en faveur d’une stratégie nationale en matière de logement. Le rapport du Comité permanent formulait des commentaires plus généraux sur le projet de loi C-304, intitulé « Loi visant à assurer aux Canadiens un logement sûr, adéquat, accessible et abordable ». Le projet de loi n’a jamais été adopté et aucune stratégie nationale du logement n’est actuellement en place au Canada.

Le gouvernement et les autres intervenants doivent examiner et comprendre les modalités de l’accès à un logement convenable sous l’angle des droits de la personne. Comme l’a indiqué le Rapporteur spécial sur le logement convenable dans sa déclaration de 2008 adressée au Canada, « il est grand temps que le gouvernement s’occupe de sa population la plus vulnérable, celle dont les conditions de vie et de logement sont inadéquates »[8] [traduction libre]. Tout en reconnaissant les difficultés liées au partage des compétences, le Rapporteur spécial a fait remarquer qu’il incombe toujours à l’État, que ce soit à l’échelle fédérale, provinciale ou municipale ou d’une autre autorité, d’élaborer des stratégies pour faire en sorte que le droit à un logement convenable soit appliqué[9].

Stratégies du gouvernement de l’Ontario

Le logement convenable et des enjeux connexes incluant la réduction de la pauvreté font partie du programme du gouvernement provincial de l’Ontario.

Le ministère des Affaires municipales et du Logement de l’Ontario (ci-après le « ministère ») supervise la législation, les politiques et les programmes relatifs au logement et à la planification, en mettant l’accent sur les administrations locales et la prestation des services. Le ministère reconnaît que l’accès à un logement abordable de bonne qualité permet non seulement de soutenir les ménages à revenu faible ou modeste, mais aussi de procurer des avantages à toute la collectivité en matière de compétitivité économique, de santé, d’éducation et de bien-être communautaire[10].

Les programmes de logement abordable se fondent sur la Loi de 2011 sur les services de logement de l’Ontario[11]. Cette loi énonce les responsabilités des municipalités, reconnaît les rôles des autres ordres de gouvernement, des coopératives de logement sans but lucratif, des autres organismes et du marché privé, et prévoit également une coordination avec les services communautaires et une prise en compte des circonstances locales.

En vertu de la Loi de 2011 sur les services de logement, le ministère a publié la Déclaration de principes sur le logement de l’Ontario[12], qui fournit des indications aux municipalités pour orienter l’élaboration de plans de logement et de lutte contre l’itinérance adaptés aux conditions locales. Cette déclaration définit clairement les priorités provinciales en matière de logement abordable, de logement social, de prévention de l’itinérance et de logement pour les personnes handicapées. Les plans doivent décrire les besoins actuels et futurs en matière de logement et préciser quels sont les buts, les éléments de mesure et les objectifs visés.

En outre, le gouvernement de l’Ontario coordonne des initiatives dans le cadre du Programme Canada-Ontario de logement abordable[13], en collaboration avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Certains programmes visent à accroître l’offre de logements abordables, par exemple en accordant des prêts-subventions pour créer de nouvelles unités de logement abordable, et d’autres visent à améliorer l’abordabilité des logements, par exemple en versant des suppléments au loyer aux locateurs et des allocations de logement aux locataires. Il existe également des programmes de rénovation et de réparation des logements, et des programmes visant à favoriser l’autonomie et la sécurité.

Le ministère a lancé la Stratégie à long terme de logement abordable[14] en 2010, en affirmant qu’elle permettrait, entre autres, de regrouper les programmes de logement et de lutte contre l’itinérance, de simplifier le calcul de l’aide sous forme de loyer indexé sur le revenu, d’exiger l’élaboration de plans locaux de logement et de prévention de l’itinérance d’ici à 2014 et d’améliorer le système de liste d’attente pour l’attribution des logements sociaux. Le ministère prévoit d’actualiser la stratégie en 2015-2016.

Le gouvernement de l’Ontario et d’autres intervenants, comme la Fédération canadienne des municipalités, ont aussi appelé le gouvernement fédéral à élaborer une stratégie nationale à long terme en matière de logement incluant un financement durable pour le logement abordable[15].

