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Discours d’ouverture : Comité permanent du patrimoine canadien M-103 – Le racisme et la discrimination religieuse systémiques

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Septembre 20, 2017

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Comité permanent du patrimoine canadien
M-103 – Le racisme et la discrimination
religieuse systémiques

Discours d’ouverture :
Renu Mandhane
commissaire en chef
Commission ontarienne des droits de la personne

Sous réserve de modifications

Introduction

Merci, Madame la Présidente, de m’avoir invitée. J’aimerais commencer par souligner le fait que nous nous trouvons en territoire traditionnel des  Algonquins de l’Ontario et reconnaître le long passé des Premières Nations et des peuples inuits et métis au Canada.

Consultation de la CODP sur le profilage racial

Tous les jours, des gens me parlent de la discrimination qu’ils ont subie. Pour ces personnes, l’existence du racisme n’est pas une idée dont on discute, mais bien une réalité de la vie.

Durant notre récente consultation sur le profilage racial en Ontario,  un homme noir nous a dit [et je cite]…

Dans les magasins, on me prend pour un voleur à l’étalage possible. Dans la rue, on me prend pour un voleur de femme ou un cambrioleur possible. [fin de la citation]

Il y a plus de 50 ans, le gouvernement a créé la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) pour traiter des questions de racisme anti-noir et d’antisémitisme. Malheureusement, notre travail n’est pas terminé, et nous découvrons encore aujourd’hui des formes de discrimination restées trop longtemps à l’abri des regards publics.

Jusqu’à tout récemment, beaucoup de Canadiennes et de Canadiens, dont moi, en connaissaient très peu sur l’histoire du colonialisme et les effets continus des traumatismes intergénérationnels sur les peuples et familles autochtones. Par exemple, une femme nous a dit [et je cite]…

Je travaille comme sage-femme, principalement auprès de femmes autochtones, et je ne sais plus de combien de préjugés racistes et de mauvais traitements à caractère racial j’ai été témoin.

À propos de la Commission ontarienne des droits de la personne

La Commission ontarienne des droits de la personne s’emploie à dénoncer, à contester et à éliminer les structures et les systèmes discriminatoires généralisés et profondément enracinés grâce à la sensibilisation, à l’élaboration de politiques, à la réalisation d’enquêtes publiques et à l’intervention devant les tribunaux. Nous avons élaboré des politiques détaillées sur la discrimination fondée sur la race et la croyance.

Montée de l’islamophobie

Depuis les événements du 11 septembre, nous avons observé une hausse de la discrimination à l’égard des personnes musulmanes ou perçues comme étant musulmanes.

Certaines personnes se sont dites préoccupées du fait que le terme « islamophobie » est vague et qu’il pourrait être interprété dans un sens large englobant toute critique de la foi musulmane. Dans notre politique relative a la croyance, nous définissons l’islamophobie de la façon suivante…

Le racisme, les stéréotypes, les préjugés, la peur et les actes d’hostilité dirigés contre des personnes musulmanes précises ou les adhérents à l’islam en général.

Nous utilisons cette définition depuis de nombreuses années sans  n’avoir jamais suscité de controverse. Il s’agit d’une définition simple tout à fait en phase avec d’autres termes utilisés couramment dans les lois relatives aux droits de la personne, comme « racisme anti-noir, » « antisémitisme » et « transphobie ».

Nous disposons d’un bassin croissant de preuves à l’appui du fait que la discrimination, le harcèlement et même les crimes commis à l’endroit des personnes musulmanes sont en hausse. Plus tôt cette année, Statistique Canada rapportait que le nombre de crimes haineux déclarés par la police avait connu une hausse de 60 pour 100 en une année. Les musulmans constituaient le second groupe le plus souvent ciblé, après les personnes juives.

Au-delà des gestes individuels

Au-delà des gestes individuels d’intolérance qu’elle motive, l’islamophobie peut amener les gens à penser que les musulmans constituent une plus grande menace à la sécurité sur le plan institutionnel, systémique et sociétal, et à les traiter ainsi. Par exemple, une femme qui travaille souvent dans des pays arabes et islamiques nous a dit [et je cite]…

Voici comment ça se passe habituellement : Après l’enregistrement, je me rends à la zone de sécurité de l’aéroport. Mon bagage traverse le poste de contrôle des bagages et je passe dans le scanner corporel sans problème. Malgré ça, presqu’à tout coup, on me dit que j’ai été choisie au hasard à des fins de contrôle additionnel. Ça ne prend que quelques secondes ou minutes de plus, mais je commence à avoir envie de répondre que « ça n’a rien du hasard quand ça arrive tout le temps » [fin de la citation].

Les stéréotypes à l’égard de la menace que représentent les musulmans pour la sécurité et les valeurs canadiennes sont particulièrement prononcés et ont entraîné une forme hybride de profilage racial et religieux.

