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OBJET : Projet de règlement municipal à North Bay, permis autorisant les logements locatifs

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Le 28 juin 2011

Le maire Al McDonald et les membres du conseil municipal de la ville de North Bay
200, rue McIntyre Est
C.P. 360
North Bay (Ontario)
P1B 8H8

Monsieur le Maire, Mesdames les Conseillères et Messieurs les Conseillers,

Depuis deux ans, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a suivi et revu les règlements de diverses municipalités sur les permis autorisant les logements locatifs. Pour les municipalités, le permis autorisant les logements locatifs est une option relativement récente. De notre côté, nous nous sommes employés à faire en sorte que ces règlements municipaux ne créent pas, même involontairement, des obstacles ou ne donnent pas lieu à des situations discriminatoires en matière de logement pour les personnes vulnérables qui sont protégées en vertu du Code des droits de la personne de l'Ontario (le «Code »).

La CODP ne prend pas position sur la question de l’obligation d’obtenir un permis, mais elle encourage les municipalités à veiller à ce que les mesures qu'elles prennent concernant la protection de la santé et de la sécurité respectent aussi les droits de la personne. Le présent document contient des commentaires sur certaines des questions soulevées dans le rapport de mai du personnel de la Ville. Il donne en outre un aperçu de certains aspects du projet de règlement municipal que la Ville, selon nous, devrait examiner plus en détail pour s’assurer qu’elle protège comme voulu les locataires et ne les empêche pas au contraire de trouver le logement qu’il leur faut à North Bay.

Les droits de la personne jouent un rôle dans les décisions prises en matière de logement

Dans son rapport, la Ville remet en question le rôle de la CODP dans les questions relatives aux règlements municipaux et à la Loi sur l’aménagement du territoire en ces termes : « La position de la Commission paraît contraire aux principes fondamentaux du zonage, qui se fondent sur des niveaux progressifs de densité. Or la Commission préférerait que les maisons de chambres soient autorisées dans toutes les zones. » Nous craignons que ni le rapport, ni le règlement municipal ne soulignent ou ne mentionnent la protection des droits de la personne en matière de logement. Le Code assure une protection contre la discrimination fondée sur divers motifs, dont l’âge, un handicap, l’état familial, l’état matrimonial, la race, l’origine ethnique, la croyance (ou la religion) et l’orientation sexuelle.

Lors de l’administration de la Loi sur l’aménagement du territoire, il convient de tenir compte du Code des droits de la personne de l'Ontario. Qui plus est, en vertu du Code et de la Loi, il est illégal de prendre des décisions concernant l’aménagement du territoire qui se fondent sur des personnes. Par contre, ces décisions doivent se faire en fonction de l’utilisation du sol et d’autres principes de planification légitimes. Les questions que nous soulevons ici tournent toutes autour d’êtres humains que le projet de règlement municipal pourrait léser au plan des droits de la personne.

En fait, le Code prévaut sur toutes les autres lois de l’Ontario, y compris la Loi sur l’aménagement du territoireCode. En vertu de l’article 29 du Code, la CODP a entre autres pour fonctions d’examiner et de revoir les lois, les règlements, les programmes et les lignes de conduite et de faire des recommandations sur une disposition qui, à son avis, est incompatible avec l’intention du Code. Elle est aussi habilitée à procéder à des examens et à des enquêtes en cas de situations de tension ou de conflit dans une collectivité, à formuler des recommandations et à favoriser et coordonner des projets, des programmes et des activités propres à éviter ou à atténuer de telles situations ou sources de tension ou de conflit. Toutes ces fonctions s’inscrivent dans ses travaux sur les questions de logement, en particulier les permis autorisant les logements locatifs.

Nous ne doutons pas que les municipalités souhaitent contribuer à la protection des droits de leurs résidents. Nous nous sommes rendu compte que de nombreux Ontariens ignorent comment ces droits s’appliquent au logement locatif. C’est pourquoi la diffusion d’information sur ces droits dans le règlement municipal de la ville et le processus d'octroi de permis aidera d’un côté les locateurs à mieux comprendre leurs obligations et à éviter des plaintes et, d’un autre, les locataires à occuper un logement, libre de toute discrimination.