Par ailleurs, la Loi sur l’aménagement du territoire de l’Ontario[16] reconnaît le logement abordable comme une question d’intérêt provincial. En vertu de cette Loi, le ministère a publié une nouvelle Déclaration de principes provinciale[17] (DPP) qui fournit une orientation aux municipalités sur les décisions en matière d’aménagement et de mise en valeur du territoire. La DPP précise qu’il est dans l’intérêt de la province d’offrir un éventail complet de logements pour répondre aux besoins actuels et futurs des collectivités, définit le terme « abordable », fournit une orientation politique supplémentaire aux offices d’aménagement et aux autres décideurs, et exige que les politiques soient mises en œuvre conformément au Code des droits de la personne et à la Charte. En vertu de l’article 3 de la Loi sur l’aménagement du territoire, les municipalités sont tenues de tenir compte de la DPP dans leurs décisions concernant l’aménagement du territoire, y compris celles relatives à l’adoption de leur plan officiel, étant donné que toutes les décisions visant une question d’aménagement du territoire doivent être conformes à la DPP.

La Loi sur l’aménagement du territoire impose également aux municipalités d’autoriser les « deuxièmes unités », comme les appartements en sous-sol, qui sont reconnues comme un moyen peu coûteux d’accroître le parc de logements abordables. En outre, la Loi autorise l’adoption de règlements municipaux de zonage pour les « pavillons-jardins » et la prise de mesures incitatives visant à assouplir les exigences relatives à la hauteur et à la densité des constructions, à la création de parcs et aux installations de stationnement, ainsi qu’à réduire les droits ou les taux d’imposition foncière visant les immeubles à logements multiples en échange d’une augmentation du nombre d’unités de logement abordable. Ces initiatives, ainsi que d’autres dispositions et stratégies, sont décrites dans la publication du ministère intitulée Outils pour le développement du logement abordable[18].

En 2009, le gouvernement de l’Ontario a adopté la Loi de 2009 sur la réduction de la pauvreté[19], qui reconnaît également l’importance du logement abordable. La Loi exige que le gouvernement fixe un objectif en matière de réduction de la pauvreté et élabore une nouvelle Stratégie de réduction de la pauvreté tous les cinq ans. La stratégie doit inclure des indicateurs permettant d’en mesurer la réussite, notamment en matière de logement et de niveau de vie.

La Loi reconnaît le lien entre la pauvreté et les droits de la personne. Elle reconnaît que « tous les groupes sociaux ne courent pas le même risque face à la pauvreté » et que ceux qui font l’objet de discrimination ont besoin de soutiens. Elle exige que la Stratégie de réduction de la pauvreté reconnaisse « le risque accru couru par des groupes tels que les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes victimes de racisme ».

En outre, la Loi reconnaît que les personnes vivant dans la pauvreté « doivent participer à la conception et à la mise en œuvre de la stratégie », et que sa réussite nécessite la participation des organismes sans but lucratif, de bienfaisance et bénévoles, ainsi que « l’engagement soutenu de tous les ordres de gouvernement et de toutes les sphères de la société ontarienne de même que la croissance de l’économie ».

La première Stratégie de réduction de la pauvreté du gouvernement, lancée en 2008, visait principalement à rompre le cycle intergénérationnel de la pauvreté pour les enfants et leurs familles. La deuxième Stratégie quinquennale de réduction de la pauvreté, lancée en 2014, mettait également l’accent sur l’itinérance[20]. Dans le cadre de cette stratégie, le gouvernement prévoit par exemple de transformer le village des athlètes des Jeux panaméricains/parapanaméricains de 2015 en vue de créer un quartier polyvalent incluant des logements locatifs abordables et des logements de propriétaires-occupants.

En 2011, le gouvernement de l’Ontario a lancé une Stratégie de santé mentale et de lutte contre les dépendances[21], qui reconnaît que les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des dépendances font face à des problèmes de logement et qui vise notamment à ce qu’il y ait « un plus grand nombre de personnes jouissant d’un logement stable et une moins grande affluence dans les refuges et les hôpitaux ».