M-103 – Dénoncer la haine et la discrimination

Du point de vue de la Commission, nos dirigeants doivent à tout prix reconnaître les fondements idéologiques de la haine et de la discrimination et clairement les nommer. C’est pourquoi il importe de dénoncer l’islamophobie, le racisme anti-noir, l’antisémitisme et le racisme envers les Autochtones.

L’adoption de la motion M-103 est un bel exemple de leadership de la part du gouvernement fédéral sur le plan de la dénonciation du racisme et de l’appel à l’action. Cette motion est similaire à la motion M-630, qui condamnait la montée de l’antisémitisme et a été adoptée à l’unanimité en 2015.

Entrave à la liberté d’expression?

La possibilité que des motions comme M-103 limitent la liberté d’expression, une liberté fondamentale aux termes de la Charte, a suscité de nombreuses discussions. La motion M-103 ne limite pas la liberté d’expression. Elle n’interdit aucune conduite. Elle n’empêche pas les gens de dire ce qu’ils pensent.

Plutôt, elle sert de point de départ du règlement d’un problème qui peut rapidement dégénérer et causer des torts mortels, comme nous l’a montré la fusillade à la mosquée de Québec.  

Agir contre les torts, pas l’expression

La plupart des Canadiennes et Canadiens acceptent le fait que la Charte protège la liberté de tenir des propos que de nombreuses personnes trouveraient choquants, tant que ces propos n’atteignent pas le stade de crime haineux et ne constituent pas du harcèlement aux termes des lois relatives aux droits de la personne.

Mais la garantie de liberté d’expression ne signifie certainement pas que le gouvernement a les mains liées lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux torts bien réels causés par le racisme, qu’il s’agisse de :

  • la méfiance à l’égard des institutions publiques,
  • les torts physiques ou mentaux causés à des personnes, ou
  • les dommages à long terme au bien-être collectif d’une communauté.

À l’égard de ces torts, le gouvernement peut et doit faire figure de proue – en dénonçant le racisme et en mettant en œuvre des politiques et des programmes qui enverront un message fort et cohérent selon lequel le racisme et l’islamophobie causent des torts aux personnes, aux communautés et, au final, à tous ceux et celles d’entre nous qui voulons vivre dans la paix et l’harmonie. Nous devons envoyer un message collectif voulant que la Constitution, bien qu’elle protège la liberté d’expression, garantie également l’égalité, sans égard à la race et à la religion.

Le gouvernement a le pouvoir d’agir pour protéger les personnes  auxquelles nuisent le racisme et l’islamophobie, et nous le sommons de le faire avec assurance. Le gouvernement a une marge de manœuvre considérable lorsqu’il s’agit de prendre position et d’élaborer des politiques et des programmes qui encouragent l’inclusion et le respect, tout particulièrement pour les minorités raciales et religieuses. De telles mesures correspondent aux valeurs des Canadiennes et Canadiens, et sont conformes à la Charte.  

Mesures prises par l’Ontario

D’ailleurs, le gouvernement de l’Ontario a récemment pris de telles mesures en créant une Direction générale de l’action contre le racisme chargée d’assurer l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques, programmes et services du gouvernement selon une perspective de lutte contre le racisme.

L’Ontario a aussi adopté des mesures législatives lui permettant d’exiger la collecte de données relatives aux droits de la personne dans des domaines clés – comme le maintien de l’ordre, l’éducation et le bien-être de l’enfance. Ces données aideront à cerner la discrimination systémique souvent cachée, et à suivre les progrès effectués pour l’éliminer.

Appel à l’action – le gouvernement du Canada

Nous sommons le gouvernement du Canada de prendre des mesures semblables. Premièrement – le gouvernement doit continuer de dénoncer catégoriquement l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme anti-noir et le racisme envers les Autochtones.

Deuxièmement, il doit établir et financer adéquatement des programmes et initiatives de lutte contre la haine et le racisme. Pour y parvenir, de nombreuses options s’offrent à lui, comme le fait d’ajouter un volet antiracisme aux programmes de financement de Patrimoine canadien ou de mettre à jour son plan d’action sur le racisme.

Troisièmement, le gouvernement doit prendre des mesures concrètes pour cerner et éliminer la discrimination systémique, y compris en rendant obligatoire la collecte de données relatives aux droits de la personne par l’ensemble des services gouvernementaux. Depuis plus de 20 ans, le gouvernement exige que ses ministères mènent des analyses d’impact sexospécifiques. Il est temps de suivre ici la même voie – et d’exiger des analyses d’impact fondées sur la race.

Conclusion

Il y a un peu plus d’un an, en visitant Ottawa, le président Obama a déclaré : « Le monde a besoin de plus de Canada. » Nous avons encore beaucoup à faire avant de pouvoir légitimement nous qualifier de modèle pour les autres nations.

Donnons au monde davantage du Canada auquel nous aspirons tous, un Canada où les droits de la personne sont une réalité de la vie pour toutes et tous. Et assurons-nous de ne pas laisser les personnes qui se préoccupent davantage de définir le racisme que de l’éliminer miner nos efforts.