Questions de nature juridique

En novembre 2009, la Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’autorisation d’appel faite par des locateurs dans l’affaire Death c. Neighbourhoods of Windfields Limited Partnership Il est fait mention de cette affaire dans le rapport accompagnant votre projet de règlement municipal. La CODP avait demandé à intervenir dans la demande d’audience devant la Cour suprême en raison des effets possibles sur les droits fondamentaux des étudiants et d’autres groupes protégés par le Code. Toutefois, la Cour suprême a rejeté la demande d’autorisation d’appel et n’a donc examiné ni l'affaire sur le fond ni les questions en jeu touchant aux droits de la personne.

Certaines personnes ont laissé entendre que l’affaire Death dissipait toute inquiétude concernant les droits de la personne et les maisons de chambres. La Commission n’est pas de cet avis. Il reste des questions non résolues quant au zonage des maisons de chambres et aux limites imposées au droit de partager un logement en fonction de liens de parenté.

La décision de janvier 2010 de la Commission des affaires municipales de l'Ontario (CAMO) dans l’affaire Advocacy Centre for Tenants Ontario c. Kitchener (la « ville »), montre clairement que les municipalités sont liées par le Code, et qu'elles doivent tenir compte des besoins de toute la population lorsqu'elles adoptent des règlements municipaux. Dans cette affaire, la CAMO a conclu que, lorsqu'une municipalité limite les possibilités de logement de personnes handicapées ou de personnes recevant l'aide sociale, elle devrait procéder à une analyse suffisante de la planification. Cette analyse aurait dû tenir compte des principes sous-tendant le Code et se demander si la ville s’était livrée à du « zonage par habitant », ce qui est interdit. Il s’agit de grands principes généraux qui peuvent avoir des répercussions négatives sur des groupes protégés par le Code, y compris les nouveaux arrivants, les jeunes, les personnes âgées, les membres de groupes racialisés et de collectivités autochtones, les célibataires, les parents et les femmes.

Dans sa décision, la CAMO a également précisé qu’une municipalité voulant justifier un règlement discriminatoire doit démontrer que celui-ci a été adopté de bonne foi, qu’il était raisonnable et que des efforts très réels et considérables ont été déployés pour satisfaire les besoins des personnes qui ont souffert de ses conséquences néfastes. D’après le règlement municipal ou le rapport l’accompagnant, il ne ressort pas que North Bay ait effectué ce genre d’évaluation ou d’analyse.

Application à toute la ville du permis autorisant les logements locatifs

Dans son rapport de mai, le personnel recommande que, dans le règlement municipal, le permis autorisant les logements locatifs s’applique à toute la ville. Or, pour le moment, les seules zones visées sont celles proches de l’Université de Nipissing et du Collège Canadore. Cela dénote clairement que le permis autorisant les logements locatifs vise certains groupes désignés par des motifs prévus au Code, comme les étudiants. La CODP recommande l’application uniforme du permis autorisant les logements locatifs et d’autres règlements municipaux dans toutes les municipalités. La Ville de North Bay court le risque de faire l’objet de plaintes relatives aux droits de la personne si ces règlements municipaux ciblent certains quartiers.

Nous recommandons que tout règlement municipal sur les permis s’applique à toute la ville.

Nombre maximal de chambres à coucher

Si nous avons constaté avec satisfaction que, dans la dernière version, le nombre maximal de chambres à coucher est passé à cinq, le plafond du nombre de chambres continue de manière générale à nous préoccuper, car il pourrait avoir pour conséquence fortuite d’exclure certains groupes protégés par le Code qui ont besoin d’un logement locatif comptant plus de cinq chambres, comme les grandes familles avec de jeunes enfants qui font l’objet d’une protection d’après leur état familial.

Le projet de règlement municipal laisse entendre qu’un logement locatif comptant plus de cinq chambres sera considéré comme une maison de chambres. D’après un examen général de vos cartes de zonage, ces types de logement ne sont autorisés que dans une poignée de zones développées, que visait tout d’abord le règlement municipal. Cela signifie en somme que les grandes maisons qui existent déjà dans la zone touchée deviendraient tout d’un coup inéligibles pour un permis, alors qu’elles ont été construites en toute légalité. Cette situation pourrait aboutir à une discrimination aux termes du Code, en particulier pour les ménages nombreux ou multigénérationnels qui comptent souvent des personnes désignées par des motifs prévus au Code.