Le gouvernement de l’Ontario finance des programmes connexes comme le projet At Home/Chez Soi, qui adopte l’approche « Priorité au logement » et qui offre des services de soutien à des personnes jusque-là sans abri ayant des problèmes de santé mentale et de dépendance complexes[22]. En reconnaissant le lien entre les maladies mentales chroniques et l’itinérance, le gouvernement « finance 9 600 logements pour les personnes atteintes de troubles mentaux et de problèmes de dépendance » dans toute la province.

En outre, le gouvernement de l’Ontario fournit une aide sociale aux personnes à faible revenu, ainsi qu’un programme similaire de soutien aux personnes handicapées. Ces deux programmes de soutien du revenu incluent des allocations de logement[23]. Durant l’examen de l’aide sociale effectué par le gouvernement en 2011-2012, de nombreux groupes et particuliers ont indiqué que les taux de l’aide sociale sont trop faibles pour payer leur logement.

Rôle de la Commission ontarienne des droits de la personne

La CODP a un vaste mandat législatif consistant à promouvoir et à appliquer le Code des droits de la personne de l’Ontario, notamment le droit de vivre sans discrimination en matière de logement.

Conformément à l’article 30 du Code, la CODP élabore des politiques permettant d’interpréter et d’appliquer le Code. Les politiques de la CODP se fondent sur les normes internationales pour expliciter la législation sur les droits de la personne en Ontario. Avant de rédiger une politique, la CODP commence par mener des recherches, une consultation publique et un examen de la jurisprudence. Par la suite, elle entreprend des initiatives d’éducation publique, de partenariat et d’enquête publique et procède à des interventions juridiques afin de promouvoir et de faire appliquer ses politiques et le Code.

Depuis la publication de son rapport intitulé « Le droit au logement » en 2008, la CODP a assuré le suivi des recommandations susmentionnées et de ses engagements visant à faire appliquer le droit à un logement convenable sans discrimination. Pour ce faire, elle s’est appuyée sur un ensemble de fonctions et de compétences que lui confère son mandat pour répondre aux enjeux qui se posent aux plans provincial et municipal.

La CODP s’est notamment engagée à élaborer une Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif, qu’elle a publiée en 2009[24]. La politique cite l’article 11 du PIDESC sur le droit à un logement « suffisant » et indique que « le PIDESC est exécutoire pour le gouvernement fédéral comme pour les provinces et les territoires, et il appartient aux provinces et aux territoires de garantir et de protéger les droits qui relèvent de leur compétence ». La politique stipule également ce qui suit : « La référence explicite à la Déclaration universelle des droits de l’homme dans le préambule du Code raffermit la notion voulant que ce dernier soit interprété en conformité avec les principes internationaux relatifs aux droits de la personne. Cela signifie que les protections du Code contre la discrimination en matière de logement devraient être interprétées à la lumière de l’engagement du Canada, en vertu du PIDESC, qui consiste à protéger et à promouvoir les droits sociaux et économiques, y compris le droit au logement. »

La politique fait le lien entre la pauvreté, le logement inadéquat et les inégalités. Elle reconnaît ce qui suit : « Les loyers élevés, l’offre de logement social insuffisante, le salaire minimum et les taux de l’aide sociale faibles, ainsi que les exigences de location relatives au revenu rendent difficile pour une personne de statut socioéconomique inférieur de trouver et de conserver un logement convenable ». Elle reconnaît par ailleurs que les locataires dont le statut socio-économique est inférieur sont également plus vulnérables à la discrimination de la part des fournisseurs de logements. En effet, ceux-ci « peuvent éliminer d’emblée des locataires éventuels en se fondant sur des stéréotypes au sujet de la pauvreté et des pauvres, imposer des critères de location illégaux (par exemple des dépôts de garantie), assurer à ces personnes des services connexes au logement inférieurs aux normes, adopter un comportement malveillant et se montrer plus prompts à expulser les locataires ».

Dans son rapport Le droit au logement et sa publication de 2012 intitulée Parce qu’on importe! Rapport de la consultation sur les droits de la personne, les troubles mentaux et les dépendances[25], la CODP soulève des préoccupations à propos des règlements municipaux de zonage qui ont un effet préjudiciable sur l’accès au logement. En conséquence, la CODP a effectué des recherches approfondies et réalisé un travail juridique important sur les exigences municipales relatives aux distances de séparation minimales entre les foyers de groupe destinés aux personnes vulnérables (voir ci-dessous la section « Le système judiciaire »). Elle a aussi réalisé des enquêtes d’intérêt public sur l’octroi de permis autorisant les logements locatifs, y compris sur la limitation du nombre de personnes et de chambres autorisées dans les logements locatifs situés à proximité d’établissements postsecondaires. En 2013, la CODP a publié des rapports sur les systèmes d’autorisation des logements locatifs dans les villes de North Bay et de Waterloo, décrivant les mesures positives qui ont été prises, les inquiétudes qui subsistent et les recommandations formulées[26].

En se fondant sur ce qu’elle a appris au cours de ses enquêtes et de ses interventions auprès de diverses municipalités, la CODP a publié un guide intitulé Un toit pour tous : Droits de la personne et autorisation des logements locatifs[27], qui examine comment les dispositions des règlements municipaux relatives aux autorisations peuvent désavantager les groupes protégés par le Code. Ce guide donne un aperçu des responsabilités connexes liées aux droits de la personne et présente des pratiques prometteuses adoptées par certaines municipalités. Il constitue un complément à un autre guide, intitulé Dans la zone : Logement, droits de la personne et planification municipale, qui fournit aux municipalités des renseignements sur les obligations légales à remplir et sur les outils et les pratiques exemplaires permettant de respecter les droits de la personne au moment de prendre des décisions relatives au zonage et à la planification en matière de logement[28].

Conformément à son engagement en matière de rapports de consultation, la CODP a publié une nouvelle Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances[29] au printemps 2014. Cette politique reconnaît que, dans la mesure où les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et des dépendances sont largement stigmatisées, elles courent le risque de perdre leur logement et de faire l’objet d’autres formes de traitements inégaux et de harcèlement en matière de logement. La politique fait référence aux articles 19 et 28 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui traitent de l’« autonomie de vie » et du droit à un « niveau de vie adéquat », y compris en matière de logement.

En outre, la politique fait le lien entre, d’une part, les problèmes de santé mentale et les dépendances et, d’autre part, l’accès à l’emploi, la pauvreté, l’itinérance et le manque de logements abordables. Si elles reçoivent des prestations d’aide sociale du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, « les personnes ayant des handicaps psychosociaux peuvent se heurter à la fois aux stigmates associés au faible revenu et aux stigmates associés au handicap ». « Au moment de chercher un logement locatif, elles pourraient faire face à des questions indiscrètes sur leur source de revenus ou leur handicap, ou à des stéréotypes sur leur manque de fiabilité en tant que locataires parce qu’elles reçoivent de l’aide sociale et ont un problème de santé mentale ou une dépendance. »

La CODP a présenté plusieurs mémoires au gouvernement concernant le droit à un logement convenable sans discrimination à l’échelle provinciale et municipale.

En 2012, la CODP a présenté un mémoire sur les propositions de modifications du ministère visant la Déclaration de principes provinciale relative à l’aménagement du territoire[30], préconisant d’ajouter une disposition interprétative qui stipule que la DPP doit être mise en œuvre conformément au Code des droits de la personne de l’Ontario et à la Charte canadienne des droits et libertés. Le gouvernement a accepté cette recommandation et a modifié la version 2014 de la DPP en conséquence.