Atténuer l’impact sur les locataires

Ce projet de règlement municipal fait état de diverses sanctions dont la Ville de North Bay peut frapper les locateurs, dont révoquer leur permis et leur ôter la possibilité de louer un logement. Il prévoit également que les propriétaires de biens-fonds voisins soient informés, en cas de contestation des sanctions. En revanche, il ne fait aucunement référence à une quelconque exigence d’informer les locataires au sujet du risque potentiel pour leur logement. Ni le rapport ni le règlement municipal ne dressent non plus la liste des mesures que prendra la Ville pour répondre aux besoins en matière de logement des locataires vulnérables, ces derniers pouvant se retrouver du jour au lendemain, en cas de révocation ou d’annulation du permis, dans la fâcheuse situation de ne plus avoir de logement. En fait, le rapport indique même que le personnel ne détient pas de données fiables sur les risques de déplacement des locataires.

Parallèlement, la population nous dit que North Bay souffre d’une grave pénurie de logements locatifs abordables, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences pour certains des résidents les plus vulnérables de la ville.

Ce scénario peut donner lieu à des plaintes aux termes du Code. Il est également susceptible de contrevenir aux protections prévues dans la Loi sur la location à usage d’habitation. La CODP recommande l’ajout de ce genre d’éléments dans le règlement municipal.

Réglementation des logements ou des locataires?

Nous avons constaté avec satisfaction que de nombreuses références au nombre de personnes pouvant occuper un logement locatif avaient disparu de la version la plus récente du règlement municipal. On y trouve encore, néanmoins, certaines références au nombre de locataires au paragraphe 3.2.3, lequel stipule, entre autres : « un logement locatif occupé par un (1) locataire, dans lequel pas plus d’une (1) autre chambre est occupée par un locataire », ce qui semble reposer sur l’hypothèse selon laquelle il n’y a qu’une personne par chambre. Supposition qui pourrait conduire à des questions indiscrètes et à un contrôle inopportun de nature à enfreindre le Code, aux motifs par exemple de l’état matrimonial ou de l’état familial.

La CODP recommande de supprimer toutes les références aux locataires individuels du règlement municipal.

Exigences relatives à la surface de plancher brute

Selon les paragraphes 7.1.2 et 7.1.4 du projet de règlement municipal, les chambres situées au rez-de-chaussée d’une maison ou au sous-sol ne peuvent occuper plus de 40 % de la surface de plancher brute. Cette exigence est plus stricte que celle du Code du bâtiment. De plus, on ne trouve aucune étude de ce chiffre ni dans le règlement municipal ni dans le rapport. Faute de montrer clairement que cette obligation est rationnelle et de bonne foi (elle se fonde par exemple sur des préoccupations en matière de santé et de sécurité), celle-ci pourrait être jugée arbitraire et comme un moyen efficace de restreindre le nombre de chambres dans un logement locatif.

La CODP recommande que la Ville élimine l’exigence concernant la surface de plancher brute et la remplace par une autre se conformant à celle du Code du bâtiment.

Observations finales

Nous demandons à la Ville de North Bay d’examiner ces questions avant de mettre en œuvre un règlement municipal ou un programme sur l’octroi de permis à des locateurs. L’objectif de la CODP est de travailler de concert avec les municipalités pour veiller à ce que les règles qu’elles mettent en œuvre soit à l’unisson de ce qu’elles considèrent comme un besoin, soit protéger la santé et la sécurité des locataires et bien les accueillir, au lieu de les priver de la possibilité de se loger. Notre objet est également de nous assurer que North Bay et toutes les municipalités de l’Ontario jettent des ponts au lieu d’ériger des barrières pour loger nos résidents les plus vulnérables.

Nous nous ferions un plaisir de vous dispenser des conseils sur l’une ou l’autre de ces questions. Si vous souhaitez des informations plus détaillées, n’hésitez pas à contacter Jacquelin Pegg, Analyste en matière d'enquêtes, au 416 326-9501.

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, Mesdames les Conseillères et Messieurs les Conseillers, l’expression de mes sentiments distingués.

La commissaire en chef,
Barbara Hall