En 2013, la CODP a présenté un mémoire sur l’examen, par le gouvernement, de sa Stratégie de réduction de la pauvreté[31], préconisant de ventiler ses indicateurs de réussite, incluant la mesure relative au logement, « afin de démontrer l’impact de la Stratégie sur les immigrants, les femmes, les mères célibataires, les personnes handicapées, les peuples autochtones et les groupes racialisés qui se retrouvent d’une façon disproportionnée dans des situations de pauvreté ». La Stratégie de réduction de la pauvreté lancée par le gouvernement en 2014 tient compte en partie de la recommandation de la CODP, en prenant l’engagement de mesurer le taux de pauvreté dans ces groupes vulnérables. Les médias ont relayé les préoccupations du public relatives au fait que le gouvernement n’a pas été en mesure d’atteindre son objectif de réduction de la pauvreté des enfants et de leurs familles de 25 p. 100 pendant les cinq années de sa première Stratégie. Certaines personnes s’inquiètent également de constater que le gouvernement n’a pas encore fixé d’objectif relativement à sa nouvelle orientation visant l’itinérance.

Voici d’autres mémoires de la CODP concernant le lien entre la pauvreté, le logement et les inégalités :

En reconnaissant que les municipalités sont bien placées pour faire appliquer les droits de la personne à l’échelle locale, la CODP a contribué à la création et au lancement de la Coalition canadienne des municipalités contre le racisme et la discrimination (CCMCRD)[39], qui propose dix engagement communs incluant le logement. Ceci a été réalisé sous l’égide de la Commission canadienne pour l’UNESCO et d’autres partenaires. Soixante-deux municipalités réparties dans neuf provinces et un territoire ont adhéré à la CCMCRD. En Ontario, 19 municipalités y ont adhéré en adoptant des résolutions visant à élaborer un plan et à prendre des mesures pour faire appliquer les droits de la personne. En outre, la CODP a élaboré un Guide d’initiation à la lutte contre le racisme et la discrimination à l’intention des municipalités[40] pour continuer d’appuyer cette initiative. La CODP organise également « Restons locaux », une conférence annuelle d’une journée sur les droits de la personne qui se tient dans une municipalité hôte et qui réunit des groupes d’intervenants locaux, incluant des établissement d’enseignement, des services de police, des groupes communautaires et d’autres organismes non gouvernementaux. Cette année, la manifestation a eu lieu dans la région de York[41].

Le système judiciaire

Le mandat unique de la CODP vient compléter les rôles indispensables assumés par le gouvernement, les organismes non gouvernementaux et le système judiciaire pour faire appliquer le droit à un logement convenable sans discrimination.

Les cours de justice, les tribunaux et les organismes administratifs peuvent jouer un rôle important pour contribuer à honorer l’engagement international du Canada en faveur du droit à un logement convenable. La Cour suprême du Canada a déclaré que le droit international contribue à donner du sens et un contexte au droit canadien. La Cour a indiqué que la législation nationale (qui inclut le Code et la Charte) doit être interprétée de façon à respecter les engagements internationaux du Canada[42].  La CODP estime que les décideurs qui sont chargés d’interpréter la législation relative au logement doivent le faire en respectant le droit à un logement convenable énoncé dans le PIDESC.

Les décideurs du milieu juridique ont reconnu le fait que les personnes sans abri comptent parmi les membres de la société les plus vulnérables et qu’elles sont souvent aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances[43]; ils ont également analysé des données qui montrent l’incidence de l’itinérance sur la santé physique et mentale[44].

La CODP participe à des procédures judiciaires dans certaines affaires d’intérêt public importantes qui concernent les droits de la personne.

Dans l’arrêt Kearney v. Bramalea Ltd., la cour a reconnu qu’il existe un lien entre le statut socioéconomique et les motifs de discrimination prévus au Code[45]. Cette affaire mettait en cause l’application, par plusieurs locateurs, de critères de revenu minimal ou de rapports loyer-revenu dans l’évaluation des demandes de logement, ce qui constitue une pratique discriminatoire[46].

En outre, la CODP est intervenue dans deux causes dans lesquelles la Commission des affaires municipales de l’Ontario a annulé des décisions qui ont été prises par les villes de Hamilton[47] et de Kitchener[48] pour tenter de restreindre l’installation de foyers de groupe destinés aux personnes handicapées par le biais de distances de séparation minimales.

Récemment, la CODP est intervenue dans un appel dans une affaire en cours visant les gouvernements du Canada et de l’Ontario. Un certain nombre de parties dénoncent l’échec de ces gouvernements à mettre en œuvre une stratégie en matière de logement en considérant qu’il s’agit d’une violation des articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[49].

La société civile

Les organismes non gouvernementaux jouent eux aussi un rôle important pour promouvoir et protéger les droits en matière de logement.

À titre d’exemple, la Dream Team[50], un groupe d’intervenants présentant des troubles de santé mentale, a joué un rôle déterminant pour contester les pratiques de zonage discriminatoires adoptées par les municipalités de l’Ontario. En 2010, le groupe a déposé des requêtes pour violation des droits de la personne contre les municipalités de Toronto, Sarnia, Smiths Falls et Kitchener, auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, afin de contester les distances de séparation obligatoires entre les foyers de groupe destinés aux personnes handicapées en Ontario. La Dream Team était représentée par le Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne, et la CODP est intervenue dans ces affaires. Suite au règlement des causes en 2014, les municipalités ont modifié leurs règlements administratifs en supprimant les restrictions discriminatoires[51].

Le Canadian Observatory on Homelessness de l’Université York et l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance viennent de publier leur étude annuelle intitulée « The State of Homelessness in Canada »[52]. Le rapport montre que 235 000 Canadiennes et Canadiens font chaque année l’expérience de l’itinérance, et que ce nombre ne diminue pas[53].  Dans un autre rapport, l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance évalue le coût socioéconomique de l’itinérance et recense les « Dix essentiels » d’un plan communautaire pour mettre fin à l’itinérance[54].

D’autres organismes comme le Centre pour les droits à l’égalité au logement[55] et le Wellesley Institute[56] poursuivent leur action importante en faveur du droit au logement.

La participation engagée de nombreux particuliers et organismes est nécessaire pour faire progresser le droit à un logement convenable sans discrimination. Les fournisseurs de logements et les promoteurs immobiliers, les municipalités, les comités sur le logement abordable et les comités de dérogation municipaux, les autres ordres de gouvernement, les groupes de défense des intérêts et les cliniques juridiques, de même que le système judiciaire, sont notamment sollicités. Les groupes de quartier, les associations professionnelles locales et les propriétaires de logements dans les collectivités de tout l’Ontario doivent également avoir connaissance du fait qu’il n’est pas acceptable de s’opposer à des projets de logement abordable uniquement en raison de l’identité des futurs habitants, dans la mesure où les personnes concernées sont protégées par le Code des droits de la personne de l’Ontario.


[3] Voir l’article 2 du Code des droits de la personne de l’Ontario sur www.e-laws.gov.on.ca/html/statutes/french/elaws_statutes_90h19_f.htm.

[4] Voir la section 3 (« Cadre d’action ») du rapport de la CODP intitulé « Le droit au logement » sur www.ohrc.on.ca/fr/le-droit-au-logement-rapport-sommaire-de-consultation-sur-les-droits-de-la-personne-en-mati%C3%A8re-de/3-cadre-daction.

[5] Observations finales du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : Canada, 22 mai 2006, E/C.12/CAN/CO/4, E/C.12/CAN/CO/5.

[6] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Promotion et protection de tous les droits de l’homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement : Mission au Canada, Rapport du Rapporteur spécial sur le logement convenable, 2009, p. 23. Disponible en ligne sur www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/10session/A.HRC.10.7.Add.3_fr.pdf.

[8] Kothari, Miloon, « Statement of the Special Rapporteur on adequate housing as a component of the right to an adequate standard of living, and on the right to non-discrimination in this context », rapport présenté lors de la 7e session du Conseil des droits de l’homme (12 mars 2008), p. 6.

[9] Ibid., p. 2.

[15] Voir la Stratégie ontarienne à long terme de logement abordable sur www.mah.gov.on.ca/AssetFactory.aspx?did=8591.

[18] Voir la note 10 ci-dessus.

[25] www.ohrc.on.ca/fr/parce-qu%E2%80%99-importe. En outre, dans son rapport, la CODP réitère sa recommandation préconisant que le gouvernement du Canada adopte une stratégie nationale en matière de logement.

[38] Voir également les Observations de la Commission ontarienne des droits de la personne à l’attention de la réunion publique réglementaire au sujet de l’ébauche de règlement de zonage applicable à toute la ville de Toronto (2013) sur www.ohrc.on.ca/fr/observations-de-la-commission-ontarienne-des-droits-de-la-personne-%C3%A0-lattention-de-la-r%C3%A9union.

[42] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragr. 69.

[43] Voir Victoria (City) v. Adams, 2009 BCCA 563 (CanLII), au paragr. 75; Victoria (City) v. Adams, 2008 BCSC 1363 (CanLII); Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Association and another (No. 6), 2012 BCHRT 23 (CanLII).

[44] Victoria (City) v. Adams, 2009, ibid., au paragr. 26; Victoria (City) v. Adams, 2008, ibid., au paragr. 44.

[45] Kearney v. Bramalea Ltd. (No. 2) (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Comm. enq. Ont.); confirmé, Shelter Corp. v. Ontario (Human Rights Comm.) (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour sup. Ont.).

[46] Des données statistiques ont montré que le recours par les locateurs à de tels critères avait un effet différent sur les personnes selon leur sexe, leur race, leur état matrimonial, leur état familial, leur citoyenneté, leur lieu d’origine, leur âge et leur état d’assisté social. Les locateurs n’ont pas pu établir de défense car ils n’étaient pas en mesure de démontrer que l’utilisation des critères était de bonne foi et raisonnable. La cause établit un précédent très important en ce qui concerne les jugements relatifs aux droits sociaux et économiques rendus par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

[47] Suite au rejet par la ville de Hamilton de la demande du Lynwood Charlton Centre visant à déplacer un logement pour huit adolescentes ayant des problèmes de santé mentale, la CODP est intervenue dans l’appel de la décision, qui a été accueilli, devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO). La CAMO a accepté les arguments de la CODP selon lesquels la proposition du centre vise à supprimer les obstacles liés à l’utilisation du sol et à améliorer l’accès à un logement convenable pour les personnes handicapées, et ce, conformément à la Déclaration de principes provinciale (DPP) et aux autres dispositions législatives en matière d’aménagement du territoire du gouvernement de l’Ontario. La CAMO a également convenu que la disposition de la DPP exigeant que les offices d’aménagement autorisent et facilitent l’offre de logements pour les personnes ayant des besoins particuliers est une « directive efficace traduisant un grand intérêt pour la politique provinciale » [traduction libre]. La ville de Hamilton a décidé de ne pas interjeter appel de la décision et s’est engagée à effectuer « un examen complet des établissements de soins pour bénéficiaires internes dans le cadre de la DPP, en ce qui a trait aux besoins particuliers, aux distances de séparation et au Code des droits de la personne » [ibid.]. Voir Hamilton (City) Zoning By-law 6593 (Re) (2013), 78 O.M.B.R. 253.

[48] En 2010, la Commission des affaires municipales de l’Ontario (CAMO) a affirmé dans une décision que les municipalités doivent prendre en considération les besoins de toute la population – y compris les personnes handicapées ou recevant de l’aide sociale – lorsqu’elles adoptent des règlements municipaux. Deux règlements municipaux ont empêché la construction de nouveaux logements sans but lucratif et avec services de soutien dans le quartier Cedar Hill du centre-ville de Kitchener. Le Centre ontarien de défense des droits des locataires et d’autres groupes s’y sont opposés, et la CODP est intervenue pour faire valoir que la CAMO était tenue d’appliquer le Code dans son examen de la cause. Voir Kitchener (City) Official Plan Amendment No. 58 (Re) (2010), 64 O.M.B.R. 283.

[49] En 2013, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a confirmé la requête en annulation des gouvernements. Les parties à l’appel, qui a été instruit en mai 2014, incluent également le Centre pour les droits à l’égalité au logement, le Centre ontarien de défense des droits des locataires, Amnistie internationale Canada et une coalition de cliniques juridiques. La décision n’a pas encore été rendue (Tanudjaja et al v. Attorney General of Canada and Attorney General of Ontario; Cour d’appel de l’Ontario, No. C57714).